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26 juin 2008 4 26 /06 /juin /2008 23:09

 

Avec plusieurs dizaines de milliers d’adhérent-e-s et des milliers d’élu-e-s communistes ou apparentés, nous sommes toujours une force qui compte. Les élections locales de mars l’ont confirmé. Et pourtant, nous savons que nous pouvons nous éteindre à petit feu, comme les Radicaux de gauche, si nous n’arrivons pas à nouveau à porter dans la société une perspective politique crédible. Tel n’est pas le cas, comme le montre la catastrophe électorale de la présidentielle : même bien intentionnés à notre égard, les électeurs de gauche, voire le plus grand nombre des électeurs communistes, ont préféré tenter de battre la droite en votant Royal, ou exprimer leur colère et leur déception en votant Besancenot. Nous avons disparu du paysage électoral présidentiel comme nous disparaissons aujourd’hui quasiment, malgré les bons résultats des élections locales, du paysage politique national.

Il y a urgence. Si nous ne réussissons pas à donner un nouvel élan à notre combat politique et à la force organisée des dizaines de milliers de femmes et d’hommes que constitue notre Parti, c’est un des atouts du mouvement populaire dans notre pays qui disparaîtrait. Ce serait une régression politique majeure, dangereuse pour notre peuple. Ce n’est pas fatal. Des attentes très importantes existent dans notre société, comme dans bien d’autres pays. Les luttes en attestent, même si elles butent sur l’absence d’une perspective de changement crédible. Quand les peuples peuvent se saisir d’une occasion, comme on vient de le voir en Irlande après la France et la Hollande à propos de la construction européenne, ils disent clairement qu’ils refusent la voie où on veut les emmener. Nous ne sommes donc pas devant un mur infranchissable, mais devant un problème politique.

Comprendre ce problème, pourquoi nous en sommes arrivés là, sans nous payer de mots, et trouver les moyens d’inverser le mouvement qui nous affaiblit, est donc l’enjeu essentiel du congrès. Depuis l’assemblée nationale de décembre, nous avons cherché à cerner les contours des questions auxquelles nous devons répondre. A deux mois de l’élaboration de la « base commune de discussion », je voudrais donner mon point de vue.

1. Le verrou politique

Sans rassemblement majoritaire sur un projet de gauche, impossible d’imaginer battre la droite, condition nécessaire (bien qu’insuffisante) pour ouvrir un espoir de changement. Abandonner cet objectif équivaudrait à nous aligner sur le rêve illusoire du basculement miraculeux. Mais la dérive vers le libéralisme du PS, majoritaire à gauche, nous met sans cesse davantage devant un dilemme : paraître, à notre corps défendant, cautionner ses renoncements, ou nous isoler dans une position sans perspective. Cette situation constitue un piège dans lequel nous épuisons nos forces. Mitterrand ironisait à notre sujet : « s’ils restent, ils sont morts ; s’ils s’en vont, ils sont morts aussi ».

Une profonde division à gauche n’est pas une première. Ce fut le cas avec la SFIO de l’après guerre au programme commun : ses alliances avec la droite l’ont même conduit tout près du précipice. Mais elle prend aujourd’hui un caractère nouveau avec la conversion assumée du PS au libéralisme. Il rompt ouvertement avec une dimension essentielle du vieux fond commun, produit de l’histoire du mouvement ouvrier dont sont issus historiquement les courants socialiste et communiste : l’idée que l’Etat doit intervenir pour compenser les inégalités – par la redistribution et un fort service public –, assurer la solidarité nationale par des systèmes de solidarités, maîtriser certains secteurs stratégiques pour le pays, se donner par un secteur public puissant les moyens d’agir sur l’économie, etc. Il est alors plus qu’en difficulté pour donner un contenu concret aux « valeurs de gauche » : liberté, égalité, justice sociale, …

C’est sur cette base que nous nous sommes battus tout au long des années soixante et soixante-dix, pour un programme commun de la gauche. Nos efforts se sont brisés en 1983, avec l’abandon de cette orientation que F. Mitterrand a jugé incompatible avec le maintien de la France dans le système monétaire européen. Depuis, le fossé n’a pas cessé de s’élargir : jamais le libéralisme n’a eu autant droit de cité dans l’idéologie et le projet politique du PS. Le verrou est toujours là.

2. Acquis et insuffisances de nos tentatives pour débloquer la situation politique

2.1. Nos expériences stratégiques

A partir de notre départ du gouvernement, en 1984, nous avons tenté diverses stratégies pour tenter de « peser à gauche » : rassemblement populaire majoritaire, forums et espaces citoyens, gauche « plurielle ». Cette idée de peser à gauche est ancienne : même avant 1981, certains dirigeants avançaient l’idée qu’il faudrait pour ça atteindre 25% ! Nous n’avons pas réussi. Et l’érosion de notre influence s’est poursuivie jusqu’à la catastrophe de 2002.

Nous avons alors décidé de travailler à un « rassemblement antilibéral ». En nous appuyant sur le rejet des conséquences des politiques libérales – que traduisait notamment le grand mouvement social de 1995 –, nous avons cherché à lui donner une perspective politique, et à créer pour cela une dynamique de rassemblement susceptible de faire bouger toute la gauche.

Le succès du « non » au référendum européen et l’échec de la présidentielle montrent – malgré la nature très différente par leur objet de ces deux campagnes – les potentialités et les limites de cette démarche. Il y a eu dynamique politique en 2005 parce qu’un large rassemblement, avec une partie très significative du PS, a proposé un objectif précis qui a paru, du coup, à la fois atteignable et prometteur à gauche. En 2007, le retrait total des socialistes a enlevé toute crédibilité au rassemblement. Faute de pouvoir porter un espoir concret, nous nous sommes retrouvés quasiment hors jeu.

Il serait catastrophique que les difficultés nous fassent jeter le bébé avec l’eau du bain et tirer un trait sur les efforts de plusieurs générations de communistes, depuis les années 60, pour inventer un chemin démocratique vers le changement. D’abord, toutes nos difficultés ne viennent pas de la stratégie : on ne comprendrait pas alors qu’elles aient perduré malgré les stratégies si différentes qui ont été les nôtres depuis les années soixante. En fait, contrairement à ceux qui opposent une stratégie à l’autre, je crois que nous avons à chaque étape tenté avec sérieux d’apporter des réponses aux problèmes que nous pouvions identifier, et que nous avons progressivement avancé. L’union de la gauche était et demeure une réponse nécessaire dès lors que nous faisions le constat de l’impasse de la révolution minoritaire et de la dictature du prolétariat, que nous ne rêvons pas à un grand soir qui ne viendra jamais, et que nous partons de la société réelle, donc de la nécessité de rassembler des classes et couches sociales aux intérêts convergents, mais différents. L’idée de « primauté au mouvement populaire » – qui nous a conduit à chercher des formes politiques permettant l’implication citoyenne (forums, espaces, collectifs…) – était et demeure une réponse nécessaire devant l’échec du tête-à-tête au sommet avec le PS. La « gauche plurielle » était un progrès en ce qu’elle partait du principe que chacune des forces qui la constituaient devait pouvoir conserver ses objectifs et son action propre (même si nous n’avons manifestement pas réussi à nous appliquer vraiment à nous-même ce principe d’autonomie). L’objectif de rassemblements politiques fondés sur des contenus et objectifs précis et atteignables demeure nécessaire : une des limites des « espaces citoyens », par exemple, est sans doute qu’il est très difficile de rassembler sans formuler un objectif politique concret mobilisateur : c’est la question de la perspective politique et de la démarche qu’on propose ou non dans ce but.

Dans toutes ces expériences, il y a donc des acquis précieux dont nous avons encore pu mesurer l’efficacité aux dernières élections locales. Les abandonner pour cause d’échec, sans autres formes d’examen, serait faire un immense pas en arrière, ou vers le vide. Mais, indiscutablement, ces acquis n’ont pas permis de résoudre le problème qui nous est posé. Cela appelle une analyse critique sans complaisance de la façon dont nous avons conduit nos expériences. Et, au-delà des insuffisances ou des erreurs à corriger, il nous faut comprendre sur quels autres obstacles nous butons, et y trouver des solutions nouvelles.

2.2. Retour critique sur le rassemblement antilibéral

L’épisode du rassemblement antilibéral doit être examiné soigneusement. Il a connu trois étapes : en 2003/2004 pour les élections régionales et européennes ; en 2005 pour le référendum européen ; et en 2006 pour l’élection présidentielle. Bien que l’on puisse discuter à l’infini sur la phase 2003/2004, puisque les fédérations du Parti ont adoptées leur stratégie « à la carte », je crois que les résultats obtenus notamment en Ile de France, parce que l’engagement de Marie-George Buffet pour le rassemblement de la « gauche populaire et citoyenne » a fait sens, indiquait un début possible de dynamique. Cette dynamique s’est pleinement déployée en 2005. Et elle s’est brisée en 2006, non pas sur le « programme », mais sur la question de la candidature.

Cet échec a eu des conséquences très négatives. Mais il était pourtant consommé pour l’essentiel avec la rétractation du rassemblement. Sans aucune composante socialiste après la synthèse faite au Mans par tous les courants du PS, le rassemblement ne pouvait en aucun cas convaincre ni de sa « vocation majoritaire », ni même de sa capacité à déverrouiller la situation à gauche. Il n’y avait plus d’objectif mobilisateur possible. La LCR a donc préféré joué sa carte propre : elle a au moins réussi à récupérer une partie de voix d’Arlette Laguiller, et à installer davantage Olivier Besancenot dans son rôle de porteur de la colère. Les divisions, et le refus de tenir compte de la volonté majoritairement exprimée par les collectifs locaux, ont fait le reste.

Pour ce qui dépend de nous, je crois que nous avons fait une erreur essentielle : nous n’avons pas pris la main, dès le lendemain du 29 mai 2005, pour proposer un objectif, un cadre et une méthode. Nous nous serions ainsi probablement donné au moins une chance de prolonger la dynamique créée, de continuer de jouer le rôle moteur incontournable qui nous avait été reconnu en 2005 ; et peut-être d’éviter de paraître paradoxalement – après tous les efforts que nous avons faits – porter in fine la responsabilité de l’échec.

Faute de prendre nous-mêmes l’initiative, nous avons été comme en 2003 (appel de personnalités pour des listes communes aux régionales) obligés de réagir à celle qui a été prise par d’autres, avec un certain nombre de communistes, en mai 2006, débouchant sur la création du « Collectif national unitaire pour un rassemblement antilibéral). Nous nous sommes alors trouvés « dans une seringue », et quelques uns ont pensé que cela pouvait faire plier les communistes : comme si on pouvait faire plier contre son gré un collectif de plusieurs dizaines de milliers de personnes !

Cet échec nous a fait payer au prix fort une leçon très importante. Certes, la dynamique collective est dans le rassemblement : c’est la très puissante aspiration au « tous ensemble » qui enfle depuis 1995. Proposer des formes ouvertes, sans prétendre rassembler autour de nous seuls, mais en y apportant clairement ce que nous sommes et en assumant notre rôle (en l’état) de force principale, est pour cela le sillon à creuser. Mais ce rassemblement s’étouffe s’il est corseté par un cartel qui s’arroge le droit de le représenter et de le diriger. A fortiori si ce cartel comprend sur le même pied des forces politiques constituées, responsables devant leurs adhérents, et des groupuscules, voire des personnes qui n’ont à répondre devant personne de leurs positions et de leurs choix. Pour cette raison, je pense que signer « l’appel du 10 mai » a été une autre erreur. Mais à ce stade, il ne nous restait sans doute plus que de mauvaises solutions.

