Pendant la campagne présidentielle, Sarkozy a atteint les sommets du mensonge et de l’hypocrisie. Il allait s’occuper des pauvres, des « sans-grade », des opprimés, des chômeurs, des ouvriers. Ceux qui ont cru à ce flot de promesses ont vite déchanté. La politique de Sarkozy répond exclusivement aux exigences de la classe capitaliste. Sarkozy a pu compter sur l’appui de la puissante industrie médiatique qui se trouve entre les mains des capitalistes. La manipulation de l’opinion publique par les médias était un facteur important dans la victoire de la droite. Mais l’explication principale de la défaite de la gauche réside dans la dérive droitière de la direction du Parti Socialiste.
Ségolène Royal et la direction du PS ont fait campagne sur la base du programme le plus vide et le plus conservateur de toute l’histoire du mouvement socialiste. Le programme du PS ne contenait aucune mesure susceptible d’améliorer sérieusement le sort des victimes du capitalisme, et donc de soulever leur enthousiasme. En conséquence, de nombreux travailleurs et retraités se sont laissés duper par le discours démagogique de Sarkozy.
Les horizons radieux dessinés par Sarkozy et ses alliés médiatiques – où le mérite et l’effort de tous seraient récompensés, où la pauvreté et les inégalités diminueraient, où les « patrons voyous » seraient sanctionnés – ne seront jamais atteints. Sarkozy est assis sur une charge de plus en plus puissante de matériel social explosif.
Face aux attaques de la droite et du patronat, les travailleurs et les jeunes ont plus que jamais besoin d’un PCF fort et combatif. Le parti doit se maintenir et se renforcer, étendre son influence. Ceci implique, chacun le sait, une évaluation critique, sans la moindre complaisance, du programme et des orientations du parti au cours de la dernière période. Dans les erreurs qui sont à la source de son affaiblissement, il n’y a absolument rien d’irrémédiable. Nous rejetons catégoriquement les arguments de ceux qui voient dans les difficultés de la dernière période les signes d’un déclin «historique» – et donc irréversible – de notre parti. L’idée d’une dissolution du parti ou de sa transformation en « autre chose » doit être fermement et définitivement écartée. Par un effort commun, les communistes peuvent faire en sorte que le programme et l’action de leur parti soient à la hauteur des enjeux de notre époque, c’est-à-dire de la lutte pour libérer l’humanité de l’exploitation capitaliste.
La concentration du capital a atteint un niveau de développement sans précédent. Quelques milliers d’individus, à la tête d’entreprises capitalistes gigantesques, tiennent dans leurs mains les destinées de la planète. Une seule entreprise de la grande distribution, Walmart, réalise un chiffre d’affaires – 351 milliards de dollars – nettement supérieur au PNB de la Belgique (323 milliards en 2005) et deux fois supérieur à celui de l’Afrique du Sud (165 milliards). Les bénéfices annuels de Walmart s’élèvent à plus de 11 milliards de dollars, soit l’équivalent du PNB de la Jordanie. L’entreprise emploie 1,9 million de salariés. Sur le marché américain, un article de consommation courante sur cinq et un jouet pour enfant sur deux sont vendus par Walmart. Le groupe Carrefour réalise un chiffre d’affaires de 77 milliards d’euros et emploie près d’un demi-million de salariés. Un seul capitaliste, Bill Gates, possède une fortune personnelle de 59 milliards de dollars !
L’effondrement de l’URSS et la restauration du capitalisme en Europe de l’Est avaient donné un nouvel accès de confiance aux représentants du capitalisme à travers le monde, et en particulier aux impérialistes américains. Le capitalisme avait triomphé du « communisme » – en réalité, de régimes qui n’en étaient que des caricatures bureaucratiques et totalitaires. Plus rien ne semblait pouvoir s’opposer à l’écrasante domination de l’impérialisme américain. Le « nouvel ordre mondial » devait soumettre tous les peuples d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et du Moyen-Orient à sa domination économique, politique et militaire.
Le brusque changement dans la configuration des relations internationales s’est accompagné d’une puissante offensive idéologique dirigée contre le marxisme et contre les idées progressistes en général. Désormais, le « marché » devait décider de tout. La totalité des activités économiques et des relations sociales devait être soumise aux lois de la concurrence et du profit. Il fallait tout privatiser.
