Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 juin 2008 3 25 /06 /juin /2008 14:01

Entretien réalisé par Olivier Mayer et Jean-Paul Piérot
(paru dans l’Humanité du 23-06-2008)



La secrétaire nationale estime que le PCF doit sortir d’un positionnement « ni d’extrême gauche, uniquement contestataire, ni social-libéral » et prendre les initiatives pour que la gauche sorte de l’ornière.

 

L'Humanité: Dans le pays, le mécontentement s’accroît, les luttes sont nombreuses même si elles ne parviennent pas à contrer les réformes Sarkozy. Et la gauche semble aux abonnés absents. Avez-vous des propositions, des initiatives pour changer cette situation ?

Marie-George Buffet. En menant notre campagne « La bourse ou la vie », nous rencontrons beaucoup de colère chez les hommes et les femmes qui signent nos pétitions. Mais, j’ai pu le constater à plusieurs reprises cette semaine sur des marchés, nombreux sont ceux qui signent mais qui en même temps disent : « On n’y arrivera pas ». Certes, il ne faut pas sous-estimer la mobilisation sociale : 500 000 salariés et retraités dans la rue, on ne voit pas ça tous les matins. Là encore, il y a mobilisation et aussi de l’impatience face aux divisions syndicales… Mais ces mouvements ne prennent pas assez d’ampleur pour l’instant pour bouger le rapport de force et faire reculer le gouvernement. D’autant que la gauche paraît être aux abonnés absents. Le comité de liaison de la gauche n’a pas pu se réunir le 17 juin. Sur mon insistance notamment, il est convoqué à nouveau pour le 1er juillet. Dans cette situation, notre parti se doit de prendre des initiatives.

L'Humanité:Quelles initiatives ?

Marie-George Buffet. D’abord l’action : le 2 juillet, nous serons avec les salariés et les usagers de grands centres commerciaux pour parler salaires, pouvoir d’achat et faire signer les pétitions. Elles pourraient être portées en septembre en manifestation à l’Élysée. Le 4 juillet, nous allons prendre d’autres initiatives, je ne vous en dirai pas plus aujourd’hui mais nous voulons porter partout le débat sur l’argent, son utilisation.

Et puis, il y a urgence que le débat se lève à gauche. Sur l’état du monde et ses potentialités, l’Europe et son besoin de refondation ou sur le développement durable, la place du travail, le chemin des rassemblements nécessaires, les objectifs que devrait se donner la gauche… Nous avons de réelles divergences. Alors, poussons les débats ! Nous ne pouvons pas nous contenter de constater nos différences, la gauche a besoin de confrontations sur toutes les questions. J’espère que la réunion du comité de liaison décidera, au-delà des communiqués de riposte, de travailler à de véritables confrontations publiques sur ces questions, pour avancer. Parce que le principal obstacle à une mobilisation populaire forte contre la politique de Sarkozy, c’est l’absence de perspectives à gauche. Si nous ne faisons pas cela, droite et patronat ont de beaux jours devant eux.

Mais, l’expérience est là, rien n’avancera sans mobilisations citoyennes, aussi les communistes vont inviter les hommes et les femmes de gauche à se réunir dans leur localité ou leur entreprise pour en débattre. Je veux leur lancer un appel. Je sais, car ils ou elles me le disent, que certains se demandent comment porter aujourd’hui leur idéal de gauche. Nous n’avons pas eu le même itinéraire, mais faisons un bout de chemin ensemble. Utilisez le PCF. En respectant la personnalité et le parcours de chacun et chacune, nous pouvons faire bouger les choses ! Les communistes, nous voulons les voies efficaces pour changer, nous pouvons les construire ensemble !

L'Humanité:Ne pensez-vous pas qu’on a besoin de passer à une nouvelle étape pour que le mouvement social s’articule avec la politique ?

Marie-George Buffet. Bien sûr, le gouvernement a une tactique d’asphyxie. À l’Assemblée nationale, nous sortons du débat sur les institutions avec la présidentialisation à outrance, le bipartisme. Nous avons enchaîné avec le débat sur la modernisation de l’économie ; puis va tomber la loi sur le temps de travail et la représentativité syndicale ; on annonce, pour début juillet, le texte sur l’offre de travail « acceptable ».

