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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 05:05


Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes cher(e)s collègues,


Le Président de la République veut sa réforme des collectivités locales, face, avait-il dit, aux conservatismes !

A vrai dire, cette réforme ne correspondait à aucune demande. Elle a suscité dès le départ beaucoup de critiques des élus, y compris dans la majorité. Quant aux citoyens, sollicités pour approuver une soi-disant simplification de l’organisation territoriale :

1- Ils n’ont pas été consultés,

2- Ils en sont « pour leurs frais » : les collectivités sont financièrement étranglées, ce qu’ils devront supporter.

Quant à la simplification, nous sommes passés de quatre échelons - commune, intercommunalité dans sa diversité, département et région - à dix : communes, communes nouvelles, intercommunalité, canton (ancien), territoire, département, métropole, pôle métropolitain, région, collectivité « sans nom » avec la fusion départements-région et l’interrégions. Autrement dit nous sommes passés du millefeuille qui avait du goût à un pudding indigeste. Notre assemblée avait globalement validé la réforme du gouvernement en première lecture. Elle était cependant revenue peu ou prou sur la mise en cause de l’autonomie des collectivités pour tenir compte du profond mécontentement des élus locaux sur la forme comme sur le fond du projet initial.

Par exemple, elle avait accepté la consultation des citoyens pour les fusions de communes. Hélas, l’Assemblée nationale l’a supprimée et vous vous en contentez.

Elle avait encore tempéré la décision du préfet en renforçant les règles de majorité qualifiée pour l’intercommunalité.

Nous nous sommes opposés à l’économie générale du projet de loi. En première lecture, si la majorité du Sénat était favorable à la création des conseillers territoriaux, leur mode de scrutin n’était pas officiellement en discussion, puisqu’il devait résulter d’une loi ultérieure. Mais notre assemblée avait néanmoins émis un avis favorable à une dose de proportionnelle et au respect, certes limité, de la parité.

Il va sans dire que le coup de force du gouvernement suivi par la majorité à l’Assemblée nationale, consistant à inclure d’ores et déjà le mode de scrutin dans le texte, était doublement inacceptable.

Inacceptable sur le fond, puisque ce qui a finalement été retenu après des tergiversations, est le scrutin uninominal à deux tours. Il renforce encore le bipartisme et le recul du pluralisme. Ensuite, il fait reculer de la parité présente au moins et après de longs combats dans les assemblées régionales. Triste anniversaire des dix ans de la loi sur la parité qui impose de tout faire pour la rendre effective.

Inacceptable sur la forme, puisque l’article 24 de la Constitution prévoyant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales, le mode de scrutin aurait dû lui être soumis en priorité. Le Président Hyest a lui-même souligné à la réunion de la Commission des lois que le gouvernement n’avait pas consulté le Sénat. Il semble, hélas, l’avoir oublié : après qu’une majorité à la Commission des lois ait, la semaine dernière, voté contre l’inclusion dans la loi le mode de scrutin, lui-même et le rapporteur ont aujourd’hui même donné leur accord à un second coup de force du gouvernement.

Traitant du mode de scrutin, le texte issu de l’Assemblée inclut un tableau de répartition des conseillers territoriaux. Or, celui-ci pose « un problème de taille », ce que disait notre rapporteur. Il paraît en effet peu conciliable avec le principe constitutionnel de l’égalité devant le suffrage.

De ce point de vue, les modifications proposées par notre rapporteur, comme les marchandages – sûrement d’opportunité - qui interviendront sans doute encore, n’y changeront rien.

Ce qui est contestable dans ce tableau, c’est que la représentation des citoyens y est très inégale sur l’ensemble du territoire et, qui plus est, à l’intérieur d’une même région. Cela pose un problème sérieux quant à la représentativité de ce qui sera encore le conseil régional :

-  Poitou-Charentes : un conseiller pour 15 000 habitants environ ; Ile-de-France : un pour 38 000.

-  Rhône : 1,7 million d’habitants, 69 conseillers territoriaux ; Seine-Saint-Denis et Hauts-de-Seine : 1,5 million d’habitants et respectivement 39 et 41 conseillers. J’ajoute : pourquoi deux de plus dans les Hauts-de-Seine ? Chacun pourra donner son avis sur son département. Mais au sein d’une même région, les différences entre départements ruraux et ceux plus urbains sont exorbitants. D’autres ici sont mieux placés que moi pour le savoir. Nous sommes, vous le savez, totalement opposés à la création des conseillers territoriaux, sortes de monstres bicéphales, cumulant mandats et compétences et annonçant la fin des départements.

