Le PCF et la crise du communisme
Les analyses et les choix stratégiques du PCF dans la période 2002-2007 sont indiscutablement pour quelque chose dans le manque de visibilité et de crédibilité, et dans le résultat de la candidate « gauche populaire et antilibérale ». Puis dans les difficultés des candidates et candidats communistes aux législatives. Mais en rester là ne conduirait-il pas à renouveler l'erreur de 2002 donnant comme principale « explication » au résultat du candidat du PCF la politique d'union à gauche, et la participation au gouvernement Jospin ?
A partir d'analyses et de choix stratégiques radicalement différents, le Parti communiste a connu l'échec dans les deux cas. Et le déclin électoral, symptôme et sanction d'un déclin idéologique et politique posant de plus en plus clairement la question de l'utilité du PCF et de son existence même se poursuit ( au delà de quelques « remontées » ponctuelles sans lendemain) depuis plusieurs décennies. Indépendamment des choix stratégiques effectués. Qu'ils aient ou non conduit à participer à des majorités et des gouvernements de gauche.
Ce n'est pas une particularité française. Tous les partis communistes ont dû faire face à ce phénomène, évidemment lié à la faillite du « modèle soviétique », mais qui ne s'y réduit pas. La fin du XX° siècle a été marquée par la crise du communisme. Elle s'est traduite partout par un mouvement historique de déclin allant dans certains pays jusqu'à la disparition pure et simple des partis communistes. Elle a commencé bien avant la chute du mur de Berlin et l'explosion de l'Union Soviétique.
Cette « crise » est-elle seulement la conséquence « d'erreurs » ou bien témoigne-t-elle d'un échec historique ? Les erreurs n'ont pas manqué. Elles ont eu et ont encore des conséquences non négligeables. Aucun parti communiste - le PCF pas plus qu'un autre - ne peut s'exonérer de ses erreurs et de ses fautes ( et pour certains, de leurs crimes ) en faisant porter toutes les responsabilités à un « échec historique » anonyme dont la fatalité se serait imposée.
Mais des tentatives pour « redresser la barre » ont eu lieu. Au niveau international - du XX° Congrès du PCUS et de certaines « conférences » internationales des partis communistes qui l'ont suivi, à la Perestroïka de Gorbatchev, en passant par « l'eurocommunisme »... - Et au niveau national - du Comité Central d'Argenteuil sur « les intellectuels et la culture » en 1966 à la « mutation » de la fin des années 1990, en passant par « le Manifeste de Champigny » en 1968 et le XXII° Congrès du PCF en 1976 -. L'analyse des causes de leur échec reste à faire. La capacité des appareils et des certitudes idéologiques à résister aux remises en cause et aux changements y tient sans aucun doute une grande place, sinon la première place. Cela conduit à interroger les bases mêmes sur lesquelles se sont construits ces appareils et se sont fondées ces certitudes.
On peut avancer l'hypothèse que par delà les erreurs commises et malgré l'apport incontestable des communistes aux luttes des peuples et aux progrès de l'humanité, c'est d'un échec historique qu'il s'agit. Non pas l'échec d'un « communisme du XX° siècle » organisé autour du « modèle soviétique », qui se serait avec lui éloigné du « vrai » communisme et avec lui aurait sombré ; mais l'échec, au XX° siècle, d'une conception communiste de la transformation sociale sur laquelle avaient été fondés tous les partis communistes.
Le schéma fondateur retenu pour la création des partis communistes, et que les communistes russes se proposaient d'expérimenter, disposait que partout les communistes ( avec éventuellement des alliés en accord avec leurs objectifs) luttaient pour parvenir au pouvoir. Y étant parvenus ils devaient utiliser celui-ci pour construire, à partir d'un projet scientifiquement préétabli, une société nouvelle -une société « socialiste » radicalement différente de la société capitaliste- . Cette société, ils étaient appelés à la diriger au nom de la classe ouvrière, en imposant sa prééminence. Et ils devaient avoir pour perspective la création des conditions matérielles et culturelles pour que dans une phase ultérieure les être humains deviennent capables d'autogérer leur destin
Tous les partis communistes ont partagé cette conception faisant du pouvoir d'Etat le levier majeur de la transformation sociale. Mais nulle part elle n'a permis d'atteindre les objectifs annoncés. Il y eut certes des réalisations qu'on ne peut sous-estimer . Il y eut un indéniable apport historique au mouvement des peuples contre le capitalisme, imposant partout des acquis sociaux concédés sous la pression conjuguée des luttes et de la « compétition » entre les différents systèmes sociaux. Mais au bout du compte, l'échec a été dramatique, en URSS , dans l'Est de l'Europe, et ailleurs. Il a contribué de façon déterminante à la perte de crédibilité des partis communistes qui se sont revendiqués pendant des décennies du modèle de ce que l'on appelait le « socialisme réel » qu'ils affirmaient vouloir implanter partout.