3. La crise historique du mouvement progressiste

Mais ces erreurs n’expliquent pas tout, loin de là. Nous passerions à côté d’un aspect essentiel des difficultés auxquelles nous nous heurtons si nous ne les mettions pas en perspective de celles que rencontrent semblablement quasiment toutes les forces qui, au moins dans les pays capitalistes anciennement développés, visent une transformation émancipatrice de la société et du monde. Et pourtant, ces forces sont organisées de façons très différentes et ont adopté dans les dernières décennies, et récemment, des stratégies très diverses. Les expériences du Parti socialiste aux Pays-bas, ou de Die Linke en Allemagne, sont évidemment à suivre de très près : la confrontation avec la question de la participation au pouvoir, si elle advient, sera décisive.

En outre, les difficultés ne concernent pas seulement ces forces transformatrices ou antilibérales : toutes les forces de gauche, dans ces pays, subissent les unes après les autres de très lourds échecs. Onze pays européens sur quinze étaient gouvernés voici quelques années à peine par des partis sociaux-démocrates : la plupart ont échoué et été chassés par la droite. Et les forces du mouvement social, à commencer par les syndicats de salariés, sont partout sur la défensive. Nous sommes donc confrontés à une crise majeure du mouvement progressiste dans son ensemble.

Comme nous l’avons dit dans les rencontres nationales que nous venons de tenir, le monde entre en ce début de siècle dans une période foncièrement nouvelle. De grands cycles s’achèvent. Celui de la révolution industrielle, avec les bouleversements qui accompagnent la nouvelle révolution technologique dite « informationnelle » ; celui de la croissance productiviste et consumériste, avec les enjeux de l’environnement, et des ressources naturelles, les crises énergétique et alimentaire ; celui des Etats-nations, avec la constitution de grands ensembles régionaux et la mondialisation ; celui d’une transformation radicale de la situation géopolitique du monde, avec l’émergence de nouveaux géants ; celui d’une conception de la démocratie, avec le développement de lieux de pouvoirs (Europe, institutions internationales, multinationales, marchés financiers…) sur lesquels la politique, dans ses formes traditionnelles, semble ne plus avoir de prises ; celui des formes anciennes du « vivre ensemble » avec le développement des circulations et des migrations ; etc.

Manifestement, le « socle de gauche » étatiste issu des expériences du 20ème siècle ne suffisent plus à répondre à ces enjeux cruciaux. Les forces progressistes ont pris beaucoup de retard sur celles qui soutiennent le capital pour s’adapter à ces nouvelles réalités. Et cela est vrai sur deux plans principaux : elles sont – nous sommes – restés collés à des analyses et des propositions en décalage croissant avec les enjeux nouveaux de la période ; et d’autre part, nous organisons l’essentiel de notre action (des luttes sociales ou idéologiques aux initiatives politiques) à l’échelle nationale, alors que le capital a travaillé d’arrache-pied, depuis trente ans, à défaire les équilibres qui avaient été arrachés par les peuples au niveau des Etats-nations et à s’organiser à toutes les échelles territoriales, du local au mondial, y compris au niveau institutionnel, pour construire des rapports de force qui lui soient favorables. De ce point de vue, la construction européenne joue un rôle central, autobloquant toute velléité de transformation progressiste dans un des pays de l’Union.

Les forces de progrès se heurtent donc à un double et redoutable problème. Elles sont mises au défi d’inventer un projet de progrès humain qui répondent aux grands enjeux de la période. Ce n’est manifestement pas le cas. C’est de la « panne de projet » à gauche que résultent, par défaut, les victoires idéologiques, populistes et mensongères, de tous les Sarkozy et Berlusconi.

Et elles doivent trouver les moyens de travailler à toutes les échelles territoriales, et tout particulièrement au niveau européen, à changer les rapports de forces pour lutter efficacement contre ce capitalisme mondialisé.

4. La question du projet

Je crois que nous avons raison de poser cette question en grand afin de montrer clairement qui nous sommes, et donc ce que nous proposons. Il nous faut apporter des réponses nouvelles, adaptées au monde nouveau, à la nouvelle ère dans laquelle nous sommes désormais. Il y a des questions nouvelles. Mais il y a aussi de nouvelles réponses à apporter à des questions toujours actuelles. Non pas pour en rabattre sur l’ampleur des ambitions que nous devons porter, mais pour les traduire en objectifs politiques concrets adaptés aux réalités. Je pense, par exemple, à l’interpellation de la gauche par Maryse Dumas, à la rencontre de La Villette, sur la façon concrète de concevoir une appropriation sociale des grands moyens de production et d’échanges dans une économie mondialisée.

Je ne développe pas cette question parce que je suis d’accord, pour l’essentiel, avec ce qui s’est dit à ce sujet lors de nos rencontres nationales. J’attire cependant l’attention sur un double aspect. Elaborer un projet de progrès humain pour aujourd’hui demandera beaucoup de débats entre nous, car il y a manifestement des avis différents sur des questions centrales, par exemple : le contenu d’une nouvelle conception du développement, avec, entre autres, la très difficile question écologique et sa dimension énergétique, où celle de la place et de la transformations du travail ; la réponse au défi européen ; l’enjeu décisif et en fait délaissé des institutions. Nous pouvons avancer dès maintenant, mais je crois que cela exigera un travail politique des communistes durant toute une période.

Et surtout, nous n’avons aucune chance de réaliser un tel travail en nous enfermant sur nous-mêmes. Une force politique comme la nôtre doit à un moment donné arbitrer et prendre position. Mais il n’y a aucun projet qui vaille, surtout à ce niveau d’exigence (il s’agit de repenser « le changement ») sans s’immerger dans la société, être au contacts des réalités et des aspirations populaires, mais aussi travailler étroitement avec les acteurs sociaux (syndicats, associations…), les experts, les intellectuels et les créateurs. Comme à d’autres périodes de notre histoire, cela doit devenir à nouveau une dimension centrale de nos efforts politiques. Et nous permettre, dès le Congrès, d’avancer quelques grands axes d’objectifs transformateurs adaptés au monde d’aujourd’hui.

J’insiste sur ce point. Un projet politique ne sort jamais du chapeau de quelques savants. Nous en faisons l’expérience, ce n’est pas en martelant à l’infini les idées que nous pensons pourtant les meilleures que nous faisons bouger les choses. C’est en contribuant, avec ces idées, à une élaboration politique qui soit celle du mouvement populaire lui-même. Il faut s’ouvrir aux autres, ne pas se barder de certitudes, et comprendre que ce qui est efficace n’est pas ce qui nous paraît le mieux – fut-ce d’importantes novations théoriques – , mais ce qui peut permettre de rassembler pour avancer dans une bonne direction. De ce point de vue, l’un des enjeux du congrès sera de décider de la manière d’engager et de mener ce travail. Pour ma part, je crois que nous devrions étudier la possibilité de lancer un appel à l’ouverture d’un tel chantier, en proposer un cadre où serait invité sur un pied d’égalité toutes celles et tous ceux qui le souhaitent, et dont nous tâcherions inlassablement d’élargir le cercle tout au long des années à venir.

5. Perspective et initiative politique

Proposer un projet ne suffit pas pour ouvrir une perspective politique. Il faut aussi dire comment on compte s’y prendre pour qu’il soit mis en œuvre. Il s’agit d’une des questions les plus importantes. Et qui fait le plus débat entre nous. Le point décisif est qu’une force politique qui ne pose pas la question du pouvoir est vouée à être marginalisée, parce qu’elle ne se positionne alors que comme contre-pouvoir.

Nous avons toujours posé cette question. L’idée du « grand soir » fut à une époque notre réponse, adossée à l’idée de révolution et à l’expérience soviétique. C’est celle que propose aujourd’hui à sa manière Besancenot. Nous la disons protestataire parce que nous ne la pensons plus réaliste, et que certains, sans y croire vraiment, se servent du vote Besancenot surtout pour manifester leur mécontentement et leur colère. Ce fut aussi le cas pour nous et constituait ce qu’on appelait notre « fonction tribunicienne ». Mais bien de femmes et des hommes qui votent pour lui considèrent aussi que la « rupture » qu’il propose a les vertus du coup de balai et constitue une solution possible, un jour... Et s’il continue de ne pas y avoir d’espoir réel d’alternative, sa côte de popularité et ses scores électoraux pourraient bien continuer à monter, et même très haut.

Nous avons depuis les années soixante proposé de constituer une majorité démocratique sur un programme de changement, donc l’union de la gauche, avec les variantes déjà évoquées. Dire aujourd’hui, en raison des échecs et du verrou que représente la position du PS, que faire bouger toute la gauche serait devenu impossible reviendrait à dire que nous ne voyons pas comment poser dans les conditions actuelle cette question du pouvoir. Nous n’aurions donc plus de « position », et nous disparaîtrions complètement du paysage politique qui s’organise par définition autour de cette question. En l’attente des choix que nous ferons au congrès, c’est déjà assez le cas. Et le fait, bien réel, que nous soyons pourtant toujours la troisième force politique en nombre d’élu-e-s n’y change manifestement rien.

Certains objectent à juste titre que les échecs récents montrent que les conditions d’un rassemblement durable pour le changement ne sont pas réunies, et que prétendre y viser serait dans ces conditions non crédible et par conséquent dévalorisant. Je crois qu’il faut prendre le problème autrement.

On demande à une force politique de dire comment elle compte travailler à rendre son projet applicable. On lui demande de dire le chemin qu’elle propose. Pas que ce chemin puisse nécessairement produire des effets immédiats ou à court terme. Ce n’est d’ailleurs pas ce que nous avons fait dans le passé : ni quand nous proposions le grand soir, ni même quand nous avons lancé les grandes initiatives politiques qui ont le plus marqué la vie politique de notre pays. En 1934-1936 contre le fascisme et pour le front populaire, les « conditions politiques » n’en existaient pas. Et encore moins en 1963 quand nous avons lancé l’idée du programme commun. Dans tous ces cas, la SFIO nous considérait au départ comme le diable. Il aura fallu neuf ans pour obtenir la signature du programme commun, et dix-huit pour que ça débouche sur la victoire de la gauche. Mais ces initiatives disaient clairement comment nous entendions rendre possible la mise en œuvre de nos objectifs politiques. Elles fixaient un cap. Elles avaient une cohérence et un sens. Et pour cela elles ont travaillé la société française, permis de mobiliser, modifié les rapports de force, et ont ainsi rendu possible ce qui ne l’était pas initialement. Je ne dis pas que nous devons proposer aujourd’hui ce qui a échoué. Il faut inventer du neuf qui tienne compte de l’expérience. Mais le pire serait de renoncer à proposer un objectif et un chemin.