Les répercussions négatives de ce phénomène étaient d’autant plus importantes que les Partis Communistes, même quand ils avaient pris des distances par rapport aux régimes en question – comme c’était le cas, par exemple, du PCF –, les présentaient tout de même comme autant de régimes « communistes ». Leurs dirigeants n’avaient pas anticipé l’effondrement de ces régimes et ne pouvaient en fournir la moindre explication. De manière générale, la réaction idéologique s’est traduite par un décalage vers la droite dans la politique des partis sociaux-démocrates et communistes, ainsi que dans les orientations des organisations syndicales. Les dirigeants du Parti Socialiste, en France, ont évacué de leur programme toute référence au marxisme et à la propriété publique des moyens de production. Le PCF n’était pas non plus à l’abri de l’offensive idéologique pro-capitaliste, comme en témoignent les modifications successives de son programme et le comportement de ses dirigeants à l’époque du gouvernement Jospin. Quant au Parti Communiste Italien, à force « d’innover » et de « réinventer le communisme », il a fini par fusionner avec des formations de droite pour fonder un nouveau parti capitaliste, le Parti Démocrate.
Aujourd’hui, près de 20 ans après la chute du mur de Berlin, le triomphalisme des représentants du capitalisme a cédé la place à une profonde inquiétude. Les guerres en Irak et en Afghanistan, qui devaient fournir au monde entier une preuve irréfutable de l’énorme puissance militaire des Etats-Unis, en ont surtout montré les limites. Les Etats-Unis et leurs alliés – dont la France, en Afghanistan – sont en train de perdre ces guerres. Par ailleurs, les Etats-Unis sont en récession, et l’Europe suit la même pente. En Chine et en Inde, une crise de surproduction est inévitable.
Le « nouvel ordre mondial » sombre dans le désordre. L’Amérique latine est en pleine ébullition. Au Venezuela, en Bolivie, au Mexique, en Equateur, des mouvements de masse aux proportions insurrectionnelles ont ébranlé le système capitaliste jusque dans ses fondations. Le continent africain, le Moyen-Orient et les pays asiatiques sont entrés dans une période de turbulence et d’instabilité. A la place de l’optimisme conquérant des années 90, les porte-parole des grandes puissances sont habités par le sentiment que le sol se dérobe sous leurs pieds.
La croissance économique relativement soutenue qu’ont connue les Etats-Unis s’est réalisée sur la base d’une intensification du taux d’exploitation des travailleurs, au détriment des conditions de vie de la vaste majorité de la population. Entre 1998 et 2007, la productivité des travailleurs américains a augmenté de plus de 30%, alors que leur pouvoir d’achat a baissé, sur la même période. La demande intérieure n’était soutenue que par l’endettement massif des ménages, notamment par le biais d’emprunts à taux variable, dont les subprimes. La spirale haussière des valeurs immobilières a massivement alourdi cet endettement. Cette bulle spéculative a éclaté. En 2007 avec la saturation du marché de l’immobilier, un million de familles américaines surendettées ont été expulsées de leur foyer.
Dans les pays européens, la croissance du PIB – relativement faible, dans la plupart des cas – a été acquise au détriment de la majorité de la population. A travers le continent, la classe capitaliste mène une offensive implacable contre les services publics, les conditions de travail, les droits des salariés, des chômeurs, des retraités et des jeunes, créant au passage une masse sans cesse grandissante de pauvres. Pour sauvegarder leurs profits, les capitalistes doivent obligatoirement réduire la part des richesses qui est restituée, sous une forme ou sous une autre, aux travailleurs qui les ont créées. La place qu’occupe l’Union européenne dans l’économie mondiale se rétrécit, ce qui ne peut qu’attiser les tensions entre ses pays membres. Ils s’affrontent sur le marché européen et sur le marché mondial. Les capitalistes de chaque pays s’efforcent de défendre leurs profits au détriment des autres.
L’augmentation du taux d’exploitation des travailleurs et les attaques constantes contre leur niveau de vie ont eu, certes, un effet sur la compétitivité du capitalisme français. Mais dans la mesure où les mêmes attaques sont menées dans les autres pays, les avantages que cela procure à leurs classes capitalistes respectives s’annulent réciproquement. Sur la base du capitalisme, le déclin de la France est irréversible.
