Le poète Louis Aragon est mort en 1982 : cela fait donc 30 ans. C’est dans le cadre de cette commémoration-anniversaire qu’une série d’hommages lui est rendue. Disparu un 24 décembre c’est donc le dernier trimestre de 2012 qui va voir se succéder les spectacles. Ce samedi 29 septembre à la maison Elsa-Triolet-Aragon à Saint Arnoult-en-Yvelines le coup d’envoi de plusieurs dates a été donné avec une soirée de lectures exceptionnelles qui a réuni les comédiens Didier Bezace et Denis Podalydès suivies par un concert de Bernard Lavilliers. D’autres manifestations de ce genre se dérouleront à la maison Elsa-Triolet-Aragon jusqu’à la date anniversaire de la mort de Louis le 24 décembre.
Notre territoire, le Gard Rhodanien, participe lui aussi à cette année « Louis Aragon » en ce mois d’octobre. Chronologiquement c’est l’association « les amis d’Albert André » qui associe les deux amis « George Besson et Louis Aragon » dans une soirée autour de la peinture à la médiathèque de Laudun le vendredi 5 octobre à 20 h 30. Le groupe « ça ira » bien connu dans le secteur jouera « celui qui dit les choses sans rien dire », un très joli texte de Louis Aragon sur la peinture de Marc Chagall mis en musique par Tonio Bastaroli avant la présentation d'une biographie du critique d'art et collectionneur George Besson.
A Bagnols sur Cèze c’est le service culture de la municipalité qui fait venir la chanteuse Isabelle Aubret le dimanche 28 octobre à 15 heures au centre culturel Léo Lagrange. La célèbre artiste interprètera donc Louis Aragon et Jean Ferrat.
Nous ne pouvons que nous féliciter que le Gard Rhodanien participe à l’hommage rendu au poète qui fut engagé aux côtés des Communistes. On se souviendra que Louis Aragon séjourna pendant la seconde guerre mondiale avec Elsa Triolet à Villeneuve-les-Avignon chez leur ami éditeur Pierre Seghers. Au moins deux textes littéraires reviennent sur cet événement. Elsa Triolet dans le roman « les amants d’Avignon », écrit à cette époque évoque la Résistance.
« Le médecin de Villeneuve » poème de Louis Aragon décrit la chasse aux Juifs dans Villeneuve-lès-Avignon en août 1942. Deux textes qui, dans notre contexte politique actuel résonnent toujours avec beaucoup de force.
Voilà donc deux dates à cocher dans son calendrier du mois d’octobre pour se souvenir de la poésie de Louis Aragon.
Ci-dessous le texte de Louis Aragon "Le médecin de Villeneuve"
Dans ce pays de fenêtres étranges
Il fait trop nuit pour qu'un sanglot dérange
Les jardins clos qui sont des coeurs murés
Tout est de pierre et tout démesuré
Dans ce pays de fenêtres étranges
La lune est restée au détour des toits
Où le Moyen-Age étoilé chatoie
De tous les côtés des tours et des tours
Sauf un rayon pris au puits dans la cour
La lune est restée au détour des toits
Il règne ici la paix cardinalice
Aux cils des volets une pourpre glisse
Porche complice enfer désaffecté
Un chapeau s'écorche au balcon sculpté
Il règne ici la paix cardinalice
Sommeil de l'homme énorme panoplie
Enfin le ciel est couleur de l'oubli
Toute mémoire y perd son abeillage
Celui qui rêve immobile voyage
Sommeil de l'homme énorme panoplie
Qui frappe à la porte au noir du silence
Il se lève un vent de la violence
Sur la ville un vol de coquecigrues
Traque des fuyards à travers les rues
Qui frappe à la porte au noir du silence
Docteur docteur ouvrez votre maison
Le souffle me faut me feint la raison
Ouvrez que j'entre et me donnez asile
Je reprendrai le bâton de l'exil
Docteur docteur plus au pied des autels
Celle-ci qui croit son heure venue
Court à la croisée et folle mi-nue
Crie à minuit Mon amour au revoir
Et boit la mort qu'elle craint recevoir
Celle-ci qui croit son heure venue
D'autres sont partis courir la campagne
Vignes où la peur leurs pas accompagne
Laissant la chaleur de cendres des draps
Avec leurs petits serrés dans leurs bras
D'autres sont partis courir la campagne
Ouvrez la porte et me sauvez la vie
A votre seuil les monstres m'ont suivi
Qu'il faisait beau ce soir à la Chartreuse
Vous qui reposez dans l'alcôve heureuse
Ouvrez la porte et me sauvez la vie
Le deuxième étage allume une braise
La lumière éveille un spectre de chaise
On a remué dans l'appartement
Un enfant gémit se tourne en dormant
Le deuxième étage allume une braise
Sur la colline obscure aux pins bronzés
Afin de mieux l'ombre dramatiser
Chante un oiseau commme aux vers de Pétrarque
Et comme alors l'amant grave ses marques
Sur la colline aux pins bronzés
Cette complainte une autre recommence
D'une autre peste et d'une peine immense
Et non d'amour mais de meurtre et de sang
Miroir ancien d'un malheur renaissant
Cette complainte une autre recommence
C'était hier le temps des Pastoureaux
Le temps qui passe embellit le bourreau
La pierre fend à force de bourrasques
A chaque siècle il suffit sa tarasque
C'était hier le temps des Pastoureaux
Dans ce pays de fenêtres étranges
Il fait trop nuit pour qu'un sanglot dérange
Les jardins clos qui sont des coeurs murés
Tout est de pierre et tout démesuré
Dans ce pays de fenêtres étranges.
Louis Aragon "en français dans le texte" (1941-1942)