6. Un nouveau front populaire, jusqu’au niveau européen, et au delà.

Si je devais résumer synthétiquement ce que je tire de nos expériences stratégiques des dernières décennies, je dirais que notre positionnement politique doit s’appuyer sur les éléments suivants :

- 6.1. L’objectif d’union des forces de gauche et la question des alliances

L’union des forces de gauche sur un programme permettant des avancées réelles est un objectif nécessaire. Ce n’est pas possible en l’état du PS, force aujourd’hui dominante à gauche. Il faut le reconnaître non pas pour abandonner l’idée de faire bouger cette situation, mais pour proposer les moyens nouveaux d’y parvenir. Et cela n’est nullement incompatible, bien au contraire, avec l’idée de faire lors d’échéances électorales des alliances qui contribuent à faire élire le plus possible d’élu-e-s de gauche, et parmi eux le plus possibles d’élu-e-s communistes et républicains.

Une remarque importante à ce sujet. L’union de la gauche s’est brisée sur le renoncement du PS au début des années 80. Mais nous ne sommes plus dans cette période, marquée par les difficultés puis l’effondrement de l’URSS, la contre-offensive du capitalisme et la vague libérale qui a submergé l’Europe et le monde depuis les années 70. D’une certaine façon, la gauche est arrivée au pouvoir en France en 1981 « à contretemps ». Ce n’est plus du tout la situation. Les peuples subissent les ravages des politiques ultra-libérales menées par les forces de droite, et accompagnées par le courant social-démocrate. Il y a des mobilisations, même si elles butent sur l’absence d’alternative. Il y a des inquiétudes, des aspirations et des attentes considérables. Beaucoup de contradictions nouvelles se développent, faisant naître des tensions au sein de l’électorat de gauche, et même dans les appareils politiques. C’est dans ce contexte très nouveau que nous devons réfléchir et agir.

- 6.2.Un rassemblement populaire puissant

Faire évoluer la situation à gauche implique de travailler à un rassemblement populaire susceptible de créer une dynamique politique et de faire bouger les lignes et les rapports de force. Rassemblement populaire, dans mon esprit, signifie que cette démarche doit réellement mettre en mouvement par dizaines voire par centaines de milliers des femmes et des hommes qui, dans les entreprises ou les quartiers populaires notamment, ne se retrouvent aujourd’hui dans aucun parti. C’est ce qui a manqué le plus cruellement en 2006.

Mais cette mise en mouvement est impossible, on en a fait l’expérience après 1984, si elle se réduit à l’idée de rassemblement « à la base » ; ou, comme on en a l’a vu avec les forums et espaces citoyens, si elle se limite à l’objectif de rassembler autour de nous. Et elle ne porte de dynamique puissante, comme on l’a constaté en 2005, que si elle porte un espoir concret, donc un objectif précis et atteignable.

L’idée de travailler à constituer tous les fronts possibles sur des objectifs précis me paraît aller dans ce sens. Ces fronts doivent s’enraciner concrètement dans l’engagement populaire : ce doit être le cœur de notre effort militant, donnant corps à l’idée force de « primauté au mouvement populaire ». Pour surmonter les obstacles que nous avons rencontrés, je crois qu’il faut :

- Faire vivre le « tous ensemble » à partir d’objectifs politiques précis. Les espaces que nous devons mettre en place partout où c’est possible doivent être ouverts à tous : hommes, femmes et forces organisées de progrès quelles qu’elles soient. Le seul critère du rassemblement doit être le contenu de l’objectif politique précis qui est sa raison d’être. Un exemple de réussite a été de ce point de vue le rassemblement pour le « non » ». Ou, de façon très différente, le lancement des comités pour la sécurité sociale. A contrario, le rassemblement antilibéral de 2006 a échoué parce qu’il n’y avait pas réellement d’objectif commun sur la question éminemment politique de la candidature à la présidentielle. Certains – ils l’ont reconnu a posteriori – poursuivaient par le choix de la candidature l’objectif délibéré de dépasser les partis, d’autres d’avoir une candidature non « marquée » politiquement – ce qui est impossible, ou, si c’est une candidature « inconnue », la garantie de l’échec –, d’autres encore d’en finir avec le Parti communiste, d’autres de se promouvoir eux-mêmes, etc. On peut dans un rassemblement chercher ensemble les réponses, mais le rassemblement finit toujours par exploser s’il n’y a pas au départ un accord véritable sur l’objectif politique essentiel.

- Assumer nos responsabilités de Parti. Dans un rassemblement citoyen et populaire, chaque idée, chaque proposition vaut pour ce qu’elle est. On en débat donc à égalité. On cherche à partir de là à construire des idées et des propositions communes pour les porter ensemble. Mais notre responsabilité de force politique est de prendre nos décisions en totale autonomie à partir de ce débat et de la situation politique concrète. S’il y avait eu en 2006 un vaste mouvement populaire pour une candidature non communiste, nous aurions dû en tenir compte. Cela n’a pas été le cas. Nous pouvons aussi, dans un objectif déterminé, passer des accords avec des forces représentatives. Mais il est définitivement à exclure de nous retrouver dans la situation, créée par notre signature de l’appel du 10 mai 2006, de donner à des personnalités très peu représentatives le pouvoir de sembler – contre toute réalité – constituer une majorité contre nous.

Un nouveau « Front populaire ». Quels que soient les mots pour le dire, il faut donner à cette démarche de rassemblements un objectif national qui puisse les faire converger. Si les rassemblements que nous travaillons à construire avec d’autres laissent hors de portée la question d’un changement d’orientation de la politique gouvernementale, il ne peut pas y avoir de mobilisation à la hauteur du problème posé. Les plus fortes luttes butent en France comme ailleurs sur la question d’un changement politique. Tout le monde sait que, faute de solution à ce problème, c’est-à-dire faute d’alternative politique, on ne peut que résister à reculons. Aucun rassemblement « ponctuel », même s’il est fort un moment, ne peut finalement échapper à la démobilisation qui en résulte. Il faut donc affirmer l’ambition que ces rassemblements puissent converger jusqu’à créer une dynamique nationale de changement. Et y travailler concrètement. En l’état, affirmer l’objectif d’un nouveau front populaire – je le répète, peu importe les mots pour le dire – me paraît adapté à la situation. Cela indique la volonté de travailler, comme ce fut le cas dans le passé, à une union des forces de gauche qui permet de viser la constitution d’une majorité politique autour d’un programme ; et la conviction que cela passe par une dynamique populaire sans laquelle ce projet n’aboutira pas.

Un front populaire jusqu’au niveau européen. Une initiative nationale ne suffit pas. Les peuples européens se trouvent confrontés à des enjeux auxquels aucun ne peut répondre seul. Mais l’Europe, qui devrait être un outil essentiel pour construire des solutions, est au contraire le principal problème.

Les traités imposent des choix ultralibéraux. Et surtout, tout est fait pour empêcher que s’organise une véritable confrontation politique sur des choix à l’échelle de l’Union. Même au moment des élections européennes, les débats sont portés de façon émiettée dans chaque pays. A aucun moment les peuples ne peuvent se prononcer pour une majorité et un projet européens. Le capital a fait de l’Union européenne un élément structurant du rapport de forces en sa faveur. Mais, malgré le développement de luttes européennes, les forces progressistes n’ont pas encore réussi à s’organiser efficacement à cette échelle. Pour chaque peuple, l’Europe est une « contrainte ». Une partie de la gauche s’y résigne. Une autre s’y épuise en vain. Le désarroi et la colère sont les seuls gagnants.

Bien que nous ayons beaucoup réévalué ces dernières années l’importance de l’enjeu européen, je crois que nous n’avons pas encore pris la mesure de l’importance qu’il y a à affronter le capital et la droite à cette échelle désormais décisive. C’est à mon avis un chaînon manquant de notre stratégie, sur lequel se brisent in fine tous nos efforts. Il nous faut donc faire de l’organisation de batailles idéologiques et politiques à l’échelle européenne une dimension centrale de nos efforts politiques. Et donc – car aucun objectif, comme aucun projet, ne peut être crédible et mobilisateur sans proposer aussi un chemin sérieux pour le réaliser – il nous faut décider d’une initiative politique de rassemblement à l’échelle européenne, susceptible de faire bouger les rapports de force sur des objectifs précis.

Le PGE existe. Il est récent et encore fragile. Mais il est un atout très important. Ne peut-on s’y appuyer pour aller plus loin ? Quels que soient là encore les mots à utiliser, qui doivent être discutés avec les forces qui pourraient y être intéressées, il nous faut faire la proposition et porter le projet d’un « front populaire européen ». Et concevoir nos efforts de rassemblements en France de façon cohérente avec cet objectif.

Ne pourrait-on explorer d’ici le congrès la possibilité et les conditions d’une telle initiative ? Nous pourrions alors proposer, avec d’autres forces politiques, de constituer dans chaque pays des listes réellement européennes, composées d’acteurs de la vie politique syndicale, associative, intellectuelle et culturelle de toute l’Europe, autour d’une plateforme de mesures précises (services publics, salaires, politiques énergétique, industrielle, de recherche, …) qui pourraient se traduire en projets de directives progressistes.

Il s’agit, j’en ai bien conscience, d’une initiative qui demandera beaucoup d’efforts et sans doute de temps. Mais peut-on faire autrement que de s’attaquer au verrou européen ? Et peut-on raisonnablement imaginer une autre voie que de travailler inlassablement à construire en Europe une majorité populaire de progrès pour un véritable changement ?

Faire de cette idée de front populaire l’horizon concret d’un nouvel internationalisme.

7. La question du communisme.

Je ne m’étendrais pas sur cette question. Je partage la réflexion de l’atelier sur le communisme que j’ai co-animé, et dont j’ai synthétisé le travail collectif dans le texte qu’ a été rendu public. J’ajoute une proposition. Il me semble nécessaire de montrer clairement que nous voulons désormais être porteur d’une nouvelle conception du communisme. Je ne pense pas que cela puisse utilement passer par le changement du nom du Parti, encore moins par celui du mot "communisme". En revanche, puisque nous avons supprimé la faucille et le marteau sans débat, je propose que nous reprenions sur des bases nouvelles cette très importante question du symbole qui nous identifie. Et que nous mettions en chantier l’élaboration d’un nouveau symbole, à porter sur nos drapeaux comme partout, et qui soit le produit d’un travail créatif articulant les deux idées de "communisme" et de "liberté".

8. Le Parti

Malgré les caricatures de certains, je ne suis pas de ceux qui se prononcent pour la liquidation ni la dilution du Parti. Heureusement qu’il existe ! Et je suis fier, même si notre collectif militant s’affaiblit, d’être adhérent d’un Parti qui ose encore se donner l’ambition de l’émancipation humaine. Et cela ne m’empêche nullement de considérer qu’il faut qu’émerge dans notre pays un rassemblement qui constitue, par sa dynamique, une force réelle capable de faire bouger les lignes.

Je ne suis pas pessimiste sur l’état du Parti. Si nous trouvons des réponses politiques efficaces aux problèmes que nous connaissons, nos efforts en direction de la jeunesse, des milieux populaires, des intellectuels – pour peu qu’on s’en donne les moyens – peuvent à nouveau permettre une véritable élargissement de nos effectifs et de notre rayonnement.

Il faut s’interroger sur le fonctionnement du Parti, en rapport avec les objectifs et la stratégie qu’il se donnera. Il faut rendre les directions plus efficaces. Il faut surtout tirer le bilan de l’expérience que nous avons tentée de « pluralisme de droit ». Certains, qui luttaient avec le plus grand acharnement contre le renoncement réel au centralisme démocratique, ont été les premiers à s’organiser effectivement en tendances. Comme l’a dit une camarade de l’atelier dans lequel j’ai travaillé à la rencontre nationale de Tours, on a tous les inconvénients des tendances ; mais faute de règles communes, on en a aucun des avantages.

