Ce lundi 10 février 2014 est la date du 70 e « anniversaire » de l’arrestation de notre camarade bagnolais Damian Ruiz (10/02/1944) déporté à Dachau.
2014 marque le 70e anniversaire de la Libération de la France en 1944. Notre territoire n’échappe pas à cet événement historique. Pour mémoire Bagnols fut libérée le 26 août 1944 par le commando Vigan-Braquet. Pour commémorer ce moment important de notre Histoire il convient aussi de connaître la période entre le 11 novembre 1942 (date du franchissement par les Allemands de la zone de démarcation et donc fin de la dite « zone libre ») qui précède l’occupation de la ville par les Wehrmacht à partir du 2 décembre 1942 qui occupera nombre de bâtiments publics et le mois d’août 1944 car la résistance va s’organiser dans le secteur. (rappel voir commémoration l’année dernière de l’épisode concernant le résistant Julien Hernandez voir lien ci-dessous).
Avant donc de commémorer la Libération il convient de se souvenir d’un événement tragique à savoir l’arrestation de notre camarade Damian Ruiz le 10 février 1944. Ce jeune homme (né en 1924 à Marseille) dès le 15 septembre 1943 a participé avec d’autres à des actions de résistance dans le Gard Rhodanien comme en témoignent les attestations faites après guerre par les responsables de la Résistance. Il a notamment participé au « coup de l’imprimerie pour faire des tracts » ; il a accompagné des jeunes aux maquis (il faut savoir que certains voulaient échapper au STO), il a saboté des lignes électriques et des voies ferrées pour arrêter les convois allemands.
C’est suite à une dénonciation d’un traitre (qui avait participé à une mission de sabotage) qu’il sera arrêté le 10 février 1944.
Il est interné d’abord à la maison d’arrêt de Nîmes puis à la centrale d’Eysses (Villeneuve sur Lot). Depuis octobre 1943, la prison centrale d'Eysses, à Villeneuve-sur-Lot, était devenue un lieu stratégique où les autorités de Vichy avaient décidé de concentrer tous les résistants condamnés de la zone sud. Le chiffre des résistants détenus à Eysses atteindra 1400 début 1944. Toutefois la grande diversité géographique et sociale des détenus cède vite la place à l'idée de communauté. Contre toute attente, les détenus réorganisent à l'intérieur de la prison une société vivant normalement malgré la contrainte. Les emprisonnés opposent à leurs geôliers leur esprit de résistance. Ils obtiennent une relative liberté de mouvement ainsi que le droit d'enseigner et de se distraire. Fin 1943, des journaux clandestins font leur apparition dans la prison. Les détenus parviennent aussi à communiquer avec l'extérieur et à tisser des liens avec des résistants locaux, par le biais notamment d'un certain nombre de gardiens. Le 19 février 1944 [juste après l’arrivée de Damian Ruiz], le directeur de la prison ainsi qu'un inspecteur de l'administration pénitentiaire sont pris en otage par les détenus. L'alerte est donnée. S'ensuit alors une fusillade puis le siège de la prison, toute la nuit, par les gardes mobiles de réserve. Les détenus résistants sont finalement contraints de renoncer à leur action.
Dans les jours qui suivent le soulèvement, une cour martiale condamne à mort 12 détenus. Ils sont exécutés au matin du 23 février 1944. Les détenus demeurés dans la prison sont livrés aux nazis le 30 mai 1944. Les S.S. procèdent à la déportation des détenus qui sont transférés vers le camp de concentration de Dachau à la fin du mois de juin 1944. 400 des détenus d'Eysses mourront en déportation. Damian Ruiz fait partie de ces prisonniers qui seront déportés au camp de concentration de Dachau de triste mémoire. Le dossier de résistance de Damian Ruiz (matricule 23 819 atteste qu’il était un « prisonnier politique » déporté à Dachau à partir du 10 juin 1944). Il va y demeurer 10 mois jusqu’en avril 1945 dans les conditions de détention que l’on connait. Damian Ruiz est interné à Dachau à la même période que le célèbre accordéoniste André Verschueren ou le futur prix Nobel de physique Georges Charpak.
En avril 1945 lorsque les Américains approchèrent du camp au moment de la Libération, l'État-major allemand donnera l'ordre par représailles de tuer tous les prisonniers. Mais le communiste Oskar Müller, alors chef du comité de résistance du camp, décida de libérer en cachette au nom de la Croix-Rouge internationale quelques prisonniers afin d'avertir les soldats américains de l'endroit exact du camp et de l'urgence qu'il y avait à intervenir. Ainsi grâce à la manœuvre de Müller le 29 avril 1945, la 45e division d'infanterie de la septième Armée américaine libéra le camp. Lorsque les soldats américains pénétrèrent dans le camp, ils furent confrontés à des scènes d'horreur : prisonniers dans un état de maigreur épouvantable, fosses communes où étaient entassés des corps déchiquetés. Certains soldats américains furent tellement écœurés qu'ils tirèrent à bout portant sur les officiers chargés du camp.
Le Bagnolais Damian Ruiz était de ces survivants !
On imagine son retour à la vie « normale » après guerre. On sait qu’il ne parla que peu de cet épisode de son existence. Sa vie se poursuivra discrètement jusqu’à son décès en 1993 à 69 ans. Les camarades communistes qui l’ont connu se souviennent qu’il demeura vigilant à la défense de l’esprit de la Résistance et des valeurs qu’il avait (avec d’autres) défendues. Sa survie dans le camp de Dachau il la dût à sa jeunesse et à sa condition physique. Il pratiquait notamment le cyclisme et certains disent qu’il avait les qualités pour devenir professionnel. Après guerre il devint conducteur d’engin et participa notamment à la construction du canal de Donzère Mondragon. Il était le porte drapeau de la Fédération Nationale des Déportés, Internés et Patriotes.
En cette date anniversaire les « camarades » communistes du Cercle du Prolétariat du Gard Rhodanien ont voulu se souvenir de leur camarade et honorer l’esprit de Résistance dans un contexte politique qui fait peur.
Après avoir fleuri en 2013 la plaque de rue de Julien Hernandez les communistes bagnolais souhaitent qu’un hommage public soit rendu à Damian Ruiz. Les générations nouvelles doivent bien ça à ce glorieux ancien.
En mai dernier, le PCF associé aux associations "Iberia Cultura" et "le cercle du prolétariat" avait fleuri la plaque de rue du résistant bagnolais Julien Hernandez.
Lien ci-dessous pour revoir l'hommage à Julien Hernandez
Bagnols : 7 mai une cérémonie en hommage au Résistant Julien Hernandez
Comme le disait Michel Tortey l'année dernière lors de l'hommage à Julien Hernandez, "Ce travail de mémoire est indispensable surtout 7 décennies après les événements de la seconde guerre mondiale car les témoins de ce temps sont de plus en plus rares." Ce nouvel hommage rendu à Damian Ruiz est plus que nécessaire dans le contexte actuel nauséabond.
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