Cette conception s'est heurtée, en Union soviétique et ailleurs aux réalités économiques, sociales et culturelles des nations et des peuples. Elle s'y est brisée avec d'énormes dégâts humains et matériels . Et partout ailleurs, elle s'est heurtée aux aspirations croissantes des hommes et des femmes à décider eux-mêmes de leur destin, de la société dans laquelle ils veulent vivre. Même voulu sincèrement et résolument « à la française », le projet du PCF reste « apparenté » à ce qui a partout échoué.
Les conceptions fondatrices des partis communistes ont par ailleurs conduit ceux d'entre eux qui n'étaient pas au pouvoir à des stratégies et des comportements politiques qui ont contribué directement à leur déclin.
« Si les conditions ne sont pas réunies pour que nous puissions utiliser le pouvoir d'Etat comme levier pour la transformation socialiste de la société, à quoi bon nous y compromettre ? »... On s'est posé cette question plusieurs fois à la direction de quelques partis communistes, notamment au Parti Communiste Français. Il serait intéressant de conduire une réflexion non seulement historique mais politique sur les réponses qui ont été données dans différentes circonstances. Et sur les effets qu'elles ont eues sur l'audience du parti ainsi que sur la confiance en sa capacité à s'impliquer pour améliorer la situation des gens et avancer vers les changements auxquels ils aspirent.. Ainsi, la participation du Parti socialiste et du Parti communiste à un gouvernement d'union en 1981 - ouvrant le « cycle » politique qui vient probablement de s'achever en 2007 - a été « préparée » par F.Mitterrand dans la décennie précédente par la conquête du PS sur le thème de la rupture avec le capitalisme pour changer la vie, tandis que le PCF affirmait en écho que la mise en œuvre du Programme Commun allait « ouvrir la voie au socialisme ». Les conditions étaient donc réunies pour permettre la participation communiste au gouvernement... dont le PCF s'est retiré quatre ans plus tard puisque F.Mitterrand avait « renoncé » ...Illusions entretenues en 81 ; désillusion et amertume en 84, quand beaucoup reprochaient aux communistes, à la fois de les avoir trompés ...et de ne pas être restés pour empêcher la « dérive à droite » des gouvernements socialistes, bientôt ouverts aux centristes, appelés en renfort pour « combler le trou » et préserver l'existence d'une majorité... Toute ressemblance avec les problèmes politiques de la gauche française en ce printemps 2007 ne serait pas fortuite !
Paradoxalement, la conception faisant du pouvoir le levier de la transformation sociale a provoqué une méfiance du pouvoir - longtemps prolongée par une méfiance vis à vis des élus communistes impliqués dans des pouvoirs, même limités. Mais n'a-t-on pas entendu récemment que « ce ne serait pas grave si le parti perdait des élus, pourvu qu'il ne perde pas son âme antilibérale » ? Mesure-t-on la perte de crédibilité liée à ce qui est évidemment perçu comme un refus de prendre ses responsabilités, même dans des conditions difficiles, pour tenter de faire quand même avancer les choses ? Est-il exagéré de penser qu'il y a eu là - entretenue par des arguments et des comportements contradictoires sur cette question au cours des dernières décennies ( y compris l'argument récent selon lequel les gouvernements de gauche n'ayant pas changé la société, en 1981 et en 1997, il ne fallait pas « refaire ce qui avait échoué ») - une contribution, involontaire mais réelle, à l'installation des réflexes de « moindre mal » et de « vote utile » dans les comportements politiques du peuple de gauche ?