La tentative d’expliquer ce déclin par la baisse du dollar – et ainsi d’exonérer, au passage, les capitalistes français – ne tient pas la route. Le capitalisme français est également en repli dans la zone euro, où les taux de change n’entrent pas en jeu. L’économie nationale souffre d’un sous-investissement chronique, tout particulièrement dans le secteur industriel et manufacturier.
Depuis une quinzaine d’années, le taux de croissance du PIB français a varié dans une fourchette allant de –1% à +4,1%. Depuis 2001, il n’a jamais dépassé 2,3%. Mais le fait est que sur l’ensemble de cette période, il n’y pas eu un seul domaine – emploi, conditions de travail, santé, éducation, logement, retraites – où on peut parler d’un quelconque progrès social. Au contraire, les inégalités sociales sont encore plus marquées qu’auparavant et la précarité de l’emploi s’est généralisée. La hausse des prix sur pratiquement tous les postes de dépenses des ménages se traduit mois après mois par une réduction de leur niveau de vie. Les différentes manifestations de la « grande misère » – mendicité, « soupes populaires », maladies liées à la pauvreté, etc. – s’aggravent d’année en année.
Karl Marx expliquait que le profit n’est autre que le travail impayé du salariat. La lutte des classes est une lutte pour la répartition, entre les capitalistes et les salariés, des richesses créées par ces derniers. La perte de marchés au niveau mondial, sur le marché européen et même national, ne peut que rendre cette lutte encore plus âpre et implacable. Pour maintenir et accroître leurs profits, malgré la perte de marchés, les capitalistes n’ont d’autres recours que de redoubler leur offensive contre les droits et les conditions de vie des travailleurs. Plus le gâteau se rétrécit, plus la lutte pour son partage s’attise.
Les profits colossaux des capitalistes ne proviennent pas de la conquête de nouveaux marchés, ni d’un développement des capacités productives du pays. Ils s’expliquent par le caractère de plus en plus rapace du capitalisme français. La spéculation financière rapporte des milliards à une classe de parasites, cependant que les fusions et les acquisitions « rationalisent » la production aux dépens des salariés. La technologie, la « flexibilité », le travail précaire et sous-payé, le prolongement de la semaine du travail, la réduction des effectifs, la délocalisation, la sous-traitance, le chantage, les innombrables pressions morales et psychologiques à l’encontre des travailleurs : tous les moyens sont bons pour extraire davantage de profits du travail accompli par le salarié.
L’endettement de l’Etat français est actuellement supérieur à 1200 milliards d’euros, soit 64% du PIB. Le montant des seuls intérêts que l’Etat verse aux banques est supérieur à la recette totale de l’impôt sur le revenu ! Lorsque Sarkozy déclare que « les caisses sont vides », il n’a pas tort. Sauf que, quand il s’agit de faire des largesses en direction des capitalistes ou de gaspiller des sommes colossales dans des équipements et opérations militaires (comme en Afghanistan, par exemple), l’argent ne manque pas. L’argument ne vaut que lorsqu’il s’agit de la paye des travailleurs du secteur public et des administrations, des retraites, de la sécurité sociale et des allocations chômage.
Le déclin du capitalisme français et la perspective d’une récession mondiale sont lourds de conséquences pour la masse de la population française. Plus que jamais, les acquis sociaux seront constamment menacés, minés et détruits. Ce qui est gagné aujourd’hui sera perdu demain par la mise en concurrence des salariés et par les mécanismes inexorables du marché. Les bases économiques sur lesquelles repose l’idéologie des réformistes n’existent plus. Dans le contexte actuel, où le système tire tout vers le bas, le réformiste ressemble à un homme qui gravit lentement et péniblement les marches d’un escalier mécanique descendant. A force de voir son niveau de vie constamment menacé, la psychologie du salariat – et notamment de sa couche la plus politiquement consciente – commence à changer. L’illusion d’un « dépassement » graduel des inégalités, voire du système capitaliste lui-même, au moyen d’une accumulation progressive de réformes sociales, s’efface devant la dure réalité du capitalisme. Les marchands de cette illusion – qu’ils soient de droite ou de gauche – ne sont plus crédibles. Nous sommes entrés dans une époque de régression sociale permanente.
