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18 avril 2008 5 18 /04 /avril /2008 07:45

J'y remonte avec un sentiment d'excitation à l'opposé de ce que je ressentais il y a encore quelques minutes. Tout alsacien que je suis, j'ai le caractère versatile du marseillais, enfin de la caricature que l'on en fait, un demi-italien qui passe du rire aux larmes en un instant. Si je ne me surveille pas, je vais finir par avoir moi-aussi une fausse idée des habitants de la cité phocéenne. C'est d'autant plus dur de résister quand une bonne partie des « méridionaux » se parodient eux-mêmes comme pour donner raison à ceux qui les raillent. On est rassuré lorsque l'on peut entrer dans une case, je ne le sais que trop car les pédés se laissent souvent enfermer dans ces jeux de rôle. Pour ma part, je m'y refuse, donc je dois être attentif à ne pas pratiquer ce genre de ségrégation.

Le temps de réfléchir à ces petites considérations qui ne sont pas des détails et me voilà à nouveau sur cette place des Pistoles. Elle détonne dans ce quartier qui, comme j'ai pu le constater, est vieux, moche, étroit, populaire, sinueux. Ici une place relativement large, un parking, alors que le reste du Panier semble un remède au tout automobile. Des maisons plus belles, mieux rénovées, et surtout qui sentent moins cette misère qui exhale des ruelles sombres de ce coin si cher à Izzo mais que peu pourraient décrire comme beau. Ce qui frappe le plus quand on pénètre sur cette « place des Pistoles » c'est la lumière, le jour, la clarté. Dans cette ville pourtant si méditerranéenne, il semblerait que l'astre solaire refuse de briller entre la « montée des Accoules », la « rue des moulins » et la « rue du Panier », et, tout à coup, il explose « Place des Pistoles ».

Je soupçonne les bulldozers de l'avoir un peu aidé à pénétrer là en ayant fait tomber quelques pans de murs de maisons délabrées, insalubres ou tout simplement à l'image de celle du quartier. Un début d'épidémie de foyer hausmannien dans une partie de la ville qui semblait immunisée jusqu'à maintenant.

Je veux avoir confirmation des dires de la vieille espagnole. J'entreprends donc une visite attentive. 

Mon premier regard est confirmé par l'inspection détaillée. En quelques mètres on est passé du quartier populaire et vieillot à un espace qui se veut résolument plus chic, un rien branché, avant-goût de ce que deviendra le Panier si on y laisse pénétrer les promoteurs. Marseille est une des grandes villes qui n'a pas encore éradiqué ses pauvres du centre ville : pour combien de temps ? Le poison a été inoculé sur la place des Pistoles, quelques gouttes de T.G.V. Méditerranée, un zeste d'ITER, un soupçon de mode et le Panier perdra son âme. Bien entendu, les plus pauvres en feront les frais... mais je suis certainement un rabat-joie qui ne peut s'empêcher de gâcher la fête.

La rénovation de la place est quasiment terminée. Il a bien cependant un échafaudage sur une baraque en cours de ravalement. Manque de bol, les travaux semblent à l'arrêt, du moins ce jour. Je m'avance pour avoir la confirmation qu'il n'y a vraiment personne. C'est le cas. La seule indication qui pourra me faire avancer dans mon enquête : le panneau informant de la régularité des travaux. Un instant, j'ai la naïveté de croire que le nom de la fille de Gonzalez va me tomber tout cuit dans l'escarcelle mais très vite c'est la déception. Le propriétaire n'est pas mentionné sous la forme d'un nom de famille mais sous les coordonnées d'une S.C.I.

Je n'y connais rien en droit mais il me semble que sous ce sigle se cache une Société Civile Immobilière. Cette entité est baptisée d'un nom grec : Gaïa. J'ai toujours été étonné que les entreprises ou les commerces portent des noms chargées de mythologie, de culture, de poésie alors que la plupart du temps elles ont des activités qui contredisent le développement harmonieux de l'être humain.