La question de la participation au(x) pouvoir(s) divisait déjà le mouvement socialiste à la fin du XIX° siècle. Elle était par exemple au cœur de la controverse opposant Jaurès et Guesde, à Lille en novembre 1900. Mais il s'agissait alors de la participation à des gouvernements « bourgeois ». Après la scission du mouvement, avec d'un côté les communistes et de l'autre les socialistes, elle s'est posée autrement. Très vite, du principe de non participation si ce n'est pas pour réaliser la transformation socialiste, on est passé au principe de l'impossibilité de l'union avec des socialistes qui ne voulaient pas réellement transformer la société...à moins que les communistes, après avoir dénoncé leur « trahison » ne gagnent la majorité des travailleurs et des couches populaires à leurs conceptions révolutionnaires, rendant ainsi possible un « front unique » avec les travailleurs socialistes pour conquérir ensemble le pouvoir. Ce fut la stratégie dite « classe contre classe » qui aboutit à laisser le champ libre au fascisme en Italie puis en Allemagne, et qui aurait pu avoir des effets aussi désastreux en France s'il n'y avait été mis un terme avec les initiatives du PCF pour un Front Populaire dont M.Thorez, indiquait clairement qu'il n'avait pas pour objectif « le socialisme » mais « le pain, la paix et la liberté »...Là encore, on ne peut qu'être frappé par la « ressemblance » entre la stratégie « pure et dure » appelant à « battre » les socialistes « droitiers » pour pouvoir rassembler le peuple de gauche...et la stratégie de la gauche « populaire et antilibérale » faisant de la lutte contre « les gauches du renoncement » - particulièrement le PS « social libéral » refusant de transformer vraiment la société - la condition indispensable pour ouvrir une vraie perspective à gauche.
En filigrane de ces quelques remarques, évidemment sommaires, se dessine un double questionnement :
ØA l'exception de la décennie 1936-1946 où, en accord avec l'Internationale Communiste, il a été décidé, face au danger du fascisme menaçant de gangrener toute l'Europe, de passer outre aux principes fondateurs afin de permettre le rassemblement pour « le pain, la paix et la liberté », le PCF, dans toutes les périodes difficiles de son histoire n'a-t-il pas eu tendance à se « replier » sur ses « fondamentaux identitaires » ? Après l'éviction des ministres communistes du gouvernement en 1946. Après que des élections eurent montré que la signature du Programme Commun avait d'abord profité électoralement au PS de F.Mitterrand devenant la première force à gauche. Après la rupture de « l'union de la gauche en 1984. Après l'échec de 2002... Et déjà des voix ne s'élèvent elles pas pour prôner un nouveau repli après celui de 2007 ?...Mais si la période 36-46 s'était achevée avec un PCF « premier parti de France » revendiquant un million d'adhérents et voisinant les 30% dans les élections, les périodes de repli ont vu le déclin s'accentuer, pour arriver, en 2007, à 2% à l'élection présidentielle, tandis que de nombreux adhérents continuent de s'éloigner du parti.
Peut-on « expliquer » ce déclin uniquement ou même principalement par des « erreurs » circonstancielles ? Ses causes ne sont elles pas plutôt « structurelles » ; inhérentes à l'identité des partis communistes du XX° siècle - dont le PCF. Une identité que l'on a maintenue sans vouloir ou pouvoir poser aux communistes la question de la pertinence de « fondamentaux » qu'au contraire on invoquait rituellement pour « justifier » les inflexions successives et parfois contradictoires données à la stratégie du parti.
La crise du communisme, dont participe le déclin du PCF, n'est-elle pas une crise identitaire consécutive à ce qu'il faut bien appeler l'échec du communisme au XX° siècle ?
Les réponses à ces questions peuvent éclairer le passé. Mais elles interrogent surtout l'avenir.
III- Notre proposition : fonder un autre parti.
Communisme ? Parti ? Ne pas esquiver les questions
>. L'échec du communisme au XX° siècle signifie-t-il la « mort » inéluctable, la « fin de l'histoire » pour le communisme ? Il faut selon nous poser franchement cette question, et la traiter autrement que sur le seul mode affectif ou commémoratif.
Il n'y a pas de « sens de l'histoire » impliquant l'existence, en tous temps et en tous lieux d'un courant de pensée et d'action communiste, obligatoirement incarné dans un parti communiste. Mais il y a une histoire qui se fait. Elle a du sens. Un sens qui n'est prédéterminé ni par une pensée philosophique, ni par la visée stratégique d'un parti politique. Un sens déterminé par le contenu et la forme des luttes des êtres humains pour vivre mieux et épanouir leur personnalité dans une société qui les respecte et les protège. Ces luttes ne se résument pas aux affrontements de classes. Mais l'affrontement entre les peuples et le capitalisme en est depuis plusieurs siècles un élément essentiel.
Cet affrontement, dans ses contenus et dans ses formes actuelles porte du « sens » qui ne peut être indifférent à qui s'interroge sur la pertinence à notre époque de la pensée et de l'action communistes, de « l'association » de celles et ceux qui s'en revendiquent , et de la perspective d'un communisme dont Marx et Engels avaient tenu à préciser ( nous ne les avons visiblement pas entendus ! ) : il « n'est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal sur lequel la réalité devra se régler. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l'ordre actuel ».