Je veux, à ce propos, souligner le combat remarquable des parlementaires communistes et républicains. Sarkozy dit : « J’ai été élu pour ça, je le fais. » Les gens ont un sentiment d’impuissance. Le gouvernement bafoue les accords syndicaux et le président piétine la volonté des peuples - on l’a vu avec le « non » des Irlandais - de voir se lever une autre Europe. L’attaque est brutale, l’objectif clair : briser tout ce qui fait obstacle au tout-marchand. Face à cela, il est nécessaire que toutes les forces de progrès dépassent frontières et certitudes pour, sous des formes inédites, travailler aux rassemblements populaires sur des objectifs, des réformes aptes à gripper, puis à inverser les logiques destructrices en oeuvre aujourd’hui. C’est ce à quoi réfléchissent les communistes.

L'Humanité: C’est une façon de vous décoincer ? Vous semblez pris en tenaille entre un PS qui dérive à droite et la gauche radicale qui s’organise autour du parti d’Olivier Besancenot…

Marie-George Buffet. Depuis des années, et j’en porte une part de responsabilité, nous nous laissons enfermer dans le « ni-ni ». Ni contestation stérile d’extrême gauche, ni renoncement social-libéral. Pour en sortir, nous nous sommes adressés à toute la gauche. J’ai appelé à « révolutionner la gauche ». Nous avons sincèrement cherché des voies pour cela. Mais la situation actuelle le montre, modifier la situation à gauche exige une irruption des femmes et des hommes de gauche dans le débat. Je crois que nous, les communistes, pouvons et devons prendre les initiatives en ce sens pour que la gauche sorte de l’ornière. L’union, ce n’est pas l’effacement du Parti communiste français, c’est un Parti communiste qui agit, qui ouvre, qui répond à tout ce qui bouge et débat à gauche, qui est présent partout où on agit, où on lutte dans la durée pour bâtir des fronts, une majorité populaire, une majorité politique, sur la base de contenus audacieux.

L'Humanité: Est-ce que sortir du « ni-ni » ne pose pas la question du projet ?

Marie-George Buffet. Notre parti doit clairement dire à nos concitoyens quel est son objectif politique ; dit autrement, à quoi cela sert de lui donner des moyens et des responsabilités. C’est l’une des questions essentielles que nous aurons à travailler au congrès.

L'Humanité: Mais, dans les congrès précédents, vous parliez déjà du projet. Qu’y a-t-il de nouveau ?

Marie-George Buffet. Nous avons beaucoup travaillé sur notre projet ces dernières années. Sur des questions comme le travail, le développement durable, le féminisme, la place de l’individu, notre vision européenne, un nouvel internationalisme, nous avons fait des avancées considérables. Il faut encore travailler, bien sûr. Mais comment est-on perçu par notre peuple ? Que signifie être un parti révolutionnaire aujourd’hui ? Quels sont les possibles dans le monde actuel pour dépasser les logiques en place ? Quand on parle d’émeutes de la faim, quand se pose dans l’urgence la question de la diversification des ressources énergétiques… Quelles réponses porte notre espérance révolutionnaire ?

Dépasser le capitalisme ne relève pas que de mots, aussi beaux soient-ils ! Cela demande construction, prises de responsabilités, élaborations des grandes réformes nécessaires et de rapports de forces pour les faire vivre. Sommes-nous perçus comme ce parti-là, un parti qui veut travailler aux changements concrets qu’attendent dans l’immédiat les gens, prêt à participer à la gestion du pays, à la construction de l’Union européenne, pour proposer et mettre en oeuvre de grandes réformes qui vont concrètement changer la vie de nos concitoyens ?

L'Humanité: Mais quelles sont ces réformes ?

Marie-George Buffet. Une réforme institutionnelle pour donner plus de pouvoirs aux salariés et aux citoyens. Procéder aux réformes permettant de modifier l’utilisation de l’argent : dépenses et services publics, protection sociale, recherche, éducation et qualification, fiscalité au service du développement durable et de la relance industrielle… Il faut que les gens soient capables de dire : voilà les réformes que le Parti communiste veut conduire, avec d’autres, s’il participe à la gestion du pays.

L'Humanité: Quelle majorité pouvez-vous trouver pour conduire ces réformes ?

Marie-George Buffet. Cette majorité, aujourd’hui, si l’on regarde l’état réel des forces politiques de gauche, elle n’existe pas. Mais si on regarde les aspirations populaires, cette majorité peut se construire. À condition que l’on donne espoir avec des propositions fortes, crédibles, et que l’on mène ce débat à gauche. Il n’y a pas de coup de baguette magique à attendre et il ne faut pas compter sur des appels incantatoires. Il faut multiplier les initiatives, il y a urgence.

L'Humanité: Est-ce que le « non » irlandais valide votre analyse sur l’Europe libérale et permet de relancer quelque chose à ce sujet ?