Qui se cache derrière cette Gaïa ? Je relève quelques numéros et autres informations sur le tableau des travaux dont je ne saisis pas toutes les significations et décide de repartir car je pense que j'en saurai pas plus pour aujourd'hui. Mais je n'arrive pas à quitter le Panier sur cette dernière impression. Je vais refaire un dernier tour en rejoignant le parking souterrain et ma voiture. Pour ne pas repasser par les mêmes rues, pour ne pas retomber sur les gens que j'ai interrogé mais aussi par volonté de connaître le reste du quartier, je prends un nouvel itinéraire. Toujours un serpentin de ruelles qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à celles dans lesquelles j'ai passé mon après-midi puis soudain, juste avant d'arriver à l'endroit où j'ai garé mon véhicule, une autre place qui n'a rien à voir ni avec la « rue du Panier » ni avec la « place des Pistoles », un lieu qui date d'une autre époque, beaucoup plus récente mais que j'ai du mal à dater. Les années cinquante, soixante, soixante-dix ? Il faudrait demander à un spécialiste de l'architecture comme le présentateur de la radio publique pour avoir une information précise ! Toujours est-il que je tombe sur un endroit plus moderne avec des bâtiments en carré autour d'une place qui n'a pas de cachet. Un espace qui forme une sorte de cour intérieure à un ensemble immobilier de plusieurs étages d'inspiration contemporaine, certainement plus confortable que le Panier mais qui paraît bien fade. Dernière désagréable surprise quand devant le panneau mural qui annonce le nom de l'endroit, je constate avec stupéfaction que je suis sur la « place Victor Gélu ».

Tout à l'heure, en venant dans la voiture, je recherchais un homme qui symbolise Marseille. Je l'avais oublié, comme en ont fait malheureusement de même je pense, nombre de marseillais. Moi, j'ai une excuse, eux, ils n'en ont pas. Bien sûr c'est un homme du dix-neuvième siècle et il a écrit en langue d'oc. Par dessus le marché, les Allemands ont fait fondre sa statue pendant la guerre pour en récupérer le métal. Toutefois des milliers de personnes passent chaque jour devant une plaque commémorative sur le Vieux Port mais visiblement ça ne suffit pas pour que son souvenir ressurgisse dans la mémoire collective.

Décidément, les Provençaux en font trop pour Mistral, aussi grand soit son talent, en lui rendant un culte quasi stalinien au détriment d'autres. L'auteur de « Nouvé Granet » et de « fénians e Groumans » mériterait plus d'attention et surtout, lui qui dénonçait, sans éloge d'un passéisme, les travers du progrès devrait avoir son nom dans une rue du Panier qui sente bon le prolo. C'est avec cette pensée pour Gélu que je quitte Marseille.

J'en ai assez vu. Direction Saint-Saturnin. Chemin inverse, un peu plus d'une heure pour gamberger. J'ai la tête pleine des visages des gens du Panier qui correspondaient au portrait qu'en faisait Izzo. Je n'ai pas été déçu sur ce plan là. Pour ce qui est des raisons qui m'ont amené à Marseille, évidemment c'est selon l'optimisme ou le pessimisme de rigueur une bouteille à moitié pleine ou vide.

J'ai eu confirmation que Gonzalez ne m'a pas « tiré des craques » (mais était-ce son intérêt ?) et suis arrivé à retrouver les traces de son passage avec sa petite famille même si la piste n'a pas complètement abouti. Mon seul indice conséquent est le nom de cette fameuse S.C.I., « Gaïa ». Un amateur de culture hellène, juste retour des choses en somme dans la cité phocéenne, ou tout simplement quelqu'un qui veut se donner un genre du style « regardez mes lettres classiques, j'ai fait mes humanités, moi ! ».

Il faudra que j'aie des réponses à cette interrogation. Cependant une autre question me taraude : qui est cet individu qui m'a devancé chez la vieille espagnole et quelles sont ses motivations ? Il faudra que j'en parle à Gonzalez qui pourra, je l'espère, m'éclairer sur le sujet car j'ai beau retourner ce problème dans tous les sens, je ne comprends pas le rôle que joue ce soi-disant architecte catalan dans cette histoire.

