"Portrait d'Aragon" tableau de Mireille Miailhe
George Besson le critique artistique dont nous essayons de défendre la mémoire et l’œuvre, qui fut (est-il besoin de le rappeler ?) le donateur le plus important pour le musée Albert André de Bagnols sur Cèze a soutenu de nombreux artistes au début du vingtième siècle puis à la disparition de cette génération a mis à l’étrier une nouvelle génération. Ce groupe de peintres figuratifs que l’on a surnommé la « bande à Besson » est en train de voir disparaître ses membres les uns après les autres dans une certaine indifférence regrettable.
Michel Rodde est mort en 2009, Paul Collomb est décédé en octobre dernier et lundi 6 décembre 2010 vient de nous quitter Mireille Miailhe. Ces trois artistes faisaient parti de la quinzaine d’artistes que George Besson considérait comme les rénovateurs de l’art figuratif de l’après-guerre. Ironie de l’histoire Paul Collomb mort il y a deux mois avait succédé à Mireille Miailhe au palmarèsdu prix Fénéon en 1950. Le prix 1949 Mireille Miailhe l’avait obtenu car George Besson avait su convaincre le jury et l’avait chaudement recommandé à Louis Aragon.
Nous sommes doublement attachés à la mémoire de Mireille Miailhe par son talent de peintre mais aussi par ses convictions politiques. Cependant George Besson ne l’a jamais soutenue parce qu’elle était communiste mais parce qu’elle était un peintre de talent. En effet George Besson bien que communiste convaincu se refusa toujours à participer à la promotion de « l’art officiel communiste » ce que l’on appela « le réalisme socialiste », il s’opposa pour cela à Aragon. Si George Besson défendit l’œuvre de Mireille Miailhe c’est tout simplement parce qu’il lui trouvait du talent.
On regrettera que c’est dans une certaine indifférence que la bande à Besson disparait peu à peu. Une génération s’en va, il convient qu’une nouvelle vienne soutenir son œuvre. Le Gard Rhodanien avec les problèmes autour du patrimoine « Albert André, George Besson, Jacqueline Bret-André » (maison du peintre à Laudun, musée de Bagnols, …) illustre bien ce déficit culturel de notre époque. Modestement l’association « le cercle du prolétariat » par cet hommage contribue à lutter contre l’oubli et l’inculture.
Les obsèques de Mireille Miailhe ont eu lieu hier jeudi 9 décembre au Père Lachaise à Paris.
Les adhérents du « Cercle du Prolétariat » ont eu une pensée pour elle.
Pour ceux qui veulent mieux connaître cette artiste, ci-dessous un article de 2008 de "La dépêche"
Cabrespine. Mireille Glodek Miailhe : une vie haute en couleurs
Cette artiste peintre fut Résistante à Toulouse, dessinatrice pour le PCF en Algérie, amoureuse de Montagne Noire.
Il flotte une douce odeur de térébenthine, l'odeur des couleurs en vadrouille. À même la table en marbre, Mireille a écrasé ses couleurs. Elle pose une feuille, prend un pinceau. Et le visage naît, joyeux, précis, naturel. Les yeux de la vieille dame sont concentrés. Mais au coin de ses joues, on sent un imperceptible sourire. Celui d'une gamine espiègle, prête à resurgir derrière l'honorable grand-mère. D'ailleurs, son portrait tire une insolente langue toute rouge ! Et le regard de Mireille semble dire : « Je vous ai bien eus ! »
Mireille Glodek Miailhe a 86 ans. Et une vie en forme de légende, qui passe par Paris, Saint-Gaudens, Perpignan et Cabrespine. Entre la Résistance à Toulouse, le militantisme communiste en Algérie et la peinture à Paris.
« J'ai toujours aimé peindre. Tout de suite. Mon père qui était commerçant dans le quartier juif de Paris adorait l'art. C'est lui qui m'a poussée… » Sa famille avait fui les pogroms de l'Est et s'était installée dans la Capitale. C'est le peintre juif Mané-Katz, ami de Chagall, qui lui offre, excusez du peu, son premier chevalet. Mireille sait où est son destin, fréquente le monde de l'art, croque le sculpteur Aristide Maillol et son modèle fétiche Dina Vierny.
Auprès de « Jipé » Vernant
Mais l'Allemagne envahit la France. À nouveau, pour Mireille et sa famille, il faut fuir. Une étrange cavalcade à travers le sud de la France, où elle rencontrera Jean Miailhe, un Languedocien, né à Cabrespine. Entre eux, c'est le coup de foudre…
Jean fait partie d'un cercle d'amis qui refuse la capitulation. Parmi eux Jean-Pierre Vernant, « Jipé », qui décrira Mireille comme « une très jeune gitane ». Vernant monte le groupe de Libération sud.
« C'est comme ça que je suis devenue agent de liaison, se souvient Mireille. On transportait de tout. Des messages, des armes, de l'argent, des médicaments… Je me souviens, une fois, nous avons failli être pris avec des costumes d'officiers allemands ! »
Mireille se bat. Et dessine, étrangement, des tableaux apocalyptiques, visions de camps et de corps torturés, gouffres aux barbelés immondes « comme si elle avait eu le pressentiment de ce qui se passait dans les camps, sans le savoir formellement » suppose sa fille Florence.
Jetée par Elsa Triolet !
Après la guerre, cette combattante reste fidèle à ses idées communistes. Du coup, on lui demande d'aller faire le portrait d'Aragon. « La jeune gitane » est très jolie… La jalouse « Elsa Triolet m'a fichue dehors ! » se souvient, encore amusée, Mireille…
Le Parti lui demande ensuite un reportage dessiné sur le colonialisme en Algérie.
Elle en revient avec des croquis bouleversants, qui disent toute la misère du bled. Les regards interrogent, les yeux souffrent, mais les attitudes sont dignes…
La presse de gauche salue cette œuvre. La presse de droite se déchaîne…
«
ça m'était égal » assure Mireille. Pendant de longues, longues années, Mireille Glodek Miailhe continuera de peindre. Actuellement, on se bagarre pour sauver une fresque qu'elle a réalisée dans une école de La Courneuve dans les années 60 : les bâtiments sont voués à la démolition. Et puis Mireille revient tous les étés dans sa maison de Cabrespine, au pied de la Montagne Noire et se gave de lumière en pensant à Cézanne…
Car sa peinture est tout imprégnée du XXe siècle. Cette autodidacte surdouée est la petite sœur de Picasso, de Braque, de Matisse. La rigueur et le talent font patte de velours derrière l'humour, la tendresse, la compassion, la révolte.
Une vie et une œuvre saluée par un très beau livre qui vient de sortir (1). Et rend hommage à cette combattante des lumières.
Œuvres de Mireille Glodek Miailhe, de Pascal Froment et Isabelle Rollin-Royer. Biro éditeur (50 €).