Marie-George Buffet. Les tenants de l’Europe libérale nous ont fait perdre trois ans ! En 2005, on nous a dit qu’il n’y avait pas de plan B. Le traité de Lisbonne devait passer sans anicroche. Il y a un seul référendum et c’est le « non » qui l’emporte. Les dirigeants européens se retrouvent dans l’impasse. Lors de la réunion du Parti de la gauche européenne (PGE) la semaine passée à notre siège, j’ai fait la proposition de lancer, dès cet été, une campagne européenne pour un nouveau traité de refondation de l’Union européenne.

L'Humanité: Ce sera votre objectif pour les élections européennes de 2009 ?

Marie-George Buffet. Oui. On nous a privés de référendum. Les électrices et électeurs pourront utiliser cette élection pour dire l’Europe qu’ils veulent. Mais il faut commencer la bagarre pour le nouveau traité dès maintenant. Tout appelle à ce que nos listes soient à l’image de ce qui bouge en Europe. Notre projet doit donner à voir de cette Europe sociale et démocratique, résolument orientée vers le progrès que les peuples appellent de leurs voeux. Nous avons, dans le même mouvement, à combattre la politique menée en France et en Europe par la droite et avancer notre projet B.

L'Humanité: Cela veut dire des listes ouvertes à d’autres forces européennes ?

Marie-George Buffet. Nous allons en débattre, mais je pense que nos listes doivent être à l’image de cette Europe qui résiste et qui lutte.

L'Humanité: Vous avez parlé de « crise existentielle » du PCF. Y aura-t-il encore un Parti communiste après le congrès de décembre ?

Marie-George Buffet. Je ne suis pas la seule à en avoir parlé. Parce que les deux présidentielles, en 2002 et 2007, montrent que les idées de changement, telles que nous les représentons aujourd’hui, ont du mal à exister dans une élection nationale. Et le résultat intéressant aux élections municipales et cantonales, qui fait de nous la troisième force française, n’efface pas les grands défis auxquels nous sommes confrontés.

Faut-il un Parti communiste ? Je le pense. Mais je pose la question de sa transformation. Le Parti communiste représente pour moi un potentiel humain et politique indispensable au changement. Mais nous devons travailler à dépasser tout ce qui entrave l’action de ses adhérents et adhérentes et donc son efficacité, son dynamisme. Cela nous demande d’innover, d’oser.

L'Humanité: Il y a eu des critiques sur la préparation du congrès. Certains ont parlé de verrouillage. Êtes-vous satisfaite de la façon dont le débat se déroule ?

Marie-George Buffet. Vouloir verrouiller serait débile. D’abord parce que c’est impossible, et surtout ce serait suicidaire. Sans un grand débat, nous ne trouverons pas les ressources pour être ce parti moderne apte à changer la vie. Nous avons besoin de ce débat. Il ne faut pas verrouiller, il faut y entrer, dire ce qu’on a à dire. Je ne suis pas encore satisfaite. Nous avons tenu trois belles rencontres nationales, mais il y a encore trop de communistes qui n’ont pas encore eu la possibilité de s’impliquer dans le débat. Il s’agit de passer à une vitesse supérieure. Il faut plus de bouillonnement. Et il faut que les camarades qui ont une vision cohérente pour l’avenir le disent, participent au débat, viennent dans les réunions, écrivent. Il faut que toutes les idées, tous les projets, toutes les cohérences s’expriment.

L'Humanité: Vous êtes un parti de militants, avec un ancrage, un réseau d’élus important, et on ne vous regarde qu’à l’aune de l’élection présidentielle.

Marie-George Buffet.Oui, mais c’est vrai que la vie politique française est trop centrée sur l’élection présidentielle. Et cela va encore s’aggraver avec la réforme des institutions. C’est pourquoi d’ailleurs j’invite tous les parlementaires de gauche à s’y opposer le 21 juillet au Congrès de Versailles. Il faut donner à voir de la réalité du Parti communiste qui ne se limite pas à son score à l’élection présidentielle, mais il faut aussi relever le défi de cette échéance. Nous n’y échapperons pas. Est-ce que le Parti communiste apparaîtra comme apte à participer à des responsabilités au plus haut niveau de l’État, par la qualité de son projet, son aptitude à être des rassemblements utiles à cela ?