Je ne crois absolument pas qu’il faille renoncer au pluralisme de droit. Je ne crois pas non plus qu’il faille accepter les tendances, même de fait, comme un mal inévitable. Il me semble que nous pouvons y réussir si nous explorons les moyens de mieux permettre l’expression des courants de pensée ou d’idées qui existent, là bien réellement, dans notre organisation. Par exemple, des débats structurés autour d’un rapport introductif long et des interventions « spots » de trois minutes poussent objectivement à l’organisation en tendances pour tenter de se faire entendre, au moins par répétitions. Nous avons sur la question du Parti de nombreux chantiers à ouvrir. Je suis persuadé que nous trouverons les réponses. En tout cas, je ne crois pas du tout que le Parti soit un problème : c’est une solution.

9. Se donner une très grande ambition

Je l’ai dit à propos du Parti, je le redis sur un plan général : je ne suis absolument pas pessimiste. Je suis lucide sur les difficultés, et même sur les dangers. L’inquiétude et la souffrance peuvent conduire les peuples sur de très mauvaises voies. Mais le monde nouveau dans lequel nous entrons ouvre aussi à l’humanité des possibilités inouïes. Malgré les grandes confusions, et même la pénombre inquiétante qui résultent de cette transition où, comme le disait Gramsci en substance « l’ancien tarde à mourir, et le neuf a du mal à naître », des millions de femmes et d’hommes, y compris dans notre pays, attendent beaucoup. Ils voient les risques et les possibles. Ce qui manque, c’est l’espoir mobilisateur qui peut mettre toutes ces énergies en mouvement.

Tout le monde sent que les recettes du passé sont devenues insuffisantes pour répondre aux enjeux de cette nouvelle époque. Tout le monde sent qu’il faut faire du neuf : l’idée de « rupture » fait florès à droite comme à gauche. A nous de relever le gant. Ouvrons les portes et les fenêtres. Ouvrons-nous nous-mêmes sur la société, ses potentialités énormes et ses attentes. La moindre n’est pas, de la part de chacun-e, l’aspiration démocratique à vouloir intervenir soi-même. Décidons, à partir d’une réflexion rigoureuse allant le plus au fond des choses qu’il est possible, de sortir des sentiers battus pour faire du neuf. Construisons avec toutes celles et tous ceux qui le veulent un véritable projet de civilisation, et le chemin de rassemblement populaire qui lui donnera sa force.

Nous pouvons, nous devons nous donner une très grande ambition.

 

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25 juin 2008 3 25 /06 /juin /2008 14:01

Entretien réalisé par Olivier Mayer et Jean-Paul Piérot
(paru dans l’Humanité du 23-06-2008)



La secrétaire nationale estime que le PCF doit sortir d’un positionnement « ni d’extrême gauche, uniquement contestataire, ni social-libéral » et prendre les initiatives pour que la gauche sorte de l’ornière.

 

L'Humanité: Dans le pays, le mécontentement s’accroît, les luttes sont nombreuses même si elles ne parviennent pas à contrer les réformes Sarkozy. Et la gauche semble aux abonnés absents. Avez-vous des propositions, des initiatives pour changer cette situation ?

Marie-George Buffet. En menant notre campagne « La bourse ou la vie », nous rencontrons beaucoup de colère chez les hommes et les femmes qui signent nos pétitions. Mais, j’ai pu le constater à plusieurs reprises cette semaine sur des marchés, nombreux sont ceux qui signent mais qui en même temps disent : « On n’y arrivera pas ». Certes, il ne faut pas sous-estimer la mobilisation sociale : 500 000 salariés et retraités dans la rue, on ne voit pas ça tous les matins. Là encore, il y a mobilisation et aussi de l’impatience face aux divisions syndicales… Mais ces mouvements ne prennent pas assez d’ampleur pour l’instant pour bouger le rapport de force et faire reculer le gouvernement. D’autant que la gauche paraît être aux abonnés absents. Le comité de liaison de la gauche n’a pas pu se réunir le 17 juin. Sur mon insistance notamment, il est convoqué à nouveau pour le 1er juillet. Dans cette situation, notre parti se doit de prendre des initiatives.

L'Humanité:Quelles initiatives ?

Marie-George Buffet. D’abord l’action : le 2 juillet, nous serons avec les salariés et les usagers de grands centres commerciaux pour parler salaires, pouvoir d’achat et faire signer les pétitions. Elles pourraient être portées en septembre en manifestation à l’Élysée. Le 4 juillet, nous allons prendre d’autres initiatives, je ne vous en dirai pas plus aujourd’hui mais nous voulons porter partout le débat sur l’argent, son utilisation.

Et puis, il y a urgence que le débat se lève à gauche. Sur l’état du monde et ses potentialités, l’Europe et son besoin de refondation ou sur le développement durable, la place du travail, le chemin des rassemblements nécessaires, les objectifs que devrait se donner la gauche… Nous avons de réelles divergences. Alors, poussons les débats ! Nous ne pouvons pas nous contenter de constater nos différences, la gauche a besoin de confrontations sur toutes les questions. J’espère que la réunion du comité de liaison décidera, au-delà des communiqués de riposte, de travailler à de véritables confrontations publiques sur ces questions, pour avancer. Parce que le principal obstacle à une mobilisation populaire forte contre la politique de Sarkozy, c’est l’absence de perspectives à gauche. Si nous ne faisons pas cela, droite et patronat ont de beaux jours devant eux.

Mais, l’expérience est là, rien n’avancera sans mobilisations citoyennes, aussi les communistes vont inviter les hommes et les femmes de gauche à se réunir dans leur localité ou leur entreprise pour en débattre. Je veux leur lancer un appel. Je sais, car ils ou elles me le disent, que certains se demandent comment porter aujourd’hui leur idéal de gauche. Nous n’avons pas eu le même itinéraire, mais faisons un bout de chemin ensemble. Utilisez le PCF. En respectant la personnalité et le parcours de chacun et chacune, nous pouvons faire bouger les choses ! Les communistes, nous voulons les voies efficaces pour changer, nous pouvons les construire ensemble !

L'Humanité:Ne pensez-vous pas qu’on a besoin de passer à une nouvelle étape pour que le mouvement social s’articule avec la politique ?

Marie-George Buffet. Bien sûr, le gouvernement a une tactique d’asphyxie. À l’Assemblée nationale, nous sortons du débat sur les institutions avec la présidentialisation à outrance, le bipartisme. Nous avons enchaîné avec le débat sur la modernisation de l’économie ; puis va tomber la loi sur le temps de travail et la représentativité syndicale ; on annonce, pour début juillet, le texte sur l’offre de travail « acceptable ».

Je veux, à ce propos, souligner le combat remarquable des parlementaires communistes et républicains. Sarkozy dit : « J’ai été élu pour ça, je le fais. » Les gens ont un sentiment d’impuissance. Le gouvernement bafoue les accords syndicaux et le président piétine la volonté des peuples - on l’a vu avec le « non » des Irlandais - de voir se lever une autre Europe. L’attaque est brutale, l’objectif clair : briser tout ce qui fait obstacle au tout-marchand. Face à cela, il est nécessaire que toutes les forces de progrès dépassent frontières et certitudes pour, sous des formes inédites, travailler aux rassemblements populaires sur des objectifs, des réformes aptes à gripper, puis à inverser les logiques destructrices en oeuvre aujourd’hui. C’est ce à quoi réfléchissent les communistes.

L'Humanité: C’est une façon de vous décoincer ? Vous semblez pris en tenaille entre un PS qui dérive à droite et la gauche radicale qui s’organise autour du parti d’Olivier Besancenot…

Marie-George Buffet. Depuis des années, et j’en porte une part de responsabilité, nous nous laissons enfermer dans le « ni-ni ». Ni contestation stérile d’extrême gauche, ni renoncement social-libéral. Pour en sortir, nous nous sommes adressés à toute la gauche. J’ai appelé à « révolutionner la gauche ». Nous avons sincèrement cherché des voies pour cela. Mais la situation actuelle le montre, modifier la situation à gauche exige une irruption des femmes et des hommes de gauche dans le débat. Je crois que nous, les communistes, pouvons et devons prendre les initiatives en ce sens pour que la gauche sorte de l’ornière. L’union, ce n’est pas l’effacement du Parti communiste français, c’est un Parti communiste qui agit, qui ouvre, qui répond à tout ce qui bouge et débat à gauche, qui est présent partout où on agit, où on lutte dans la durée pour bâtir des fronts, une majorité populaire, une majorité politique, sur la base de contenus audacieux.

L'Humanité: Est-ce que sortir du « ni-ni » ne pose pas la question du projet ?

Marie-George Buffet. Notre parti doit clairement dire à nos concitoyens quel est son objectif politique ; dit autrement, à quoi cela sert de lui donner des moyens et des responsabilités. C’est l’une des questions essentielles que nous aurons à travailler au congrès.

L'Humanité: Mais, dans les congrès précédents, vous parliez déjà du projet. Qu’y a-t-il de nouveau ?

Marie-George Buffet. Nous avons beaucoup travaillé sur notre projet ces dernières années. Sur des questions comme le travail, le développement durable, le féminisme, la place de l’individu, notre vision européenne, un nouvel internationalisme, nous avons fait des avancées considérables. Il faut encore travailler, bien sûr. Mais comment est-on perçu par notre peuple ? Que signifie être un parti révolutionnaire aujourd’hui ? Quels sont les possibles dans le monde actuel pour dépasser les logiques en place ? Quand on parle d’émeutes de la faim, quand se pose dans l’urgence la question de la diversification des ressources énergétiques… Quelles réponses porte notre espérance révolutionnaire ?

Dépasser le capitalisme ne relève pas que de mots, aussi beaux soient-ils ! Cela demande construction, prises de responsabilités, élaborations des grandes réformes nécessaires et de rapports de forces pour les faire vivre. Sommes-nous perçus comme ce parti-là, un parti qui veut travailler aux changements concrets qu’attendent dans l’immédiat les gens, prêt à participer à la gestion du pays, à la construction de l’Union européenne, pour proposer et mettre en oeuvre de grandes réformes qui vont concrètement changer la vie de nos concitoyens ?

L'Humanité: Mais quelles sont ces réformes ?

Marie-George Buffet. Une réforme institutionnelle pour donner plus de pouvoirs aux salariés et aux citoyens. Procéder aux réformes permettant de modifier l’utilisation de l’argent : dépenses et services publics, protection sociale, recherche, éducation et qualification, fiscalité au service du développement durable et de la relance industrielle… Il faut que les gens soient capables de dire : voilà les réformes que le Parti communiste veut conduire, avec d’autres, s’il participe à la gestion du pays.

L'Humanité: Quelle majorité pouvez-vous trouver pour conduire ces réformes ?

Marie-George Buffet. Cette majorité, aujourd’hui, si l’on regarde l’état réel des forces politiques de gauche, elle n’existe pas. Mais si on regarde les aspirations populaires, cette majorité peut se construire. À condition que l’on donne espoir avec des propositions fortes, crédibles, et que l’on mène ce débat à gauche. Il n’y a pas de coup de baguette magique à attendre et il ne faut pas compter sur des appels incantatoires. Il faut multiplier les initiatives, il y a urgence.

