A quelques jours du 36e Congrès du PCF, Gilles Alfonsi pour "Cerises" a interviewé Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF. Les questions et les réponses sont à découvrir ci-dessous. Au sommaire la politique gouvernementale, la stratégie du PCF, les enjeux du Congrès, le Front de Gauche et le communisme du XXIe siècle.
Questions de « Cerises » : Quelle est votre analyse de la politique gouvernementale ?
Réponse de Pierre Laurent : Le peuple français a majoritairement chassé Sarkozy mais la politique du gouvernement ne marque pas de rupture dans le domaine économique et social avec les logiques libérales appliquées précédemment. Grâce à la mobilisation citoyenne, le mariage pour tous est la première vraie avancée. Les trois axes principaux de cette politique, à savoir l’acceptation sans condition du traité européen, la compétitivité et la flexsécurité ‘‘made in MEDEF’’ poursuivent et aggravent la casse des droits sociaux et de ceux du travail propre à notre pays. Cette politique ne va pas seulement à l’encontre des valeurs de la gauche, elle nous conduit dans le mur. Elle ne peut permettre de sortir de la crise. La récession qui concerne déjà huit pays européens nous guette comme elle guette l’Allemagne par contagion.
Q : Quelles conséquences stratégiques en tirez-vous ?
R : Nous voulons être utiles à nos concitoyens, à notre pays, à l’Europe, à la gauche toute entière. C’est la politique du gouvernement qui tourne le dos à la volonté majoritaire qui a permis la victoire
de la gauche. Il faut donc mettre cette majorité en mouvement, faire entendre sa voix et empêcher ainsi l’OPA du MEDEF sur toute politique publique. C’est en 2013 qu’il faut obtenir une réorientation
de la politique nationale. Il y a urgence. La campagne ‘‘Une alternative à l’austérité, c’est possible !’’ est faite pour cela. Elle doit être ouverte à toutes celles et tous ceux qui à gauche, au delà du
Front de gauche lui-même, souhaitent un changement d’orientation. Elle doit chercher les voix de la convergence dans l’action avec le mouvement social dans le respect de la responsabilité de chacun. Le Front de gauche porte une alternative de gauche à cette politique, il doit travailler au rassemblement d’une majorité possible autour de ces choix alternatifs.
Q : Quels sont les principaux enjeux de votre congrès ?
R : Nous unir pour être plus efficaces, plus inventifs, plus utiles à toutes ces femmes et ces hommes qui ne supportent plus la crise actuelle. Plus ça va, plus le système ne connaît qu’une seule loi, celle du fric, de la finance, alors qu’il faudrait consacrer toutes les richesses à redresser le pays. Regardez le MEDEF, les agences de notations, ils en demandent toujours plus. Et le gouvernement, au lieu de les combattre, va au devant de leurs désirs. Notre congrès doit avoir un objectif : mobiliser les forces nécessaires, et elles existent dans le pays, pour obtenir un changement de cap de la politique gouvernementale, avec le Front de gauche et au-delà avec toutes les forces disponibles. Plus fondamentalement, nous voulons montrer l’actualité de notre engagement communiste pour reprendre le chemin du progrès humain. Nous avons changé d’époque ; nous devons démontrer que les communistes aussi.
Q : Où en est le Front de gauche selon vous ? Quelles sont ses perspectives ?
R : Le Front de gauche s’est renforcé dans un combat politique de haut niveau sur la base d’un choix de société. C’est pour cela qu’il rassemble à la fois neuf organisations politiques et des citoyennes
qui s’investissent en politique à partir de leur engagement associatif ou syndical. Ce côté ‘‘non partisan’’ au sens où il ne défend pas de chapelle mais une volonté de transformation sociale est
essentiel à son développement. Il doit rester un mouvement avec des formes d’organisation souples, collégiales, respectant la diversité de ses composantes dont l’originalité de chacune fait sa force
collective. Il doit être un outil au service de l’ensemble de notre société en cherchant toujours plus à pousser le curseur de la gauche tout entière le plus à gauche possible. Il doit inventer de nouvelles
formes de démocratie en plaçant les citoyennes et les citoyens qui sont les
vrais révolutionnaires de notre pays, au coeur de la réflexion comme de l’action.
Q : Qu’en est-il des réflexions du PCF sur le communisme ?
R : Le système capitaliste en crise contrarie en permanence les aspirations d’une société et d’un monde meilleurs. Il ne s’agit pas de proposer le paradis sur terre, mais entre l’enfer capitaliste et un paradis imaginaire, il y a un chemin et ce chemin c’est celui qui remet l’humain au centre de la société et de son développement, celui où de nouveaux modes de production, par exemple, allient développement industriel et préservation de la planète au service des besoins sociaux, culturels
et écologiques ; c’est l’invention d’une démocratie réelle comme levier de tout changement où l’égalité entre femmes et hommes est au service de l’émancipation, et cela dans tous les domaines, du lieu de travail au lieu de vie ; c’est la mobilisation de toute la société pour imaginer, créer, inventer, expérimenter ; enfin, c’est faire de la coopération et de la solidarité des individus et des peuples les moyens d’une nouvelle ère de civilisation. Oui, nous sommes entrés dans un communisme de nouvelle génération.