L'Humanité: Vous semblez moins affirmative qu’il y a quelques mois sur votre remplacement à la tête du Parti communiste. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Marie-George Buffet. Je crois qu’il faut un profond renouvellement de nos directions et je ne vois pas pourquoi, au niveau du secrétariat national, cette question ne se poserait pas. Je pense qu’il faut un souffle nouveau. Je souhaite ce renouvellement en créant toutes les conditions pour que le parti soit rassemblé, que la direction élue soit efficace pour mettre en oeuvre ce que les communistes décideront au congrès. C’est quelque chose qui se construit, qui demande du temps. Nous allons mettre en place la commission de transparence sur les candidatures, le 26 juin. Pour cette commission, il n’y aura pas de sujet tabou.

L'Humanité: Vous renouvelez cette année une université d’été…

Marie-George Buffet. En plus des initiatives de ripostes à Sarkozy, des rencontres de la gauche, de l’Europe et du congrès, nous allons tenir une université d’été avec un programme de débats extrêmement copieux. Et puis, nous engageons la bataille de la vignette pour préparer la Fête de l’Humanité. Je sais combien celle-ci compte pour l’existence du journal. Et la Fête de l’Humanité, c’est le lieu où se croisent et débattent toute la gauche et le mouvement social. Le monde qui lutte s’y retrouve, il ne faut pas manquer ce rendez-vous.

Des commentaires à cet interview sont visibles sur le site de l'Huma: Gauche : entretien avec M.-G. Buffet - l'Humanite

Repost0
23 juin 2008 1 23 /06 /juin /2008 23:28

Participer à « un nouveau courage » et maintenir contre vents et marées une hypothèse d’émancipation face à l’hégémonie capitaliste et à la volonté de fermeture conservatrice qui travaille le pays : voilà l’une des tâches politiques que s’assigne le philosophe Alain Badiou.

Disons le sans détours : le dernier livre d’Alain Badiou (1) est un antidote à l’anesthésie et à la sidération qui ont frappé les esprits depuis le 5 mai dernier. Le principal mérite de ce court essai, fruit d’un séminaire à l’ENS ? Reposer quelques repères clairs contre la « désorientation » dont le pouvoir a fait, avec le maintien délibéré d’un état de peur, l’une de ses principales armes politiques. Au plan collectif, comme au niveau intime, De quoi Sarkozy est-il le nom ? met en mot le malaise ressenti aujourd’hui par ceux qui restent attachés à un idéal d’émancipation humaine. Ce malaise, la seule figure de Sarkozy ne saurait, à elle seule, l’expliquer. Sarkozy est donc pris, ici, comme un symptôme. Sous sa forme ressurgit, suggère le philosophe, un « transcendantal pétainiste » dont la principale caractéristique est « le désir d’un maître qui vous protège » (des étrangers, de la mondialisation, des jeunes, etc.). Sarkozy, produit de la peur. Produit, aussi, d’une histoire française déchirée entre Révolution et contre-révolution, entre Résistance et collaboration, entre désir de liberté, d’égalité et rappels à l’ordre.

 

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui pour l’Humanité.

R.M: La dernière séance électorale s’est exclusivement jouée selon vous sur la mobilisation d’affects collectifs, avec d’un côté l’expression d’une peur « primitive » incarnée par Sarkozy, et de l’autre une peur de cette peur incarnée par Royal. Cette séquence achève d’ôter toute crédibilité à vos yeux à la démocratie parlementaire libérale. Mais alors, si ce système est mauvais, comment peut s’exprimer la souveraineté populaire ?

Alain Badiou : Je n’ai pas de réponse préétablie à cette question d’une nouvelle figure de la démocratie. Mais je crois nécessaire de revenir à la distinction classique entre démocratie formelle au niveau de l’État et démocratie de masse, du point de vue de l’exercice politique possible pour le peuple. L’exercice du pouvoir tel qu’il est organisé aujourd’hui laisse très peu d’espace à une démocratie véritable. Les déterminations économiques ont une telle pesanteur qu’elles sont, en définitive, hors de portée de la décision des électeurs. Nous devons donc nous demander comment un exercice démocratique authentique peut être possible aujourd’hui. Je n’ai pas de formule en ce qui concerne la question du pouvoir d’État. C’est une grande question héritée de tout le XXe siècle, à propos de laquelle les solutions communistes traditionnelles sont devenues intenables.

R.M: Cette question de l’État n’est-elle pas un point aveugle de l’hypothèse communiste ?

Alain Badiou : Oui, je le pense. Les solutions léninistes se sont montrées pertinentes sur un point particulier : celui de réussir l’insurrection, de prendre le pouvoir. Elles se sont avérées, en revanche, extraordinairement difficiles et finalement contre-productives au niveau de l’exercice du pouvoir. Nous en sommes là. Après tout, nous en sortons à peine.