J'ai réintégré mon pavillon déprimant. Je retrouve mes pénates dans cette ville qui s'est auto-attribuée le titre de « Portes d'or de Provence ». Aujourd'hui je serai passé de la Provence maritime aux « frontières » sans avoir vraiment senti une différence. Décidément le concept de Provence n'a pas de sens et c'est dommage que le vocable Occitanie ne trouve pas grâce à l'est du Rhône.

Je me fais un plateau repas et me précipite vers mon ordinateur. Une seule idée en tête : mettre un nom sur cette S.C.I. On trouve de tout sur Internet, le plus bizarre c'est que ça ne déclenche pas de révolutions. On aurait pourtant tous les arguments en main pour instruire les peuples. Dans le monde des affaires, même si la transparence n'est pas la règle numéro un dans ce milieu, on arrive avec par exemple les registres du commerce, des tribunaux, des sites de courtages, des entreprises de consulting et autres, à en savoir plus que les patrons voudraient bien le dire si on les interrogeait. Je ne suis pas spécialiste, loin de là. Je patine donc un peu mais j'y passerai la nuit s'il le faut. Je n'irai pas rejoindre Morphée avant de savoir qui est à la tête de cette S.C.I. Je tâtonne,  j'avance, lentement certes, mais je progresse. L'étau se resserre. Enfin au bout de plusieurs heures de combat entre ma souris, mon clavier, mon écran et moi, je finis par mettre le grappin sur un nom et une commune. Bernard Montbrun, Boulvezon.


Sur l'instant Boulvezon ne fait aucun écho en moi. Puis à la réflexion, je me souviens d'un village que je ne sais plus très bien placer. On ne connaît jamais assez sa géographie. Je suis capable de dire néanmoins que ça se situe quelque part dans un triangle formé par les Alpilles, la Crau et la Camargue, entre Durance et Rhône. Pour plus de précision, il me faudra regarder une carte. Pour l'instant je me contente d'à peu près. Je sais que j'ai un fil à tirer, peu importe les détails. Demain il fera jour. Quant à ce monsieur Bernard Montbrun, en revanche, son patronyme ne me dit absolument rien et quoi de plus normal, puisque c'est la situation inverse qui aurait relevé du hasard ou du coup de bol. Cependant, mon ignorance n'a aucun caractère de gravité. Après le samedi, vient le dimanche qui est un jour idéal pour se promener dans les rue de Boulvezon.

 L'avantage avec ce nouveau job qui m'occupe même le week-end c'est que je n'ai plus de temps pour déprimer.

Avant d'aller au lit, après une journée et une soirée fertiles en rebondissements, je vais quand même, puisque je suis déjà devant l'ordinateur, me détendre un peu en surfant sur autre chose que les entreprises et autres sociétés immobilières. Allons voir ce que notre Tante Marie-Sybille aura inventé pour nous faire rire aujourd'hui.


Comme toujours le titre même de la chronique renvoie à une référence de la télé, la chanson ou le cinéma. Cette fois encore, on y coupe pas : « Le mari de la coiffeuse »


Vous ai-je raconté mes débuts professionnels ? Je ne crois pas et je vais rattraper cette erreur sur le champ.

Etre homo, ça cause un certain nombre de tourments mais à coup sûr, c'est un avantage dans le monde du travail. Bien entendu, pas pour faire manœuvre ou docker car dans le premier cas on se salit les ongles et dans le second on ne peut porter des talons, mais dans bien des métiers, notre créativité, notre sensibilité, notre goût sont un avantage car c'est bien connu les hétéros ne sont ni imaginatifs, ni raffinés et manquent de fantaisie. Je sais, je sais, je caricature un peu... mais à peine. Toujours est-il que la dame du C.I.O., vous savez, non pas le « Comité International Olympique » mais le « Centre d'Information et d'Orientation » a tout de suite vu que je pourrais me trouver bien dans un salon de coiffure. Et allez savoir pourquoi j'ai trouvé que c'était une bonne idée d'ailleurs peut-être que c'est moi qui ai avancé cette proposition.

