Samedi 2 Avril, au travers de toute la France, à l'appel d'un Front de plus cent organisations syndicales, politiques, associatives, les personnels de santé ont manifesté leur colère face au démantèlement du service public de la santé. Bagnols n'a pas été en dehors de cette journée de lutte notamment à l'appel de l'union locale CGT auquel bien évidemment notre section gard Rhodanien du PCF s'est associé. ( voir vidéo)
Ci aprés quelques éléments de réflexion sur les raisons de cette journée de mobilisation. Nous reviendrons dans un autre article sur les propositions du PCF pour l"élaboration du "programme partagé" du Front de Gauche en vue des échéances électotales de 2012: législatives indissociables de la présidentielle tant le rôle du législateur sera essentiele donc de la majorité qui votera les textes pour un changement de société clairement anticapitaliste.!
Partenariat public-privé, regroupement d’activités, externalisation de services… Atteint du syndrome de la rentabilité, le système de santé public est en voie de privatisation.
«Il n’y a pas de privatisation de la santé », déclarait en 2009 Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé. Tout semble pourtant prouver le contraire. Les dernières réformes (plan hôpital 2007 et la loi HPST) ont mis en place une série de mesures qui remettent en cause le secteur public hospitalier. L’alignement des tarifs entre le public et le privé, les contrats de partenariat public-privé (PPP) ou les exigences de rentabilité avec l’introduction de pratiques managériales pour un « hôpital entreprise » sont autant de signes d’une rupture avec les valeurs qui fondent les missions de l’hôpital public. Dernier en date, un amendement à la loi Fourcade qui facilite l’attribution des missions de service public aux cliniques commerciales. Pas vraiment étonnant quand on sait que les rapports publics, dont sont issues ces réformes de l’hôpital engagées depuis 2003, ont tous été rédigés, pour partie au moins, par des personnalités ayant des liens avec le secteur privé. On ne s’étonnera donc pas qu’ils glorifient la « performance » et « l’efficience », en appelant à l’accélération des « restructurations », mot venant lui-même de l’économie industrielle.
LE BLOC OPÉRATOIRE DE L’HÔPITAL FERME À 18 H 30.
Le cas du centre hospitalier de Melun, en Seine-et-Marne, est emblématique de ce nouveau système. Depuis juin 2009, le bloc opératoire de l’hôpital est fermé dès 18 h 30. De fait, les malades qui déclenchent des complications en fin d’après midi, de même que les patients arrivés aux urgences, sont envoyés dans un autre établissement. Ou parfois, situation ubuesque, « ils sont opérés à la maternité lorsque leur cas est jugé vital, à condition que le bloc soit libre », regrette Fabienne Bézio, secrétaire de la CGT de l’hôpital de Melun, dénonçant une décision prise pour « alléger les charges », sachant « que tout a été fait pour le fermer ». « Cette fermeture du bloc chirurgical met en péril la vie des patients et affaiblit l’hô pital », s’insurge un médecin, qui préfère garder l’anonymat en raison des « pressions exercées sur le personnel ». En 2008, on comptait six chirurgiens viscéraux pour seulement deux aujourd’hui. Et depuis 2010, l’établissement a perdu son agrément pour la cancérologie chirurgicale. La radiothérapie, qui faisait l’objet d’un groupement public-privé, va sans doute être cédée dans sa totalité à une clinique privée courant 2011. Et d’après la CGT, le bloc chirurgical pourrait fermer ses portes en septembre prochain. « En cinq ans, l’offre de soins s’est notablement réduite sur Melun », résume Laurent Tsakiris, gastro-entérologue au centre hospitalier.
LE PRIVÉ SE PARTAGE LA PART DU GÂTEAU LA PLUS GROSSE.