Dans cet affrontement grandit la contestation concrète de ce qui fait l'essence même du capitalisme d'aujourd'hui, dominé par la « finance » et mondialisé :
C'est la contestation du droit des gros actionnaires à massacrer des entreprises et des êtres humains sur l'autel des profits financiers ;
C'est la contestation du droit des puissances d'argent à tout transformer en « marchandise ».
C'est la contestation des critères de la rentabilité capitaliste.
Contestation concrète, elle esquisse dans l'action d'autres critères : priorité à la recherche, à la qualification et aux salaires plutôt qu'aux « gains de productivité » renforçant l'exploitation des salariés ; critères « anti-précarité » imposant la sécurité d'emploi ou de formation et la reconnaissance des qualifications ; nouveaux droits donnant aux travailleurs et aux peuples les moyens de s'affranchir de la dictature « mondialisée » du capitalisme financier sur la gestion des entreprises , les échanges commerciaux, les économies nationales et régionales.
C'est la contestation concrète du dogme ultralibéral de la concurrence sans limite, lui opposant la revendication de coopérations et de mises en commun à tous les niveaux, impliquant des services publics efficaces et démocratiques.
C'est la contestation de la mondialisation capitaliste et du pillage des peuples et de leurs ressources naturelles par les « multinationales » et les puissances qui les servent. Contestation concrète par les luttes des peuples pour la paix, la liberté, l'indépendance, le respect de leurs choix sociaux et culturels, la préservation de leur environnement et de l'avenir de la planète.
Jamais cette contestation concrète du capitalisme, qui parle de respect humain, de coopérations et de mises en commun n'avait atteint un tel niveau dans l'identification de ce qui n'est plus tolérable comme dans l'approche collective de solutions qui dessinent des « pistes » pour un « après capitalisme ».
La victoire de la droite en France au printemps 2007 ne peut occulter la réalité de ce « mouvement » contestant concrètement le capitalisme - en France et partout dans le monde- et qui a manifestement quelque chose à voir avec ce « communisme » que l'on prétend définitivement mort. Mais si c'est de « communisme » qu'il s'agit, il serait faux de prétendre qu'il ne s'agit que de communisme. Le « mouvement réel » porté par les aspirations, les réflexions, les idées, les élaborations au cœur des luttes des êtres humains aujourd'hui ne peut se résumer à la contestation de la « civilisation de la marchandise et de la concurrence de tous contre tous » pour avancer vers une « civilisation de partages et de solidarités de tous avec tous » qui serait tout entière contenue dans les limites de conceptions élaborées il y a plus d'un siècle. Avec les connaissances de l'époque, et en réponse aux problèmes que les hommes et les peuples se posaient alors.
Abandonner la référence au communisme serait « passer à côté » de ce qui grandit dans les consciences individuelles et collectives en ce début de XXI° siècle. Mais ce serait aussi « passer à côté » que de s'y cantonner sans s'ouvrir à d'autres références issues elles aussi du « mouvement réel », dans le « monde réel » d'aujourd'hui confronté à des problèmes nouveaux.
Des problèmes liés, par exemple à l'exigence grandissante des êtres humains à maîtriser leur vie - y compris et d'abord dans le travail - , et aux possibilités nouvelles d'y parvenir, ou à l'impérieuse nécessité de préserver la planète laissée demain aux générations futures...
>. De même, si la victoire de la droite doit beaucoup à la faiblesse de la gauche, n'est-ce pas parce que ce « mouvement » ne se reconnaît aujourd'hui dans aucune des offres politiques des composantes de cette gauche, parti communiste compris ? Et l'échec des candidatures refusant la référence à un parti (comme J.Bové) ou préférant à cette référence l'invocation d'une gauche « différente » sans existence réelle (comme MG.Buffet ) ne doit-il pas faire réfléchir ?
Il y a un rapport direct entre cette grande conquête républicaine qu'est le recours au suffrage universel pour décider des choix concernant la politique du pays et la manière de la conduire, et l'existence de partis politiques pour proposer ces choix. Il y a un rapport direct entre l'existence et l'action de véritables partis politiques et « l'identité nationale républicaine ». C'est une question sur laquelle les communistes français ont selon nous beaucoup à réfléchir et à innover. Ne pas l'avoir fait nous a conduits à être « désarmés » dans le débat sur « l'identité nationale » qui a marqué l'élection présidentielle.