L'Humanité: Est-ce que le « non » irlandais valide votre analyse sur l’Europe libérale et permet de relancer quelque chose à ce sujet ?

Marie-George Buffet. Les tenants de l’Europe libérale nous ont fait perdre trois ans ! En 2005, on nous a dit qu’il n’y avait pas de plan B. Le traité de Lisbonne devait passer sans anicroche. Il y a un seul référendum et c’est le « non » qui l’emporte. Les dirigeants européens se retrouvent dans l’impasse. Lors de la réunion du Parti de la gauche européenne (PGE) la semaine passée à notre siège, j’ai fait la proposition de lancer, dès cet été, une campagne européenne pour un nouveau traité de refondation de l’Union européenne.

L'Humanité: Ce sera votre objectif pour les élections européennes de 2009 ?

Marie-George Buffet. Oui. On nous a privés de référendum. Les électrices et électeurs pourront utiliser cette élection pour dire l’Europe qu’ils veulent. Mais il faut commencer la bagarre pour le nouveau traité dès maintenant. Tout appelle à ce que nos listes soient à l’image de ce qui bouge en Europe. Notre projet doit donner à voir de cette Europe sociale et démocratique, résolument orientée vers le progrès que les peuples appellent de leurs voeux. Nous avons, dans le même mouvement, à combattre la politique menée en France et en Europe par la droite et avancer notre projet B.

L'Humanité: Cela veut dire des listes ouvertes à d’autres forces européennes ?

Marie-George Buffet. Nous allons en débattre, mais je pense que nos listes doivent être à l’image de cette Europe qui résiste et qui lutte.

L'Humanité: Vous avez parlé de « crise existentielle » du PCF. Y aura-t-il encore un Parti communiste après le congrès de décembre ?

Marie-George Buffet. Je ne suis pas la seule à en avoir parlé. Parce que les deux présidentielles, en 2002 et 2007, montrent que les idées de changement, telles que nous les représentons aujourd’hui, ont du mal à exister dans une élection nationale. Et le résultat intéressant aux élections municipales et cantonales, qui fait de nous la troisième force française, n’efface pas les grands défis auxquels nous sommes confrontés.

Faut-il un Parti communiste ? Je le pense. Mais je pose la question de sa transformation. Le Parti communiste représente pour moi un potentiel humain et politique indispensable au changement. Mais nous devons travailler à dépasser tout ce qui entrave l’action de ses adhérents et adhérentes et donc son efficacité, son dynamisme. Cela nous demande d’innover, d’oser.

L'Humanité: Il y a eu des critiques sur la préparation du congrès. Certains ont parlé de verrouillage. Êtes-vous satisfaite de la façon dont le débat se déroule ?

Marie-George Buffet. Vouloir verrouiller serait débile. D’abord parce que c’est impossible, et surtout ce serait suicidaire. Sans un grand débat, nous ne trouverons pas les ressources pour être ce parti moderne apte à changer la vie. Nous avons besoin de ce débat. Il ne faut pas verrouiller, il faut y entrer, dire ce qu’on a à dire. Je ne suis pas encore satisfaite. Nous avons tenu trois belles rencontres nationales, mais il y a encore trop de communistes qui n’ont pas encore eu la possibilité de s’impliquer dans le débat. Il s’agit de passer à une vitesse supérieure. Il faut plus de bouillonnement. Et il faut que les camarades qui ont une vision cohérente pour l’avenir le disent, participent au débat, viennent dans les réunions, écrivent. Il faut que toutes les idées, tous les projets, toutes les cohérences s’expriment.

L'Humanité: Vous êtes un parti de militants, avec un ancrage, un réseau d’élus important, et on ne vous regarde qu’à l’aune de l’élection présidentielle.

Marie-George Buffet.Oui, mais c’est vrai que la vie politique française est trop centrée sur l’élection présidentielle. Et cela va encore s’aggraver avec la réforme des institutions. C’est pourquoi d’ailleurs j’invite tous les parlementaires de gauche à s’y opposer le 21 juillet au Congrès de Versailles. Il faut donner à voir de la réalité du Parti communiste qui ne se limite pas à son score à l’élection présidentielle, mais il faut aussi relever le défi de cette échéance. Nous n’y échapperons pas. Est-ce que le Parti communiste apparaîtra comme apte à participer à des responsabilités au plus haut niveau de l’État, par la qualité de son projet, son aptitude à être des rassemblements utiles à cela ?

L'Humanité: Vous semblez moins affirmative qu’il y a quelques mois sur votre remplacement à la tête du Parti communiste. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Marie-George Buffet. Je crois qu’il faut un profond renouvellement de nos directions et je ne vois pas pourquoi, au niveau du secrétariat national, cette question ne se poserait pas. Je pense qu’il faut un souffle nouveau. Je souhaite ce renouvellement en créant toutes les conditions pour que le parti soit rassemblé, que la direction élue soit efficace pour mettre en oeuvre ce que les communistes décideront au congrès. C’est quelque chose qui se construit, qui demande du temps. Nous allons mettre en place la commission de transparence sur les candidatures, le 26 juin. Pour cette commission, il n’y aura pas de sujet tabou.

L'Humanité: Vous renouvelez cette année une université d’été…

Marie-George Buffet. En plus des initiatives de ripostes à Sarkozy, des rencontres de la gauche, de l’Europe et du congrès, nous allons tenir une université d’été avec un programme de débats extrêmement copieux. Et puis, nous engageons la bataille de la vignette pour préparer la Fête de l’Humanité. Je sais combien celle-ci compte pour l’existence du journal. Et la Fête de l’Humanité, c’est le lieu où se croisent et débattent toute la gauche et le mouvement social. Le monde qui lutte s’y retrouve, il ne faut pas manquer ce rendez-vous.

Des commentaires à cet interview sont visibles sur le site de l'Huma: Gauche : entretien avec M.-G. Buffet - l'Humanite

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23 juin 2008 1 23 /06 /juin /2008 23:28

Participer à « un nouveau courage » et maintenir contre vents et marées une hypothèse d’émancipation face à l’hégémonie capitaliste et à la volonté de fermeture conservatrice qui travaille le pays : voilà l’une des tâches politiques que s’assigne le philosophe Alain Badiou.

Disons le sans détours : le dernier livre d’Alain Badiou (1) est un antidote à l’anesthésie et à la sidération qui ont frappé les esprits depuis le 5 mai dernier. Le principal mérite de ce court essai, fruit d’un séminaire à l’ENS ? Reposer quelques repères clairs contre la « désorientation » dont le pouvoir a fait, avec le maintien délibéré d’un état de peur, l’une de ses principales armes politiques. Au plan collectif, comme au niveau intime, De quoi Sarkozy est-il le nom ? met en mot le malaise ressenti aujourd’hui par ceux qui restent attachés à un idéal d’émancipation humaine. Ce malaise, la seule figure de Sarkozy ne saurait, à elle seule, l’expliquer. Sarkozy est donc pris, ici, comme un symptôme. Sous sa forme ressurgit, suggère le philosophe, un « transcendantal pétainiste » dont la principale caractéristique est « le désir d’un maître qui vous protège » (des étrangers, de la mondialisation, des jeunes, etc.). Sarkozy, produit de la peur. Produit, aussi, d’une histoire française déchirée entre Révolution et contre-révolution, entre Résistance et collaboration, entre désir de liberté, d’égalité et rappels à l’ordre.

 

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui pour l’Humanité.

R.M: La dernière séance électorale s’est exclusivement jouée selon vous sur la mobilisation d’affects collectifs, avec d’un côté l’expression d’une peur « primitive » incarnée par Sarkozy, et de l’autre une peur de cette peur incarnée par Royal. Cette séquence achève d’ôter toute crédibilité à vos yeux à la démocratie parlementaire libérale. Mais alors, si ce système est mauvais, comment peut s’exprimer la souveraineté populaire ?

Alain Badiou : Je n’ai pas de réponse préétablie à cette question d’une nouvelle figure de la démocratie. Mais je crois nécessaire de revenir à la distinction classique entre démocratie formelle au niveau de l’État et démocratie de masse, du point de vue de l’exercice politique possible pour le peuple. L’exercice du pouvoir tel qu’il est organisé aujourd’hui laisse très peu d’espace à une démocratie véritable. Les déterminations économiques ont une telle pesanteur qu’elles sont, en définitive, hors de portée de la décision des électeurs. Nous devons donc nous demander comment un exercice démocratique authentique peut être possible aujourd’hui. Je n’ai pas de formule en ce qui concerne la question du pouvoir d’État. C’est une grande question héritée de tout le XXe siècle, à propos de laquelle les solutions communistes traditionnelles sont devenues intenables.

R.M: Cette question de l’État n’est-elle pas un point aveugle de l’hypothèse communiste ?

Alain Badiou : Oui, je le pense. Les solutions léninistes se sont montrées pertinentes sur un point particulier : celui de réussir l’insurrection, de prendre le pouvoir. Elles se sont avérées, en revanche, extraordinairement difficiles et finalement contre-productives au niveau de l’exercice du pouvoir. Nous en sommes là. Après tout, nous en sortons à peine.

Dans l’immédiat, les secteurs ouverts à une démocratie véritable sont à mon avis limités. Ils ne se situent pas au niveau du pouvoir d’État, mais au niveau la mobilisation populaire, de la tentative de résister à l’hégémonie du capitalisme libéral. Ce sont des moments limités et défensifs, mais c’est à partir d’eux qu’il faut reconstruire quelque chose. Quant à la formule du pouvoir d’État, nous devons accepter de dire que pour l’instant nous n’en avons pas. Nous n’avons pas d’alternative étatique claire. Le nom de cette alternative, dans le marxisme classique, était la « dictature du prolétariat ». Les formes qui s’en sont revendiquées ne reviendront pas, car leur expérience politique a été gravement négative. Lorsque j’insiste sur les inconséquences et sur le peu de réalité démocratique véritable du système parlementaire, cela ne signifie donc pas que je souhaite le retour aux formes anciennes de la dictature du prolétariat. Il s’agit simplement de souligner que le problème de l’État est un problème ouvert pour tous ceux qui conservent l’idée communiste.

R.M. : Vous pensez, comme le philosophe et sociologue Slavoj Zizek, que le destin du capitalisme est nécessairement dans une limitation des libertés, dans un contrôle généralisé des populations…

Alain Badiou : Je suis convaincu de ce point. Des mesures successives, sournoises, lentes, se déploient progressivement dans le temps, donnant corps à une législation de plus en plus répressive, à un consensus sécuritaire porteur de cette limitation des libertés. Nous ne sommes pas face à un coup d’État brutal, qui interrompt tout d’un coup les libertés, installe la police partout. C’est un processus qui affecte toutes les démocraties parlementaires occidentales. Des résistances locales significatives, qui portent l’espoir de l’avenir, existent. Mais pour l’instant il n’existe pas de contrepoids puissant à cette tendance lourde. Il est clair cependant que le capitalisme déchaîné dans lequel nous vivons ne porte pas de sens véritable. Les gens feront tôt ou tard l’expérience qu’il s’agit en définitive, sous couvert d’abondance et de prospérité économique, d’une dévastation de la vie humaine.

R.M.: « La réalité de la situation, c’est la guerre », dites-vous. Qu’entendez-vous par là ?