Le gouvernement actuel est une véritable machine de guerre au service des intérêts capitalistes. Mais l’expérience nous apprend que même si le Parti Socialiste était au pouvoir, avec ou sans participation gouvernementale du PCF, les capitalistes auraient usé de leur emprise sur l’économie pour forcer l’adoption d’une politique conforme à leurs intérêts, comme ils l’ont fait par le passé. Quand ils sont au pouvoir, les dirigeants socialistes justifient le renoncement aux réformes – déjà minimes – en expliquant, en substance, que s’ils les mettaient en œuvre, il y aurait moins d’investissements, une fuite de capitaux et plus de chômage. Ainsi, la politique du gouvernement Jospin était un mélange de réformes plus ou moins conséquentes et de privatisations massives. La valeur des biens publics transférés au secteur capitaliste dépassait les 31 milliards d’euros !
Ces privatisations ne figuraient pas dans le programme électoral du PS, et encore moins dans celui du PCF. Il y a, dans l’expérience douloureuse des années 1997-2002, une leçon fondamentale pour tous les travailleurs soucieux de ne pas la revivre, et surtout pour les communistes. Quelles que soient les ambitions réformistes d’un futur gouvernement de gauche, avec ou sans la participation du PCF, il se trouvera confronté à une alternative implacable. Soit il mobilisera les travailleurs et la jeunesse pour briser l’emprise des capitalistes sur l’économie et l’Etat, c’est-à-dire pour exproprier les capitalistes – soit il sera contraint, par la force des choses, de mettre sa politique en conformité avec les lois du capitalisme sur toutes les questions essentielles.
Depuis la grève générale des transports et des services publics de 1995, des millions de jeunes et de travailleurs se sont mobilisés, à de nombreuses reprises, et parfois à une échelle inédite depuis 1968. D’innombrables grèves et mobilisations massives ont marqué les années Raffarin et de Villepin : contre le Front National (2002), contre la guerre en Irak et la « réforme » des retraites (2003), contre la Constitution Européenne (2005) et contre le CPE (2006). Depuis l’élection de Sarkozy, d’autres luttes de grande envergure ont eu lieu, notamment pour la défense de retraites et de l’Education nationale, sans oublier les luttes des sans-papiers, etc. Le cours de la lutte contre le CPE, en 2006, ressemblait beaucoup à celui qui a précédé la grève générale de 1968, à une différence près : la mobilisation de la jeunesse, en 2006, était encore plus massive, plus générale et mieux organisée que celle des étudiants de 1968. Si Chirac et de Villepin n’avaient pas fini par faire marche arrière, ils auraient perdu tout contrôle de la situation. Ce n’est pas un hasard si Bayrou parlait, à l’époque, d’une « ambiance d’effondrement » au sommet de l’Etat.
Tout au long de cette période, qui dessine une courbe ascendante de luttes et de mobilisations, le Parti Communiste aurait dû être dans son élément naturel. Il aurait pu et dû renforcer sa position, non seulement sur le plan électoral, mais aussi en termes d’implantation sociale, d’influence dans les organisations syndicales, d’effectifs militants et de finances. Et pourtant, sur cette même période, la courbe de son développement va dans le sens inverse.
Il y a donc un problème. Un grave problème. Tous les communistes en sont conscients. Dès lors, il est nécessaire de déterminer si les causes de cette régression sont externes – c’est-à-dire, comme le prétendent les médias capitalistes, inscrites dans les conditions objectives de la société contemporaine –, ou si au contraire, comme nous le pensons, elles sont internes, c’est-à-dire essentiellement liées au programme et aux orientations politiques du parti lui-même.
Dans le passé, ce qui faisait la force du PCF, ce qui lui permettait de résister face à la répression et à l’offensive idéologique permanente menée contre lui par les capitalistes, c’est que la couche la plus militante et la plus consciente du salariat et de la jeunesse voyait en lui un parti révolutionnaire. Aux yeux des militants et sympathisants du PCF, il incarnait l’idée du renversement du capitalisme et de la réalisation du socialisme.