Ils seront plus éloignés des citoyens que les élus actuels et, avec les pouvoirs dévolus aux commissions permanentes, on assistera au triomphe de la technocratie, pour un coût supérieur au coût actuel. Il est grave que le gouvernement ne veuille pas tenir compte des critiques nombreuses et convergentes sur ce nouvel élu. Je note une autre contradiction : le gouvernement se précipite pour inscrire dans la loi leur élection, mais renvoie à plus tard celle des conseillers communautaires.

Vous avez, semble-t-il, renoncé à proposer un texte ultérieur de répartition des compétences. L’article 35 issu de l’Assemblée nationale maintient la fin de la clause de compétence générale, mais introduit des compétences partagées dans trois domaines. Ce qui est préoccupant, c’est que l’Etat se désengage de plus de ses obligations – il n’en est d’ailleurs nulle part question dans ce texte. Les finances locales sont totalement incertaines. Donc, la capacité des collectivités à intervenir dans les domaines que vous partagez est de plus en plus mise en cause.

C’est, il faut le dire, cohérent avec votre objectif de supprimer 34 000 postes de fonctionnaires par an jusqu’en 2013, comme l’a annoncé – c’est un comble – le Secrétaire général de l’Elysée dans un journal anglais !

C’est cohérent avec la RGPP, la réforme de l’Etat et votre politique d’austérité : austérité pour nos concitoyens, austérité pour les collectivités locales. Je ne m’attarde pas sur les moyens des collectivités. Mon collègue Jean-François Voguet va y revenir.

Très présente dans le texte, l’intercommunalité, de « coopérative et volontaire », devient, comme le souligne l’Association des Maires Ruraux de France, « contrainte, antichambre de la disparition des communes », ce que nous dénonçons depuis le début.

Pour nous, l’intercommunalité et l’inter-territorialité ne sauraient exister que sur la base d’une volonté commune, avec la possibilité de collectivité pilote ou chef de file en lien avec le principe de subsidiarité, mis en œuvre de manière ascendante. Restructurer le territoire de façon autoritaire, c’est nier les principes élémentaires de la démocratie.

Certes, le gouvernement a une vision de l’organisation du territoire : quelques grands pôles de compétitivité drainant l’argent public et engendrant une forte rentabilité du capital privé, et le reste du territoire de plus en plus dépourvu. Cette vision s’oppose à un développement harmonieux du territoire. Elle renforcera les inégalités et la désertification de zones importantes. Ce n’est pas ce qu’attendent les citoyens.

Ils devraient pour le moins pouvoir décider eux-mêmes, mais ils sont, hélas, les grands absents du projet de loi.

Vous l’avez bien compris, nous refusons cette reprise en mains par l’Etat, notamment par les pouvoirs accrus accordés aux préfets. Nous refusons la diminution du nombre d’élus qui les éloignera des citoyens. Nous refusons l’embrouillamini des nouvelles structures, incompréhensibles pour les gens et qui, en tout état de cause, sonneront le glas des communes et départements qui sont précisément des échelons proches et compréhensibles. Tout cela n’a rien à voir avec l’intercommunalité choisie.

Les sénateurs ont accepté en première lecture nos amendements prévoyant la consultation des comités techniques permanents et le maintien des acquis des agents territoriaux. C’était bien le moins à leur égard. Mais cela ne change rien au fait qu’ils subiront une réforme qui permettra de les déplacer de service en service selon les diverses restructurations. Cela ne change rien au fait que la diminution accélérée des dépenses publiques, avec en ligne de mire des transferts aux grands groupes privés, amènera une dégradation des services publics locaux.

Le débat n’est pas fini, loin s’en faut, si l’on en croit le nombre d’amendements déposés sur le texte. Nous nous y inscrivons en opposant une démarche : la démocratie pour les citoyens, la libre administration des collectivités locales, la réponse aux besoins des habitants, et donc la défense des services publics et de ses agents.

Mon groupe espère que la raison l’emportera. Pour sa part, il votera une nouvelle fois contre une réforme dangereuse pour l’avenir de nos collectivités et par conséquent de nos concitoyens.


Par Nicole Borvo-Cohen-Seat

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