Alain Badiou : C’est d’abord la guerre extérieure. D’une manière ou d’une autre, Sarkozy va nous remettre sous le drapeau des guerres américaines. C’est certain. Et puis il y a la guerre contre les faibles, les pauvres, les ouvriers, les jeunes. On se méfie d’eux, on les encadre. Bientôt, on construira des murs pour isoler les centres-villes de la banlieue. Des check-points seront dressés à la gare du Nord. Vous verrez, nous y viendrons.

R.M : Quel est ce « transcendantal pétainiste » qui ressurgit aujourd’hui selon vous sous la forme de Sarkozy ?

Alain Badiou : Dans mon esprit, il s’agit là d’une analogie. Le « pétainisme » renvoie à une idée plus vaste que le seul régime de Vichy. Il a peut-être commencé en 1815, avec la contre-révolution française, au moment de la Restauration.

Aujourd’hui, la peur devant l’avenir, la peur des étrangers, des jeunes, du monde tel qu’il est, aboutit à une demande d’autorité qui mettrait le pays en quelque sorte à l’abri de l’histoire. La France malheureusement est travaillée par une volonté conservatrice profonde, par l’aspiration à une fermeture protectrice. Or une telle fermeture ne peut être obtenue que par des capitulations sur tous les projets politiques. De sorte que l’homme de « la rupture » est en réalité l’homme de la défensive et du repli. C’est lui l’homme du déclin. Du déclin spirituel, du déclin des projets. Rendre les riches plus riches, les pauvres, plus pauvres et exhorter les gens à travailler davantage s’ils veulent de l’argent, n’est pas autre chose qu’une régression manifeste.

R.M. : Vous parlez d’une « désorientation » généralisée. Comment s’articule-t-elle à ce que vous appelez, avec Lacan, le « service des biens » ?

Alain Badiou : C’est la clé de notre société. Le service des biens aujourd’hui, pour reprendre l’expression de Lacan, c’est le service du capitalisme libéral. Les biens sont produits, distribués dans le régime de l’économie de marché. Si l’on est au service du service des biens, c’est cela que l’on doit soutenir. Or, à mon sens, je le redis, ce capitalisme libéral ne fixe aucune orientation à l’existence collective. Le citoyen n’est que celui qui comparaît devant le marché. C’est le consommateur tel qu’il est défini par la circulation marchande. Par conséquent, notre société telle qu’elle est est hors d’état de se représenter son avenir collectif. Les gens eux-mêmes dans leur existence particulière sont hors d’état de construire de véritables projets en dehors de l’univers de la consommation et de l’accumulation. C’est cela la désorientation.

R.M. : Pourquoi, analysez-vous la volonté de « liquider l’héritage de mai 1968 » comme une volonté d’effacer jusqu’à la trace d’une politique d’émancipation possible ?

Alain Badiou : Il y a eu trois Mai 68 : un Mai 68 libertaire de libération des moeurs, un mai 68 de la grève classique et un Mai 68 habité par l’idée de réinventer la politique, de l’extraire de sa répétition pour trouver des formes nouvelles. Mai 68 a été entièrement animé dans toutes ses composantes par l’idée qu’une émancipation véritable de la vie humaine était possible. Quand Sarkozy veut « liquider Mai 68 », c’est avec cela qu’il veut en finir. Pour imposer l’idée selon laquelle les grandes lois de la société contemporaine, le capitalisme libéral, l’autorité de l’État, la sécurité, les lois répressives seraient le mouvement naturel des choses. Il s’agit là d’une nouvelle étape dans la construction d’un consensus réactionnaire véritablement installé.

R.M. : Résister consiste selon vous à « tenir des points » en se positionnant dans la durée, hors de l’ordre établi, du consensus réactionnaire, des règles capitalistes. Cette proposition ne relève-t-elle pas davantage d’une éthique individuelle ?

Alain Badiou : Je suis convaincu que l’on peut aussi résister, protester ou trouver une indépendance par rapport au consensus réactionnaire dans des secteurs qui ne relèvent pas immédiatement du mouvement collectif. Dans la manière de penser les formes artistiques, de pratiquer la vie amoureuse, il y a aussi des possibilités de résistance.

Mais prenons des points à mes yeux essentiels, comme la résistance à l’organisation générale du service des biens, l’attention à la question des ouvriers de provenance étrangère, la défense de la protection sociale ou des services publics. Pour tenir ces points dans la durée, il faut certainement des formes d’organisation collective nouvelles, qui impliquent une discussion ouverte, proprement politique.

R.M. : Le point essentiel pour vous tient dans cette affirmation selon laquelle « il y a un seul monde »… Pourquoi « l’ouvrier sans papiers » est-il chez vous une figure centrale ?

Alain Badiou : Les ouvriers sans-papiers sont emblématiques de l’existence de ce qui est présenté comme un autre monde, mais dont je soutiens que c’est le même. Dans l’inspiration originale du marxisme, il y a quelque chose de semblable. Pour les réactionnaires du XIXe siècle, les ouvriers représentaient la classe dangereuse, ils étaient considérés comme extérieurs à la société. Longtemps, eux aussi ont dû présenter « des papiers » : le livret ouvrier a existé pendant tout le XIXe siècle. Marx considérait ces ouvriers, dont les privilégiés niaient l’appartenance à la société, comme porteurs de l’avenir. C’étaient donc eux, en a-t-il conclu, qu’il fallait prioritairement organiser.

Dans notre société, les travailleurs les plus en bas, et parmi eux ceux qui ont cette caractéristique supplémentaire, venant d’ailleurs d’être persécutés à ce titre, sont de la même manière le symbole central de l’avenir.

R.M : Vous citez un très beau passage de la République, dans lequel Socrate imagine que l’étranger peut être le lieu de la réalisation d’une nouvelle possibilité.

Alain Badiou : L’idée selon laquelle une invention politique se fait toujours avec des gens et à partir de situations considérés comme extérieurs est très ancienne. Au fond, faire entrer à l’intérieur quelque chose qui est extérieur est un mouvement fondamental de toute création, en art comme en politique.

RM : En quoi consiste ce « courage », qui doit répondre selon vous au coup global qui nous donne aujourd’hui le sentiment d’avoir été assommés ?

Alain Badiou : Le courage consiste fondamentalement à tenir un point. Non seulement sur le moment même, mais dans la durée. C’est la question du temps. Une bonne partie de l’oppression contemporaine est une oppression sur le temps. Nous sommes contraints à un temps découpé, discontinu, dispersé, dans lequel la rapidité est un élément majeur. Ce temps n’est pas le temps du projet, mais celui de la consommation, du salariat. Le courage pourrait consister à essayer d’imposer une autre temporalité. À tenir des points contre vents et marées, dans une durée qui ne dépendra pas des critères du succès ou de l’échec imposés par le modèle de la société libérale.

R.M. : Vous analysez la période dans laquelle nous sommes comme une période « intervallaire » semblable à celle qui sépara la Commune de Paris de la révolution d’Octobre. Qu’est-ce qui caractérise une telle période ?

Alain Badiou : Après la Commune de Paris, le modèle d’organisation et d’action du mouvement ouvrier ne pouvait plus être le même parce qu’il n’avait pas abouti à la victoire de l’insurrection ouvrière. Après l’écrasement de la Commune, l’adversaire a profité longtemps de sa victoire. Ces grandes années de consensus, d’expansion du capitalisme furent aussi celles de l’expansion impériale, du colonialisme. Il en va de même aujourd’hui, après l’échec de la figure de l’État socialiste.

Nous sommes évidemment dans des conditions objectives extrêmement difficiles, car cet échec se paye très cher. Il relance la dynamique réactionnaire à grande échelle. C’est cela la période intervallaire. Elle donne, du point de vue de la théorie, des tâches nouvelles pour penser le monde, les formes d’organisation, la politique d’émancipation. Du point de vue pratique, ces périodes sont marquées par des luttes, sont principalement défensives. Mais il est très important de tenir, de ne pas se décourager.

R.M. : Vous êtes convaincu qu’il faudra à l’avenir faire exister l’hypothèse communiste sur un nouveau mode. Mais vous dites finalement peu de chose de la manière dont cette hypothèse devra se présenter.

Alain Badiou : J’aimerais pouvoir en dire plus. Pour l’instant, je soutiens qu’il faut affirmer sans peur que nous sommes dans le maintien de cette hypothèse. Il faut dire que l’hypothèse de l’émancipation, fondamentalement, reste l’hypothèse communiste. Ce premier point peut trouver des formes d’élaboration. Il faut comprendre ensuite qu’il s’agit là d’une idée au sens fort. Je propose de la travailler comme telle. Ce qui signifie que dans une situation concrète, conflictuelle, nous devons l’utiliser comme critère pour distinguer ce qui est homogène avec cette hypothèse égalitaire et ce qui ne l’est pas.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas en rester à la dispute de la période antérieure entre les tendances anarchisantes, qui valorisaient le mouvement pur, et les tendances plus traditionnellement organisatrices qui valorisaient le parti. Il faudra sans doute retenir quelque chose de ces deux tendances. Mais ce type de discussion n’est plus fécond.

La discipline des Partis communistes dans la période post-léniniste a rendu possible l’existence de partis-États, avec une organisation policière. Nous sortons d’une longue période où cette discipline a été poussée à son comble, où elle s’est muée en un autoritarisme calqué sur le pouvoir d’État. Ce qui dominait, ce n’était pas la confiance dans les gens, mais la méfiance à leur égard. Au contraire, nous devons inventer une discipline de la confiance. Ce n’est pas l’enthousiasme, la spontanéité créatrice du mouvement que j’aime et que je partage, mais qui ne suffit pas à créer la durée nouvelle dont nous avons besoin.

Les opprimés n’ont pas d’autre ressource que leur discipline. Quand vous n’avez rien, pas l’argent, pas d’armes, pas de pouvoir, vous n’avez pas grand-chose d’autre que votre unité. Notre question centrale est donc : quelle forme peut prendre une nouvelle discipline ? Du point de vue philosophique, je pense que c’est nécessairement une discipline de la vérité, une discipline du processus lui-même. Ce qui advient, ce qui se passe, doit être la loi commune pour cette discipline. Autrement dit, c’est le processus politique lui-même qui doit engendrer sa discipline. Finalement, il s’agit d’une fidélité. Au fond, le même problème est posé lorsque l’on s’interroge sur la discipline minimale qui fait qu’un couple amoureux tient le coup.

(1) De quoi Sarkozy est-il le nom ? Circonstances 4,

Nouvelles Éditions Lignes, 2007.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui

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22 juin 2008 7 22 /06 /juin /2008 15:39

« PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS UNISSEZ-VOUS ! »

(1847: Manifeste du Parti Communiste, Marx et Engels)

 

D’après Midi-Libre, Abdelkader CHORFI, représentant de la CFDT KP1, aurait été choqué que les communistes locaux aient apporté leur soutien à des salariés en lutte !

 

Merci pour cet hommage involontaire.

 

Les communistes sont le plus souvent des militants et animateurs syndicaux et savent combien il est difficile de faire « plier » le patronat d’une multinationale de la dimension de KP1 plus préoccupée de ses actionnaires que de ceux qui travaillent et produisent les richesses.

Notre force à tous c’est l’union pour gagner dans l’entreprise, dans le pays, l’Europe, le monde : TOUS ENSEMBLES.

Le P.C.F par nature défend la classe ouvrière, les salariés et leurs revendications dans une perspective de société plus juste. Il est de par sa composition naturellement solidaire des autres salariés en lutte où qu’ils soient : POUR UN MONDE MEILLEUR.