Entre 1981 et 2002, la gauche a été au pouvoir pendant 15 ans, et avec la participation du PCF pendant 8 ans. Il y a eu quelques réformes progressistes. Mais sur toutes les questions fondamentales, les partis de gauche au pouvoir ont aligné leur politique sur les intérêts capitalistes, de sorte qu’aucun des problèmes sociaux les plus brûlants n’a été résolu – bien au contraire. Cette expérience a miné la crédibilité des dirigeants socialistes et communistes aux yeux de la masse des travailleurs. En ce qui concerne le PCF, le soutien au « plan de rigueur », en 1982-1984 (démantèlement de l’industrie sidérurgique, blocage des salaires), puis, sous Jospin, le ralliement et la participation active à la politique de privatisations, ont mené à un effondrement de la crédibilité du parti comme « parti révolutionnaire ». La couche la plus militante et combative des travailleurs – celle qui donnait au parti ses relais dans la société, ses racines dans les entreprises et les quartiers populaires – a largement « décroché ». Le parti a perdu des centaines de milliers d’adhérents. L’incapacité totale des dirigeants de prévoir et d’expliquer l’effondrement des régimes dictatoriaux prétendument « communistes » a également porté un coup très sévère à l’autorité politique du PCF, et contribué à la désorientation de ses militants.
Le comportement des dirigeants du PCF au gouvernement et la dilution progressive de son programme ont convaincu la majorité de la couche la plus militante et combative du salariat que malgré le ton plus radical de son discours, le PCF ne représente pas, dans la pratique, une alternative sérieuse au réformisme du Parti Socialiste. Aux yeux des centaines de milliers de travailleurs qui formaient le socle de la base sociale et électorale du parti, un PCF qui cautionne des privatisations et d’autres mesures anti-sociales ne sert pas à grand-chose.
Quand l’électorat de gauche fait face à deux partis réformistes, c’est nécessairement le plus grand qui l’emporte, quelles que soient les différences dans leurs programmes. La masse des travailleurs ne lit pas le détail des programmes. Elle se forge son idée essentiellement sur la base de son expérience. Les différences entre les programmes du PCF et du PS pèsent beaucoup moins lourd, aux yeux de l’électorat de gauche, que la politique menée conjointement par le PS et le PCF quand ils étaient au pouvoir. Dès lors, pour la masse des jeunes et des travailleurs, le seul véritable enjeu, c’est de savoir lequel des deux partis aura les meilleures chances de battre la droite dans les urnes. Dans ce domaine, c’est forcément le PS qui l’emporte. La dérive réformiste dans la politique du PCF a favorisé le PS, d’un côté, et de l’autre a ouvert un espace à la LCR.
La situation actuelle offre d’énormes possibilités au PCF, à condition de tourner le dos aux idées décousues du réformisme « anti-libéral », qui ne peuvent que semer davantage de confusion. Il faut réarmer politiquement le parti sur la base des idées du marxisme et du programme du socialisme révolutionnaire.
Le PCF a modifié sa politique à l’égard des subventions et autres « cadeaux » accordés aux capitalistes. Par exemple, dans L’Humanité du 21 mai 2008, elle propose la prise en charge totale ou partielle des intérêts sur les sommes empruntées par les capitalistes « pour des investissements matériels, de recherche, en logiciels, avec des taux d’autant plus abaissés, jusqu’à zéro, que sont créés de bons emplois et de bonnes formations. » Ces crédits « à taux zéro » pour les capitalistes font partie d’un ensemble de propositions de type « bonus-malus », destinées à inciter les capitalistes à s’enrichir par l’exploitation directe des travailleurs plutôt que par d’autres procédés, comme par exemple des opérations financières.
Très peu de militants communistes sont d’accord avec ce genre de subventions. Après tout, quand les travailleurs prennent des crédits – parfois juste pour essayer de joindre les deux bouts – ils paient bien des intérêts ! Dès lors, pourquoi les capitalistes, qui s’enrichissent par l’exploitation du travail salarié, n’en paieraient pas? Et puisqu’il n’est pas question que les banques ne touchent pas les sommes en question, les partisans de ces subventions proposent tout bonnement que celles-ci soient prises en charge par les contribuables ! Prétendre que ce type de mesure répond à une « logique anti-capitaliste » est parfaitement insensé. Au contraire, de telles propositions s’inscrivent directement dans la « logique » capitaliste, qui dit que si on veut faire du bien aux pauvres, il faut d’abord enrichir les riches.