Oui, il y a besoin - un besoin urgent- d'un parti dans lequel puisse se reconnaître et s'exprimer le mouvement qui conteste la domination du capitalisme sur la société française et sur le monde, et qui porte l'aspiration à un « bond qualitatif » vers une civilisation de partages et de solidarités.
Mais ce parti ne peut reproduire ce qu'ont été dans le passé les partis politiques représentatifs des différentes composantes de la gauche française, PCF compris. Pour correspondre au besoin qui vient d'être évoqué, il doit prendre en compte les bouleversements intervenus dans la société et dans le monde, dans la vie des gens tout simplement, et dans des pratiques sociales nouvelles. Notamment des pratiques de démocratie directe. Celles ci ne peuvent, on l'a vu, se substituer aux pratiques républicaines dans lesquelles les partis politiques ont un rôle essentiel. Mais elles peuvent devenir un élément dynamisant d'une démocratie moderne.
>. Il faut le dire clairement : le PCF ne peut être ce parti dont le besoin se fait si cruellement sentir. Pour les raisons qui découlent des exigences qui viennent d'être évoquées. Car répondre à ces exigences implique une rupture avec les conceptions sur lesquelles il a été fondé et qui ont façonné sa « culture » et sa façon de vivre et d'agir.
Cette rupture n'induit en rien la négation de ce que ce parti a su faire de positif et d'utile à notre peuple, à notre pays, d'utile aux luttes des peuples pour la paix et le progrès. C'est même tout le contraire. Elle permet de clarifier une question jusqu'ici tabou : à quel « communisme » se réfère le PCF ? Il faut sortir d'une dualité de références qui brouille l'image du parti et sème le doute sur des positions et des actions passées dont les communistes d'aujourd'hui sont légitimement fiers.
Le communisme auquel se réfère le PCF, c'est celui dont les conceptions en matière de transformation sociale ont présidé à sa fondation. Il renvoie l'image de l'expérience soviétique et de son issue dramatique. Mais c'est aussi le « communisme français » dont les racines remontent loin dans l'histoire du pays. Il l'a explicitement invoqué lorsqu'il est heureusement « sorti des clous » des conceptions fondatrices pour contribuer aux larges rassemblements du Front Populaire et de la Résistance. Il s'y est référé en entreprenant « la mutation » dans les années 1995-2000.
Il n'y a pas d'avenir sans rupture avec ce qui dans le passé a obscurci la vision de ce que des centaines de milliers d'hommes et de femmes communistes ont fait au service des travailleurs, du peuple, et du pays .Il n'y a pas d'avenir sans rupture avec ce qui a trop souvent limité ou coupé leurs élans novateurs et les a ramenés chaque fois vers des stratégies et des pratiques de repli idéologique et politique. Il n'y a pas d'avenir dans un immobilisme qui serait précisément un reniement de l'intelligence et de l'audace dont ils ont su faire preuve en des périodes décisives de l'histoire du pays, et qui ont permis un enracinement populaire du PCF dont les traces sont encore fortes malgré le déclin des dernières décennies.
Les communistes français face aux recompositions en cours
Partout - et notamment en Europe - des recompositions politiques sont à l'œuvre, à gauche comme à droite.
Le XX° siècle s'est en effet achevé sur un cumul explosif d'échecs :
ØEchec du communisme. Il avait commencé le siècle avec une révolution réussie. Il l'avait poursuivi avec l'Union Soviétique deuxième puissance mondiale, essaimant en Europe et au-delà. Il l'a terminé dans l'effondrement des « pays du socialisme réel » et la marginalisation ou la disparition des partis communistes ;
ØEchec de la social-démocratie. Le « modèle social » qu'elle avait instauré dans plusieurs pays n'a pas résisté à la mondialisation du capitalisme financier avec lequel elle avait espéré pouvoir composer en en limitant les « excès ». Partout, les partis socialistes et socio-démocrates s'interrogent sur les finalités de leurs politiques - notamment de leurs pratiques gouvernementales. Beaucoup connaissent une véritable crise d'identité. Partout ils cherchent comment et avec qui « rebondir ». C'est le cas du Parti socialiste en France».