Campagne électorale ou pas l’exploitation continue, et les communistes, agissent aux côtés des travailleurs pour construire des rassemblements s’opposant à la division entre salariés du privé et ceux du public, salariés de France et ceux du monde, ceux qui ont un emploi et ceux qui en cherchent un : NOUS SOMMES TOUS DES EXPLOITES.

Les syndicats ont leur rôle irremplaçable et bénéfique : celui de porter et de gagner les revendications individuelles et collectives des travailleurs. Celui de protéger ceux-ci de l’agressivité sociale du patronat.

Le PCF, quant à lui, joue aussi son rôle quand il fait intervenir ses élus ou ses militants pour faire pression sur les chefs d’entreprise pour qu’ils ouvrent les négociations et entendent les aspirations du mouvement social.  Il a prouvé que son rôle est déterminant pour traduire les souhaits syndicaux et citoyens en textes législatifs : Sécurité sociale, statuts des fonctionnaires, loi dite Gayssot contre le racisme, loi M.G Buffet contre le dopage….

 

D’après Mr CHORFI la lutte pour l’amélioration du pouvoir d’achat n’est pas une démarche politique ! (Midi-Libre - édition du 18 juin 2008)

 

Pas politique l’amélioration du pouvoir d’achat ? Qui a dit « je serai le Président du pouvoir d’achat » ? Un syndicaliste ?

Certes, il n’a rien fait, sauf à améliorer le sien et celui de ses amis capitalistes (ça c’est politique !!!).

Mais qui, loi après loi, instaure des prélèvements additionnels sur les salaires ou des taxes supplémentaires comme les franchises médicales, sinon le pouvoir politique  Sarkozyste?

Qui par sa gouvernance à permis en 10 ans à ce que 10% des richesses produites par les salariés dans les entreprises aillent du salaire vers la rémunération des actionnaires, sinon le pouvoir politique  au service du capital?

Ne nous trompons pas de cible!

L’UMP (ou la classe ouvrière est quasiment absente) et les défenseurs du capitalisme rêvent de salariés dociles, pas syndiqués, pas politisés. Avec le relais des médias du fric, ils veulent accréditer l’idée que seule une élite aurait les capacités de s’occuper de politique c'est-à-dire décider de ce que doit être notre vie de tous les jours !

Les communistes avec leur parti s’opposent à cette vision antidémocratique et appellent tous les travailleurs au contraire à s’emparer de la vie politique, à s’y engager pour prolonger leurs luttes syndicales dans les instances politiques.

 

 

Avec le PCF, les communistes revendiquent par exemple :

 

-   le SMIC à 1500€ net, et sa traduction sur la grille des salaires pour payer la qualification et les responsabilités dans une échelle de 1 à 5,

-  l’instauration d’une véritable citoyenneté dans l’entreprise avec des droits nouveaux aux salariés, notamment au travers des comités d’entreprise,

- l’instauration d’un système emploi/formation permettant un parcours professionnel sécurisé,

-   le maintien des 35 h et la généralisation à tous les salariés ( au contraire de Sarkozy qui en ratifiant le « mini-traité » européen autorise les semaines pouvant aller jusqu’à de 65h de travail !)

 

et ils proposent en même temps comment financer ces mesures par la taxation des profits et une meilleure répartition des richesses.

 

 

Pour l’avenir et améliorer notre sort de travailleurs subissant l’exploitation capitaliste, celle des fonds de pension exigeant toujours plus de dividendes au détriment des salaires et des conditions de travail, il est indispensable d’avoir des élus politiques issus en particulier du monde du travail qui de la mairie au gouvernement agissent pour défendre nos intérêts de salariés et les rapports de forces exprimés au travers des luttes syndicales et des engagements politiques.

 

Ce n’est, de notre avis de communistes, qu’en étant bien sur nos deux pieds : le syndical et le politique que la lutte de classe s’exprimera avec efficacité en  faveur des travailleurs de ce pays.

 

Les mémoires militantes sont là pour le montrer. Les grandes avancées sociales sont du Front Populaire à nos jours la traduction de la convergence des luttes syndicales et de majorités politiques clairement anticapitalistes.

 

Le Parti Communiste Français, ses adhérents sont de ceux-là !

 

C’est dans l’union politique et syndicale

et non dans la division

que la classe ouvrière gagnera !

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20 juin 2008 5 20 /06 /juin /2008 16:43






(Photo Vaucluse-Matin)











Il aura fallu 9 jours à KP1 Pujaut, une semaine de plus dans les usines de Bédarieux et de Grigny  pour que la direction accepte enfin de discuter et finisse par accorder:
  • Augmentation de 95€ brut a été obtenue  alors que la revendication portait sur 100€ brut. Une manière comme une autre pour la direction de ne pas reconnaître qu'elle a du capituler! Ce genre d'attitude ne grandit pas le patronat et ne contribue pas à des rapports sereins! Ergoter pour 5€ quand on connaît le niveau des dividendes servies aux actionnaires et leur progression d'une année sur l'autre....
  • Augmentation de la prime de transport de 7€,
  • Possibilité de prendre 5 semaines de congés simultanées pour les salariés dont la famille est éloignée maintenue,
  • Retenue des 9 jours de grève étalée sur 9 mois,
Mais au-delà de cet aspect essentiel d'augmentation des salaires et d'amélioration des conditions de travail, motif de l'action menée par l'intersyndicale CGT-CFTC-CFDT, c'est aussi la prise de conscience, dans la lutte, que les salariés à KP1 comme partout en France lorsqu'ils sont unis peuvent arracher des acquis sociaux.
Ces 9 journées de grève dans une entreprise qui n'a pas connu de luttes depuis 2000 ont aussi été un moment de fraternité ouvrière qui tissent des liens de camaraderie et qui font que demain dans cette entreprise l'état d'esprit sera plus solidaire et fraternel.

 
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18 juin 2008 3 18 /06 /juin /2008 00:20

Sauver le service public audiovisuel

Des moyens pour le développer

Les salariés de l'audiovisuel public sont dans la rue aujourd'hui, inquiets mais déterminés. Ils ont raison et le Parti Communiste est avec eux.

Assez d'hypocrisie ! Derrière les beaux discours sur la télévision publique, les intentions véritables du gouvernement apparaissent au grand jour. Il prépare la vente à la découpe de FR3 ou la privatisation des chaînes pour renforcer la concentration des moyens audiovisuels et d'information dans les mains de groupes privés « faiseurs d'opinion ». Le service public est en danger, son périmètre et ses ressources.

 


 II faut mettre en échec ce projet

« Moi quand on me confie une mission, je ne recule jamais, je ne renonce jamais. » a déclaré Copé. Les préconisations de la commission Copé en matière de « contenus » et de « gouvernance » font craindre le pire. Et rappelle que Sarkozy lorsqu'il n'était que candidat, avait déjà la Trois en ligne de mire.

D'un côté, elles organisent le renflouement des profits des chaînes privées par le volume publicitaire qui n'ira plus sur le service public et par la deuxième coupure publicitaire des films. De l'autre, elles réduisent les capacités du service public en ne compensant pas les pertes de recettes sans tenir compte des besoins nouveaux de productions liés aux créneaux horaire dégagés, sans tenir compte non plus des besoins de développements technologiques et de créations.

Déjà les directions de France Télévisions se félicitent de leur mercato télévisuel et de leur nouvelles recrues, issues du privé pur jus. Bonjour la différence!

Et il faut une grande réforme de l'audiovisuel public en France.

Pour étendre et garantir son financement, pour qu'il puisse produire des programmes de qualité, être un soutien réel à la création, mailler étroitement l'ensemble de notre territoire pour être au plus près de l'information locale, du terrain mais également réunir les moyens pour le rayonnement de toutes les cultures portées notamment par la francophonie. Il faut enfin lui donner les moyens de prendre le virage technologique du numérique, de l'Internet et de la TNT c'est à dire de la diversification des canaux de diffusion de ses programmes. Il est nécessaire de développer un réel pluralisme dans les médias. C'est à dire une télévision publique où on entendrait les sans voix autant que les puissant, une télévision s'adressant à l'intelligence, au désir de chacun et non à ses pulsions, une télévision de l'éveil, qui ne confondrait plus vulgarité et distraction, élitisme et culture. Ces défis sont essentiels et urgents. Ils appellent un effort budgétaire significatif et donc de revisiter les modes de financement.

Refinancer l'audiovisuel public

Les communistes font la proposition d'aller vers la suppression de la publicité sur le service public. C'est un choix de société, un choix profond,, mais aussi un levier pour permettre aux chaînes publiques de sortir de la logique infernale dans laquelle elles se trouvent embarquées, faute de moyens : une course à l'audimat qui les a progressivement conduites à adopter les mêmes méthodes, les mêmes types de programmes que ceux des chaînes privées, s'écartant de leurs missions de service public pour faire la place au populisme de rigueur.

Faire ce choix sérieusement suppose des modes de financements sérieux à l'issue d'un débat qui engage les personnels et au-delà, la nation toute entière. C'est dans cet état d'esprit que Marie-George Buffet a déposé à l'Assemblée Nationale, et au nom du groupe Communiste, une résolution visant à la création d'une commission d'enquête sur le financement de l'audiovisuel public permettant sa pérennité et son développement.

Le PCF avance deux pistes

  • La redevance audiovisuelle doit être confirmée comme principale ressource et être augmenté globalement. Pour ne pas pénaliser le pouvoir d'achat des ménages, nous proposons qu'elle soit modulée en fonction des revenus des foyers.
  • Une taxation à hauteur 5% de l'ensemble du chiffre d'affaire de la publicité, y compris le hors média, au bénéfice des médias publics, de l'AFP et du tiers secteur.

Ces deux mesures, dont les conditions de mise en oeuvre doivent faire l'objet d'un grand débat national, permettront non seulement d'aller vers la suppression de la publicité sur les antennes publiques mais également de dégager des marges nouvelles pour assurer le développement d'un véritable pôle public des médias, qui rassemblerait les chaînes et radios publiques, des moyens de production et de diffusion, mais également l'AFP et l'INA. Elles s'accompagnent d'une volonté de réduction de la publicité sur les chaînes privées et particulièrement sa suppression pour les émissions enfantines.

Mais parce qu'un financement public intégral ne doit pas s'accompagner d'un retour à l'ORTF, ce sont aussi de nouvelles formes de gestion qu'il faut inventer. Il faut démocratiser le fonctionnement du service public, en mettant un terme aux nominations « politiques » relayées par le CSA et en construisant les formes de gouvernance associant les salariés et les usages du service public. Nous proposons d'un Conseil Supérieur des médias associant élus, professionnels et citoyens.

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16 juin 2008 1 16 /06 /juin /2008 23:23
    Les causes de l’effroyable tragédie de la famine qui touche un milliard d’individus sur notre planète ne sont pas techniques.

    Elles sont avant tout politiques. C’est parce que, dans ce monde capitaliste, on a fait passer le droit de faire des affaires, le droit commercial avant le droit de manger à sa faim, que nous en sommes là. Telle est la question fondamentale. Ne pas l’aborder, c’est laisser perpétrer ce crime quotidien contre l’humanité. Un certain nombre de ceux qui ont commencé à déverser un flot de bonnes paroles avec des trémolos dans la voix à la conférence mondiale pour l’alimenta­tion sont directement responsables de la montée du fléau de la famine.