Le PCF doit-il vraiment prôner la prise en charge des intérêts, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros, sur les crédits contractés par des capitalistes ? Beaucoup de travailleurs se diront que si l’Etat a de l’argent à dépenser sur la création d’emplois, qu’il le fasse tout d’abord dans le domaine public – dans les hôpitaux, les crèches et les écoles, par exemple – plutôt que de récompenser l’avarice des exploiteurs, sous prétexte que, dans tel ou tel cas, leur recherche de profit crée des emplois.
Ajoutons à cela que bon nombre de travailleurs – chez Air France et Airbus, par exemple – ont fait l’expérience des « nouveaux droits » à la sauce « anti-libérale » à l’époque de la privatisation de ces industries par un ministre PCF, Jean-Claude Gayssot. Pour ce dernier, la privatisation, rebaptisée « ouverture du capital », n’était rien moins qu’une « conquête sociale » ! La création d’un dispositif de « salariés-actionnaires » était, à l’en croire, un bel exemple de la « réappropriation sociale de l’entreprise » évoquée dans le programme du parti. Gayssot n’agissait pas seul. Il avait l’appui de pratiquement toutes les composantes de la direction du parti. Et comme en témoignent les textes publiés par L’Humanité à l’époque, ni Robert Hue, ni les « économistes » autoproclamés du parti ne ménageaient leur peine pour justifier les privatisations en cours, en les enrobant d’un discours sur des « contre-pouvoirs citoyens » et des « droits nouveaux » qui n’ont jamais vu le jour.
L’axe central de la politique économique du parti est la mise en place d’un système de taxation particulièrement lourd à l’encontre des capitalistes. La direction du parti prône une série de mesures fiscales qui permettraient, selon elle, de faire une « autre politique » : taxation des actifs financiers, cotisations sur les revenus boursiers, suppression des exonérations patronales, annulation du « paquet fiscal », augmentation de l’impôt sur le revenu des plus aisés et doublement de l’ISF. Le solde de ces opérations serait de l’ordre de 80 milliards d’euros, nous dit-on, soit l’équivalent de 80% des bénéfices des entreprises du CAC40. Autrement dit, ce qui est proposé ici, c’est ni plus ni moins qu’une baisse massive de la rentabilité du capital en France. Or, sous le capitalisme, c’est précisément la rentabilité du capital qui constitue la justification et la force motrice de toute activité économique. Un gouvernement qui tenterait de prélever une somme aussi importante sur les revenus des capitalistes se trouverait immédiatement confronté à une chute brutale du taux d’investissement, une fuite massive de capitaux, une vague de délocalisations et une brusque montée du chômage. Et que ferait le PCF contre ces actions visant à défendre la rentabilité du capital ? Le programme du parti ne dit rien sur ce point. Ce n’est pourtant pas un détail !
Le fond du problème, c’est que la direction du PCF a abandonné l’objectif de l’expropriation des capitalistes. Depuis la période Robert Hue, elle accepte « l’économie de marché ». Son programme actuel ne contient pratiquement aucune nationalisation. Les dirigeants se limitent à la recherche de « nouvelles » astuces (qui sont en fait très anciennes et déjà discréditées) pour « réguler » le capitalisme. D’où cette usine à gaz totalement incohérente de « bonus », de « malus », de prélèvements et de taxes – sur les profits, sur les transferts de capitaux, sur les opérations jugées « spéculatives », etc. – sous prétexte de favoriser l’emploi, la formation, la santé, l’environnement, le logement, et ainsi de suite.
La terminologie souvent complètement creuse employée dans les discours, sur les affiches et les tracts du parti, comme dans les pages de L’Humanité, ne fait que rajouter à la confusion. Dire que le parti veut « un meilleur vivre ensemble » ou une « autre politique » – sans préciser laquelle – ne sert à rien, si ce n’est à renforcer l’impression, chez les travailleurs et les jeunes, que le parti ne sait pas où il va et ne sait pas ce qu’il veut.