ØEchec de GW Bush aux Etats-Unis et dans sa politique de force sur la scène internationale ; difficultés de la mondialisation capitaliste se heurtant toujours davantage aux peuples qui veulent maîtriser leur destin et refusent la poursuite du pillage de leurs ressources : l'offensive lancée par le capitalisme dans les années 1970 , en anticipant la fin du monde « bipolaire » dominé par l'URSS et les USA, et en tentant d'organiser un monde que les Etats-Unis domineraient sans partage, a « réussi » dans un premier temps. Elle rencontre aujourd'hui des difficultés majeures. Et malgré sa nette victoire, N.Sarkozy n'est pas assuré de gagner son pari visant à réussir ici ce qui est en train d'échouer ailleurs.
C'est dans ce contexte que s'engagent en France d'importantes recompositions politiques.
ØA droite, N.Sarkozy veut que sa majorité présidentielle couvre tout le terrain, du centre à la droite la plus à droite. A gauche, le Parti socialiste cherche à occuper seul tout le terrain allant de « l'aile gauche de la gauche » jusqu'au centre. En absorbant tout ce qui se trouvera sur son passage (Verts, Radicaux de gauche, « Chevènementistes », et éventuellement « électrons libérés » par « l'explosion » attendue du PCF...). Et la LCR veut quant à elle fédérer tout ce qu'elle pourra « prendre » à la gauche du PS.
Les uns et les autres s'accordent dans l'espoir de pouvoir s'approprier au passage les « dépouilles » du PCF. Les uns comme les autres s'attachent à empêcher les éventuelles velléités de scission dans leurs rangs. Ceux qui, au PS, laissaient entrevoir la possibilité de construire « autre chose » à gauche, à l'image du rassemblement du « non » sur les tribunes de la campagne référendaire, s'entendent répondre qu'ils pourront le faire dans le cadre du « grand parti » envisagé aussi bien par F.Hollande que par H.Emanuelli. Et le projet de nouveau parti d'extrême gauche lancé par la LCR entend bien intégrer ceux de ses militants qui s'étaient engagés dans les « collectifs unitaires ».
Quelles que soient leurs interrogations ou leurs hésitations sur la voie à suivre dans une situation si difficile et compliquée, les militantes et militants communistes voudront réfléchir et décider par eux mêmes des initiatives à prendre. Et entreprendre eux mêmes les constructions nouvelles nécessaires.
Ils n'attendent pas qu'on les engage - même avec les meilleures intentions du monde - à leur place, « de l'extérieur », sans qu'ils sachent avec qui ni pour aller où. Ils n'attendent pas non plus que, faisant comme s'ils n'existaient déjà plus en tant que collectif capable de décider de son sort, on leur demande de « contribuer » à un projet qui ne serait pas le leur. Pourquoi décider d'emblée que puisqu'il n'a pas été possible hier de transformer le PCF, les communistes ne seraient pas capables aujourd'hui de faire face à la situation - y compris en s'ouvrant pour cela à la coélaboration avec d'autres, non membres du PCF, qui se retrouveraient avec eux dans une conception neuve du parti nécessaire à notre époque? C'est aux hommes et aux femmes communistes - adhérents ou non aujourd'hui du parti- qu'il faut selon nous soumettre des idées, des propositions. Avec confiance. Avec respect pour elles et pour eux, pour ce qu'ils représentent , pour ce que, même défait , même affaibli , leur parti, notre parti, représente dans ce pays ! Avec esprit de responsabilité et volonté de construire dans la diversité.
Quelles propositions pour « un autre parti » ?
Il ne s'agit pas de formuler LA proposition devant laquelle tout le monde s'exclamerait : « mais oui, bien sûr, c'est ça qu'il faut faire » ! Il s'agit d'aller au bout d'une réflexion et d'en soumettre le résultat à la discussion, en espérant qu'elle apportera quelque chose à l'élaboration collective.
Il ne s'agit pas de formuler une proposition contre d'autres propositions déjà formulées ou qui le seront dans les semaines qui viennent, mais pour un débat constructif en vue duquel chacun doit voir « toutes les cartes » sur la table.
1. Cette proposition, c'est que les l'on crée les conditions - c'est à dire que l'on prenne les initiatives appropriées- pour que les hommes et les femmes communistes de France - membres ou non du PCF - puissent trouver en eux-mêmes les ressources pour fonder ensemble un autre parti politique.
Un autre parti politique pour qui le mouvement doit être le levier majeur de la transformation sociale. Et nous voulons préciser que par « mouvement » nous entendons tout à la fois : le mouvement populaire, les luttes sociales, le mouvement des idées et de la culture, les initiatives et propositions du monde associatif, l'action et les propositions des partis politiques - dont bien sûr celui que nous proposons aux communistes de fonder -. Une action impliquant la participation aux institutions et aux pouvoirs à tous les niveaux, chaque fois que cela peut permettre des avancées et des conquêtes nouvelles ; chaque fois que cela peut permettre au mouvement d'ensemble de progresser, de gagner des positions nouvelles modifiant positivement les rapports de forces idéologiques et politiques.