Nous les accusons d’avoir sciemment organisé la pénurie alimentaire pour les besoins de la spéculation et pour permettre aux États Unis de détenir l’arme alimentaire.

    La mise en friche de bonnes terres, les réductions de productions, les destruc­tions orchestrées de stocks alimentaires ont bien été décidées par les instances de l’Union Européenne, de concert avec les dirigeants nord-américains et les institu­tions internationales. En même temps, ils ont obligé les paysans des pays du Sud à abandonner leur agriculture vivrière pour produire des cultures d’exporta­tion afin que leur pays puisse rembour­ser leur dette toujours grossie de taux d’intérêt exorbitants. Non contents d’organiser cette pénurie relative, les requins de la finance, échaudés par la crise du marché immobilier, se sont jetés dans la spéculation sur les denrées ali­mentaires et toutes les matières premiè­res.

C’est cela q
ui conduit à l’actuelle flambée des prix.

    Pour aboutir à des engagements précis et un calendrier pour résorber la famine, il faudrait dire sans ambiguïté que la fonc­tion de production des denrées ali­mentaires est une mission d’intérêt public. Elle ne peut donc être inscrite dans les tables de la loi du marché capi­taliste. Elle doit reconnaître l’indispen­sable souveraineté alimentaire des peu­ples. La conclusion logique d’une telle orientation serait la sortie de l’agricul­ture et de l’alimentation des obscurs marchandages internationaux de l’Orga­nisation mondiale du commerce.

    Dans le même mouvement, la politique agricole européenne devrait être totale­ment refondée sur la base d’une rénova­tion du principe de préférence commu­nautaire agricole, combinée avec le lan­cement d’un vaste programme de coo­pération avec les pays du Sud pour les aider à acquérir leur autonomie agricole et alimentaire. Elle pourrait être le fer de lance d’une révolution agricole mon­diale. L’annulation de la dette des pays en difficulté, l’interdiction de la spécula­tion sur les matières premières agricoles sont impératives. Sarkozy propose le contraire. Pire :  il appelle les “ fonds souverains ” à investir dans l’agriculture parce qu’ils y trouveraient selon lui “ un intérêt financier ” !

    Au même moment, on apprend que le Congrès américain adopte une nouvelle loi agricole portant les subventions publiques aux grands fermiers US à 290 milliards de dollars. Il faudrait 30 mil­liards de dollars par an pour éradiquer la famine. La guerre en Irak va coûter 3 000 milliards. Il faut maintenant dire : ça suffit, et engager une vaste mobilisa­tion mondiale pour faire vivre un vérita­ble droit à l’alimentation pour toutes et tous.

    Un tel objectif va de pair avec de nou­velles initiatives internationales, auda­cieuses, pour la préservation de la pla­nète et du climat. Ne pas le faire revien­drait à placer le monde et le genre humain dans une situation dangereuse.
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16 juin 2008 1 16 /06 /juin /2008 23:09
 Il ne s’en est pas vanté. Sarkozy a signé à Bruxelles un abandon d’une incroyable gravité en admettant tous les débordements possibles du temps de travail.

    Avec lui, l’Europe ne va pas de l’avant ; elle enclenche la marche arrière sociale. Sarkozy s’avère non plus simplement conservateur mais réactionnaire.

    Désor­mais, si vous n’avez pas les moyens de dire non à votre employeur, si les huis­siers ou les ASSEDIC vous pressent,  vous pourrez être obligé de travailler 65 heures et même 78 par semaine du moment que vous aurez “ bénéficié ” de 11 heures consécutives de non-travail par 24 heures.

    Ce n’est plus métro-boulot-dodo, le dernier terme disparaît dans cette furie ultralibérale. Margaret Thatcher le réclamait, Tony Blair le demandait, Chirac le refusait, Sarkozy l’a signé, trahissant au passage les pays comme l’Espagne, la Belgique ou Chypre qui refusaient cette régression sociale au côté de la France.

    Quel numéro d’hypocrisie que les recti­fications cauteleuses de Xavier Bertrand, après les sorties de Patrick Devedjian ! Au moins le secrétaire général de l’UMP disait-il tout haut ce que son maître our­dissait tout bas. La brutalité de cette mesure, qui nous replonge vers les ténè­bres sociales du XIXe siècle, dessine à traits précis le projet de civilisation qui sous-tend toute l’action du pouvoir.

    Alors que la présidence de Bush se ter­mine dans la débandade, que les ravages infligés à la planète réclament que les biens communs de l’humanité soient sanctuarisés, que les famines reviennent en cortège à la suite des spéculations les plus débridées sur les matières premières vitales, la droite française persiste et signe en faveur d’un capitalisme débar­rassé de tous les garde-fous sociaux. Voilà ce que Sarkozy entendait quand il proclamait vouloir “ liquider l’héritage de 68 ”.

Il nous promet la même histoire sans fin, des actionnaires libres de tout imposer au monde au gré de leurs inté­rêts, libres de leurs mouvements, dispo­sant des salariés comme de pions dans leur Monopoly géant, brûlant au fil de leurs profits les ressources de la planète. Bienvenue dans le meilleur des mondes ! Entrez dans la présidence française de l’Union européenne !

    La mobilisation syndicale prévue pour le 17 juin acquiert de la sorte une nouvelle dimension. Il s’agit, bien entendu, de contrer l’opération de déréglementation – bien française celle-là – qui supprime­rait la référence aux 35 heures. Ce com­bat pour maintenir la durée du travail – approuvé par huit Français sur dix, selon un sondage des Échos – rejoint les pré­occupations de tous les salariés euro­péens.

    La fiction d’un coq gaulois tous ergots dehors pour défendre un mode de vie passéiste fait désormais long feu. Le paysage social et demain politique, il faut l’espérer, oppose les salariés euro­péens aux multinationales et à ceux qui mettent l’État à leur service.

    Ce tableau dessine aussi un horizon pour les progressistes de notre continent. Rien à voir avec les exercices de surplace où l’un se rallie au libéralisme, où l’autre rêve de Tony Blair tandis que le dernier gère avec zèle l’ordre financier mondial.
    La brutalité du capitalisme requiert des transformations profondes de la société et le rassemblement le plus large pour y parvenir.

Une idée neuve de l’Europe, une idée neuve pour l’Europe.

 

 
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16 juin 2008 1 16 /06 /juin /2008 13:08

Section Vallée du Rhône

9, rue Villeneuve

30200 BAGNOLS SUR CEZE      

06 87 52 35 30

 

 

 

Le 16 juin 2008

 

 

 

Objet : Conflit KP1

 

 

Communiqué

 

 

Les salariés de KP1 entament leur deuxième semaine de grève.

 

L'entreprise, présentée comme un modèle de dialogue social lors de la récente visite du Président Sarkozy, affiche son vrai visage dans ce conflit.

 

Nombreux sont les citoyens qui s'interrogent sur l'acharnement de cette direction qui refuse de recevoir les Délégués du Personnel.

 

Les Communistes de la Vallée du Rhône demandent l’ouverture de négociations pour répondre aux légitimes revendications de ces salariés soumis à des conditions de travail d'un autre âge.

 

  • 100€ d’augmentation de salaire,
  • L’intégration des primes dans le salaire,
  • La possibilité  pour les salariés étrangers de prendre leurs congés en continu,
  • L'amélioration des conditions de travail.

 

Les aspirations des salariés de KP1 sont justes, fondées et nécessaires pour une répartition équitable des fruits de leur travail.

 

Nous leur apportons notre entière solidarité et serons en manifestation à leur côté et au côté de centaines de milliers de salariés du privé et du public, actifs et retraités ce  mardi 17 juin pour une société solidaire, moderne, prenant en compte les besoins en matière de pouvoir d'achat, de retraite, de temps de travail.

 

 

 

 

 

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15 juin 2008 7 15 /06 /juin /2008 00:16

Maintenant, il faut entendre la voix des peuples !

 

La victoire du Non en Irlande est une bonne nouvelle pour tous les peuples européens et pour l'Union européenne.

 

Le choix du peuple irlandais est un choix de courage et de
lucidité. Malgré les pressions immenses qui rappellent celles
qui avaient pesé en 2005 sur les Français et les Néerlandais,
il a su par son vote rejeter la mise en concurrence effrénée
des salariés, la pression sur les dépenses publiques et les
salaires, le sacrifice des services publics, la militarisation de
l'Union européenne.               

Un Non à l'Europe libérale

Ce Non est d'abord un non au libéralisme qui inspire toutes les décisions de la commission européenne. Ainsi de son projet de porter jusqu'à 65 heures la durée légale du travail, de ses exhortations à toujours plus privatiser, toujours plus réduire les services publics et à assécher les mécanismes de solidarité nationale que sont les systèmes de santé et de retraites.

Décidément, les peuples ne veulent pas de cette Europe là.

Toutes ces dernières années, dès que la possibilité a été offerte aux peuples européens de se prononcer sur le destin de l'Europe, ils ont dit non, à partir de leur expérience, à ce que leur proposaient ses dirigeants actuels. Va-t-on enfin en tirer les conséquences ?

Il faut réorienter la construction européenne.

En Irlande, le slogan des opposants au traité était clair : «Dites non à ce traité pour un traité meilleur ». C'est désormais la question à l'ordre du jour.

Le traité de Lisbonne ne doit pas être ratifié. Nicolas Sarkozy doit prendre ses responsabilité et dire clairement que le traité de Lisbonne est désormais caduc.

Beaucoup de temps a été perdu, notamment depuis 2005. Il faut arrêter de
traiter cette question par des contorsions juridiques et ne plus tenter d'obtenir
par la bande ce que les peuples rejettent. Il faut les écouter et ouvrir, en
France et dans l'Union, un grand débat pour un nouveau traité qui répondent
enfin à leurs. aspirations.                                                                                                                       „,

Les propositions du Parti communiste français

La présidence française qui s'ouvre dans quelques jours doit proposer d'arrêter le processus de ratification et d'engager l'élaboration d'un nouveau traité fondateur de l'Union européenne sur de tout autres bases et dans de tout autres formes, rompant avec celles qui la conduisent de crise en crise.

Ce nouveau traité devrait répondre enfin aux défis de la mondialisation capitaliste et jeter les bases :

   d'une nouvelle politique économique et financière, s'attaquant au dumping social, modifiant les missions d'institutions comme la Banque Centrale Européenne (BCE) et transformant le pacte de stabilité en pacte de croissance et d'emploi ;

   d'une nouvelle politique d'harmonisation sociale et des salaires par le
haut, garantissant de nouveaux droits comme la mise en œuvre d'un
salaire minimum européen ;                                                                                                                   - -

   d'une démocratisation profonde des institutions européennes avec de nouveaux droits pour les citoyens de l'Union et pour le parlement européen, notamment son élection à la proportionnelle ;

   d'une Europe accueillante, ouverte au monde, qui établisse des liens de coopération et de solidarité avec les peuples du monde et qui ne soumet pas ses décisions de sécurité à l'OTAN.

Il faut que ce travail permette d'entendre enfin la voix des peuples, qu'il s'ouvre à la vie réelle, à la participation active des citoyens européens. Le non Mandais est porteur de la promesse d'un nouvel avenir pour l'Europe.

 

Engageons-nous dans cette voie !

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