Un changement d’orientation est nécessaire. Il y va de l’avenir du parti. Le PCF doit mener un travail constant de propagande et d’explication des idées du socialisme. Les discussions dans les sections et à tous les échelons du parti portent trop souvent sur des questions organisationnelles – alliances, collectifs, forums, ateliers, rassemblements, etc. On ne peut pas régler un problème politique au moyen d’astuces et d’expédients organisationnels. Le destin du PCF dépend avant tout de son programme. Il faut expliquer aux travailleurs et à la jeunesse la nécessité impérieuse d’en finir avec le capitalisme, faute de quoi ils ne pourront pas maintenir les acquis, quelle que soit l’ampleur des luttes qui seront menées. Le socialisme ne deviendra une possibilité réelle et immédiate que lorsque la masse des travailleurs s’engagera de façon décisive dans la lutte contre le système capitaliste. Sans l’indispensable travail préalable de propagande et d’éducation politique, le PCF ne joue pas son rôle, se prive de sa raison d’être, s’empêche de reconquérir le terrain perdu et se condamne à en perdre davantage.
Les « mutations sociologiques »
L’un des arguments « théoriques » avancés pour justifier l’abandon des idées marxistes – et même la liquidation du PCF – concerne les « mutations sociologiques » qui seraient à l’œuvre dans la société française. En substance, ses partisans affirment que la classe ouvrière occupe une place de moins en moins importante dans la société, et que cette évolution engendre un changement correspondant des « mentalités ». L’abandon des objectifs communistes du parti ne serait que la prise en compte de cette mutation sociologique. Cependant, cette « théorie » ne correspond à aucune réalité.
Très peu de salariés se qualifieraient de « prolétaires », de nos jours. Mais ce n’est qu’une question de terminologie. Par le terme prolétariat, Marx et Engels désignaient la classe des « salariés modernes qui, privés de leurs propres moyens de production, sont obligés, pour subsister, de vendre leur force de travail. » Cette classe – le salariat – représente aujourd’hui près de 90% de la population active. Jamais, dans toute l’histoire du pays, son poids social n’a été aussi élevé.
A quoi pensent-ils, ceux qui discourent sur le thème de l’effacement de la classe ouvrière, lorsqu’ils marchent dans la rue ? Ne se sont-ils jamais demandés d’où viennent la construction et l’entretien des bâtiments qui les entourent, l’entretien des trottoirs et de la chaussée, l’éclairage, les voitures, les vélos, etc. ? N’ont-ils jamais pensé aux millions de mains et de cerveaux qui font « tourner » la machine économique et sociale dans toute sa vaste complexité ?
Loin d’avoir affaibli le salariat, les « mutations sociologiques » à l’œuvre depuis l’époque de Marx l’ont au contraire placé au cœur même de l’organisme social, et ce à un degré que Marx lui-même aurait eu du mal à imaginer. Dans le domaine de la production, de la distribution, des transports, de la construction, des « services », mais aussi dans toutes les branches des administrations et des services publics, le salariat assure toutes les fonctions essentielles de la société. A la veille de la révolution française, l’Abbé Sieyès écrivait que le « tiers état », considéré comme « rien » par les tenants de l’Ancien Régime, était en fait « tout » dans la société. De nos jours, nous pouvons dire avec infiniment plus de justification que le salariat – la classe ouvrière, en d’autres termes – est « tout » dans la société, et que sans lui, sans son consentement, rien ne se fait, bien qu’il soit méprisé et ignoré par la classe qui l’exploite.
A l’époque de la rédaction du Manifeste du Parti Communiste, les rapports de production capitalistes s’installaient progressivement en Europe, en Amérique du Nord et sur tous les continents. Mais ils n’étaient pleinement développés que dans un seul pays : la Grande-Bretagne. Les idées et les perspectives annoncées dans le Manifeste du Parti Communiste étaient une anticipation brillante de l’évolution future du capitalisme. Les perspectives présentées par Marx et Engels – concentration du capital, diminution du poids de la petite propriété, division de la société en deux classes fondamentales, internationalisation des rapports de production capitaliste – ont été confirmées de façon éclatante par le cours ultérieur de l’histoire. Loin d’avoir été invalidées, les idées du marxisme sont encore plus pertinentes aujourd’hui qu’à l’époque de Marx.