Un autre parti politique ne se considérant pas lui-même « extérieur » (« au dessus » ou « à côté ») mais « partie prenante » au mouvement. Avec le souci constant d'y être un apport vivifiant par ses propositions et ses initiatives, sa contribution aux débats d'idées, aux recherches, aux innovations, aux luttes sociales et démocratiques. Il s'agit pensons-nous d'être bien sûr « à l'écoute » des revendications et des aspirations telles qu'elles s'expriment vraiment, et aussi « d'entendre » et de comprendre les idées, les solutions qui s'élaborent dans le mouvement.
Et, inséparablement, il faut faire exister par lui-même ce parti, développant et portant dans le débat ses analyses, ses propositions et ses initiatives.
Un autre parti politique actif et entreprenant pour faire progresser son organisation et son audience - y compris bien sûr son audience électorale - au service des progrès du mouvement contestant concrètement le capitalisme et ouvrant des pistes pour en libérer la société française et participer aux luttes pour une autre mondialisation de solidarités et de coopérations.
Un autre parti politique entreprenant et créatif sur le terrain de la conquête de droits et de pouvoirs nouveaux pour les salariés dans les entreprises et dans l'économie, pour les citoyens dans tous les secteurs et à tous les niveaux de la société.
Un autre parti politique entreprenant et créatif dans les luttes pour la conquête de positions électorales et de pouvoirs dans les différentes collectivités et assemblées où se fait quotidiennement « la politique » qui détermine la vie de millions de nos concitoyens. Un parti sachant pour cela proposer à tous les niveaux des programmes d'action concrète audacieux et réalistes, en appui sur le mouvement et le soutenant ; des candidates et candidats s'engageant résolument dans leur mise en œuvre, qu'ils soient dans l'opposition ou dans une majorité , et rendant compte de leur activité devant les populations.
Un autre parti politique sachant prendre les responsabilités que le suffrage universel lui aura confiées, en participant au pouvoir dans les assemblées élues et le cas échéant au gouvernement. Non pas en entretenant l'illusion que cette seule présence suffirait à régler des problèmes que l'intervention des citoyens et les luttes populaires n'auraient pu résoudre, mais en utilisant le pouvoir pour : - généraliser et consolider les conquêtes sociales et démocratiques obtenues par les luttes ; - s'attacher à toutes les avancées qui peuvent permettre aux individus de participer pleinement à la vie démocratique et au développement du mouvement populaire : ce qui couvre un champ immense allant de la réduction du temps de travail ( qui n'est pas seulement une mesure « sociale ») aux secteurs de l'éducation, de la formation, de la culture ( pas seulement « l'accès » à la culture mais les moyens de participer à la « création » qui est aussi un moyen de comprendre le monde pour le transformer ), de la vie associative... ; - fournir au mouvement les informations et les propositions dont il a besoin pour être le plus efficace possible.
Un autre parti politique sachant rechercher et réaliser des rassemblements et des alliances multiformes permettant la rencontre des acteurs du mouvement social et démocratique et des militants et responsables politiques, dans le respect de l'indépendance et des tâches spécifiques des uns et des autres, en évitant la confusion des genres qui a contribué à l'échec des « collectifs unitaires ». La question mérite une réflexion approfondie à partir de l'expérience de celles et ceux qui y ont participé.
Un autre parti politique animé d'une vision nouvelle de sa vie et de son activité, faisant de l'ouverture aux autres et de la recherche du travail en commun pour les luttes comme pour l'élaboration des propositions une constante de l'activité des adhérents et des organisations, et pas seulement une pratique ponctuelle à l'occasion des échéances électorales.
2. Comment, à partir de quelles références cet autre parti se définira-t-il ?
Pour les raisons déjà exposées, la référence au communisme nous paraît indispensable - non par nostalgie ou par « dogmatisme », mais parce qu'elle correspond au « mouvement réel » au service duquel doit être ce parti. Mais on ne peut ignorer la difficulté qu'elle comporte : sous quelle forme affirmer cette référence pour qu'elle ne soit pas référence au passé plutôt qu'à l'avenir ? Comment montrer qu'elle correspond à des exigences d'aujourd'hui et pas à des dogmes et à des pratiques du passé ? Et en même temps comment montrer qu'elle est aussi dans la continuité d'un apport réel du communisme - notamment du communisme français - qu'il n'est pas question de renier et auquel beaucoup, parmi ceux-là mêmes qui ne votent plus régulièrement pour le PCF sont profondément attachés?