Et me voilà embarqué la rentrée scolaire suivante dans un centre pour apprentis où je me retrouvais au milieu de filles. Le rêve quoi ! Enfin dans mon monde ! Je partageais mon temps à l'école avec mes copines à apprendre les rudiments du métier et dans un salon que ma mère m'avait trouvé. La première année on ne me laissa jamais toucher des ciseaux, mon travail consistait à faire les shampooings et à balayer les cheveux coupés. Et pourtant je me trouvais bien dans cet univers. Les conversations étaient superficielles comme je les aimais. Timide, je me contentais le plus souvent d'écouter et d'apprendre. Il ne semble pas mais tenir le crachoir à une cliente est un exercice difficile. Il faut être capable de parler de tout et de rien, surtout de rien d'ailleurs. Eviter les sujets qui peuvent amener la polémique, la politique par exemple est à proscrire. Ca tombe bien : c'est pour moi un monde aussi étrange que les extra-terrestres. Mais ce n'est pas tout, il faut pouvoir avoir une conversation qui ne doit pas froisser la personne assise sur le fauteuil. Si pour rompre le silence, elle vous a fait la confidence qu'elle ne se trouvait pas belle avec sa coupe actuelle, on doit être en mesure de lui expliquer que ce n'est pas vrai tout en justifiant qu'elle a bien fait de venir car elle sera beaucoup mieux après. Si dans un cri du cœur, vous lui avez donné raison en argumentant et en la traitant de laideron, ne vous inquiétez pas pour sa carte de fidélité, vous ne la reverrez jamais. Autre écueil à éviter, parler d'autres personnes sans les dénigrer. Si, une fois que la mère Michu a franchi la porte, vous commencez à déblatérer sur son compte, la dame que vous avez entre les mains, pourra penser à juste raison que vous en ferez de même quand, elle-aussi, aura tourné les talons. Et puis, dans les petites villes, tout le monde se connaît et la moindre réflexion anodine sur un quidam quelconque aura un écho chez un voisin, un ami, un parent... Voilà pourquoi, quand vous sortez de chez le coiffeur, il vous semble, compte-tenu des paroles entendues, que vous avez un Q.I. largement au-dessus de la moyenne. C'est un travail, messieurs, dames. Moi, par exemple, je pourrais de mémoire vous raconter par le menu l'accident de Lady Di sous le pont de l'Alma et vous faire l'inventaire de l'estomac de Monsieur Paul le chauffeur de feu la princesse de Galles. Voilà une preuve de professionnalisme. Autre exercice : noms et pedigrees des amants des filles de Rainier de Monaco dans l'ordre chronologique et la cause de la mort de ceux qui n'ont pas résisté. Il est temps de rendre un hommage sincère aux magazines People qui nous permettent d'exercer notre noble métier de la meilleure des façons.

 

Après une année de shampooing et de basses besognes, je fus autorisé à faire ma première coupe. Quel grand jour ! Il faut dire qu'outre des progrès réels, ma promotion dans la hiérarchie de la coiffure a été peut-être accélérée par le fait que je sois devenu l'amant du patron du salon. Un pauvre homme qui avait nié pendant des années sa réalité sexuelle et qui était marié et père de famille. Imaginez le scandale quand le mâle se laissa aller à son instinct naturel, entraîna l'apprenti dans son lit et surtout en sortit sa femme. L'affluence de la clientèle s'en ressentit quelques temps avant que le monde s'habitue à cette nouvelle situation. Finalement on accepta le comportement de l'homme puisqu'il était coiffeur pour dames donc forcément c'était parce que... Et oui, les clichés ! toujours les clichés. En tout cas, voilà comment je suis devenu le « mari de la coiffeuse », surnom qui me colla à la peau pendant quelques années avant que je ne fasse autre chose. Mais ceci fera certainement l'objet d'une prochaine communication de votre Tante Marie-Sybille dont, j'en suis sûr, vous mourez d'impatience de suivre les nouvelles aventures !



                                                        signé : Marri si bile

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