Les personnels auraient pu espérer que cette hémorragie s’arrête avec la création d’un nouvel hôpital sur Melun, si le projet ne prévoyait pas de confier à un partenaire privé l’ensemble des opérations chirurgicales planifiées. L’agence régionale de santé (ARS) a en effet demandé, en 2010, la réunion des trois cliniques de Melun et de l’hôpital sur le même site. Le projet est sans ambiguïté :« Le privé se partage la part du gâteau la plus grosse et la plus rentable », résume Fabienne Bézio. Selon la CGT, la structure même du bloc opératoire serait confiée au privé, ce qui conduirait l’hôpital à louer les services du bloc. La maternité resterait dans le giron public et les urgences seraient partagées entre les deux entités. « Vu la situation, l’hôpital de Melun est contraint de négocier rapidement avec un secteur privé devenu très fort », déplore Laurent Tsakiris, dans une lettre adressée au professeur André Grimaldi, fer de lance du mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP). « Le projet qui va être conclu va offrir à un groupe privé des millions d’euros de financement public mais également des conditions de fonctionnement complètement déséquilibrées dans le cadre du système de tarification actuel, qui privilégie les séjours courts et programmés et les actes techniques. Le secteur privé restant libre de choisir ses patients et d’effectuer ses actes programmés (chirurgie) ou rentables (cardiologie interventionnelle, cancérologie). Le secteur public assurant la médecine, la psychiatrie, les urgences, la réanimation », explique le médecin. « On ne fait pas la même activité. Nous, on s’occupe des cas les plus lourds… Mais c’est là toute la stratégie de démembrement du service public », renchérit son collègue anonyme. Cette répartition des activités parfaitement inégale, et la volonté affichée de considérer l’offre de soins globalement, publique ou privée, risque d’aboutir à moyenne échéance à maintenir les hôpitaux publics en déficit chronique, avec comme seule variable d’ajustement le personnel paramédical et médical. Autant de motifs qui seront au coeur de la journée de défense de la santé, le 2 avril.
Le hold-up des cliniques
Introduction en Bourse, OPA, fusions, acquisitions… Une fraction du secteur de l’hospitalisation est entrée dans l’ère de la finance.
Sur les 45 millions de personnes hospitalisées chaque année, l’hôpital public en prend en charge 57 %, les cliniques privées, 34 %. Même si l’hôpital public domine, la France est néanmoins le pays d’Europe où la part de marché du secteur commercial est la plus élevée. Notre pays attire de nombreux investisseurs : la Générale de santé, premier groupe européen, est ainsi dotée de capitaux majoritairement italiens ; le groupe Vitalia, qui a acquis 46 cliniques en deux ans, appartient au fonds de pension Blackstone, lui-même détenu à 10 % par l’État chinois ! Capio (26 établissements) est détenu par des fonds américains et européens tandis que Médi-Partenaires (22 cliniques) appartient à des investisseurs britanniques. Chez Vedici, c’est l’international Apax qui tient les cordons de la Bourse. Quel intérêt pour ces organismes plutôt habitués au CAC 40 qu’aux salles d’attente ? Tous ces groupes misent sur les réseaux pour réaliser des économies immédiates allant jusqu’à 3,5 %. Ainsi, le taux de rendement des capitaux investis dans les cliniques a bondi de 10,8 % en 2004 à 15,7 % en 2010. Et la Générale de santé, cotée en Bourse, a pu reverser 420 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires en 2006. Peu de marchés permettent d’obtenir cette rentabilité. D’autant que l’investissement s’annonce durable : on vit de plus en plus vieux, donc on est de plus en plus malade… Qui plus est, la situation est entérinée par les politiques de santé. « Ce sont les mesures de privatisation, mises en place par les ministres de la Santé successifs, qui ont permis aux tenants du capital financier de s’emparer du système de santé initialement solidaire », explique Frédéric Pierru, sociologue de la santé. Néanmoins, depuis quelques années, le taux de rentabilité des cliniques s’érode du fait des limites à la rationalisation industrielle de la pratique médicale et de la stagnation des « parts de marché » concentrées sur la chirurgie programmable et les soins facilement standardisables. La hausse de leur chiffre d’affaires n’a été que (!) de 4,4 % en 2007 et 3,5 % en 2008, après une croissance de 6,7 % en 2006 et 8,7 % en 2005.
Article de ALEXANDRA CHAIGNON paru dans l'Humanité du 31 mars 2011.