Mais, on l'a vu d'autres références s'imposent aujourd'hui. Liées à un humanisme transformateur du XXI° siècle qui se construit dans toutes les luttes contre les dominations, exploitations et aliénations auxquelles sont confrontés les être humains et les peuples, elles sont la base sur laquelle des hommes et des femmes sont prêts à s'engager sans problème aux côté de militants et dans un parti se revendiquant d'un communisme de notre temps. Comment trouver la forme pour associer de façon visible et mobilisatrice ces différentes « références » dans la façon dont - au delà de son nom qui ne pourra pas tout dire - cet « autre parti » se définira ? On ne peut visiblement résoudre cette question aujourd'hui. Et pourquoi voudrait-on le faire avant d'en avoir débattu avec tous les intéressés - à commencer bien sûr par celles et ceux qui constituent aujourd'hui le PCF?
IV- Un débat ouvert ; nourri de la richesse des différences.
C'est un vaste débat qu'il faut ouvrir. Un débat d'abord sur le fond. Le problème n'est pas « quel parti voulons nous ? » mais « de quel parti a-t-on besoin ? ».
Il ne peut s'agir d'un débat seulement « théorique ». Il doit « coller » à l'expérience militante - aux expériences militantes, qu'il doit solliciter. Et aux nécessités de la lutte. Elle s'annonce rude dans les mois et les années qui viennent. On ne peut cesser d'y participer, « pour cause de travaux de fondation d'un autre parti » !
Il y a besoin d'un débat dont les participants sachent s'écouter en faisant l'effort d'entendre vraiment ce que les uns et les autre disent, et d'en évaluer l'apport. Un débat dans lequel les communistes sauront s'ouvrir à tous ceux qui veulent y contribuer, avec le souci de les associer pleinement à une construction commune.
Ainsi conçu, un tel débat ne peut aboutir en l'espace de trois ou quatre mois.
Peut-il être enfermé dans les procédures habituelles de préparation des congrès du PCF, dans des formes et dans un calendrier décidés « d'en haut » ? Cela ne paraît ni possible ni surtout souhaitable. Il est indispensable que toutes les sensibilités qui existent dans le Parti communiste - depuis longtemps maintenant, et à partir de divergences sur le fond - puissent mettre leurs idées et leurs propositions en débat, les confronter entre elles, et travailler réellement ensemble si elles en ont la volonté. Et il faut que les hommes et les femmes qui ne sont pas membres du PCF et qui veulent participer à ce travail, ou simplement donner leur point de vue puissent le faire.
Il s'agit donc de prendre le temps et de se donner les moyens d'un débat constructif, non pour rechercher un « compromis » ambigu et « mou » , mais avec la ferme volonté de rassembler dans le respect des différences, autour d'une volonté commune d'élaboration novatrice ambitieuse.
Le Conseil national du PCF a décidé de la tenue d'un « congrès extraordinaire » à l'automne prochain. Les intentions jusqu'ici exprimées quant aux objectifs et au contenu de ce congrès extraordinaire ne semblent pas correspondre aux nécessités. Et l'on peut sérieusement douter par ailleurs de la possibilité de mener de bonne façon le débat qui s'impose dans une période au cours de laquelle les communistes consacreront beaucoup de temps et d'efforts à la préparation d'élections municipales dont les enjeux auront quelque importance dans la situation créée après les résultats des scrutins présidentiel et législatifs. Ce congrès, qui sera de toute façon utile pour discuter dans la perspective des échéances municipales, pourrait donc avoir pour objectif de procéder à un relevé des différentes analyses et propositions et donner lieu à un premier débat national sur cette base. Et il pourrait s'achever par des décisions concrètes pour la préparation d'un congrès en 2008, qui se prononcerait à partir des choix effectués par les communistes sur la base des propositions dont ils auraient eu le temps et les moyens de débattre.
L'une des décisions que pourrait prendre le congrès extraordinaire de l'automne 2007, pourrait être de mettre en place une direction pluraliste, chargée d'assurer la préparation du congrès de 2008 dans les meilleures conditions. Ce congrès de 2008, quant à lui, mettrait en place une direction en conformité avec les orientations qu'il aurait choisies.