Dans l’immédiat, les secteurs ouverts à une démocratie véritable sont à mon avis limités. Ils ne se situent pas au niveau du pouvoir d’État, mais au niveau la mobilisation populaire, de la tentative de résister à l’hégémonie du capitalisme libéral. Ce sont des moments limités et défensifs, mais c’est à partir d’eux qu’il faut reconstruire quelque chose. Quant à la formule du pouvoir d’État, nous devons accepter de dire que pour l’instant nous n’en avons pas. Nous n’avons pas d’alternative étatique claire. Le nom de cette alternative, dans le marxisme classique, était la « dictature du prolétariat ». Les formes qui s’en sont revendiquées ne reviendront pas, car leur expérience politique a été gravement négative. Lorsque j’insiste sur les inconséquences et sur le peu de réalité démocratique véritable du système parlementaire, cela ne signifie donc pas que je souhaite le retour aux formes anciennes de la dictature du prolétariat. Il s’agit simplement de souligner que le problème de l’État est un problème ouvert pour tous ceux qui conservent l’idée communiste.

R.M. : Vous pensez, comme le philosophe et sociologue Slavoj Zizek, que le destin du capitalisme est nécessairement dans une limitation des libertés, dans un contrôle généralisé des populations…

Alain Badiou : Je suis convaincu de ce point. Des mesures successives, sournoises, lentes, se déploient progressivement dans le temps, donnant corps à une législation de plus en plus répressive, à un consensus sécuritaire porteur de cette limitation des libertés. Nous ne sommes pas face à un coup d’État brutal, qui interrompt tout d’un coup les libertés, installe la police partout. C’est un processus qui affecte toutes les démocraties parlementaires occidentales. Des résistances locales significatives, qui portent l’espoir de l’avenir, existent. Mais pour l’instant il n’existe pas de contrepoids puissant à cette tendance lourde. Il est clair cependant que le capitalisme déchaîné dans lequel nous vivons ne porte pas de sens véritable. Les gens feront tôt ou tard l’expérience qu’il s’agit en définitive, sous couvert d’abondance et de prospérité économique, d’une dévastation de la vie humaine.

R.M.: « La réalité de la situation, c’est la guerre », dites-vous. Qu’entendez-vous par là ?

Alain Badiou : C’est d’abord la guerre extérieure. D’une manière ou d’une autre, Sarkozy va nous remettre sous le drapeau des guerres américaines. C’est certain. Et puis il y a la guerre contre les faibles, les pauvres, les ouvriers, les jeunes. On se méfie d’eux, on les encadre. Bientôt, on construira des murs pour isoler les centres-villes de la banlieue. Des check-points seront dressés à la gare du Nord. Vous verrez, nous y viendrons.

R.M : Quel est ce « transcendantal pétainiste » qui ressurgit aujourd’hui selon vous sous la forme de Sarkozy ?

Alain Badiou : Dans mon esprit, il s’agit là d’une analogie. Le « pétainisme » renvoie à une idée plus vaste que le seul régime de Vichy. Il a peut-être commencé en 1815, avec la contre-révolution française, au moment de la Restauration.

Aujourd’hui, la peur devant l’avenir, la peur des étrangers, des jeunes, du monde tel qu’il est, aboutit à une demande d’autorité qui mettrait le pays en quelque sorte à l’abri de l’histoire. La France malheureusement est travaillée par une volonté conservatrice profonde, par l’aspiration à une fermeture protectrice. Or une telle fermeture ne peut être obtenue que par des capitulations sur tous les projets politiques. De sorte que l’homme de « la rupture » est en réalité l’homme de la défensive et du repli. C’est lui l’homme du déclin. Du déclin spirituel, du déclin des projets. Rendre les riches plus riches, les pauvres, plus pauvres et exhorter les gens à travailler davantage s’ils veulent de l’argent, n’est pas autre chose qu’une régression manifeste.

R.M. : Vous parlez d’une « désorientation » généralisée. Comment s’articule-t-elle à ce que vous appelez, avec Lacan, le « service des biens » ?

Alain Badiou : C’est la clé de notre société. Le service des biens aujourd’hui, pour reprendre l’expression de Lacan, c’est le service du capitalisme libéral. Les biens sont produits, distribués dans le régime de l’économie de marché. Si l’on est au service du service des biens, c’est cela que l’on doit soutenir. Or, à mon sens, je le redis, ce capitalisme libéral ne fixe aucune orientation à l’existence collective. Le citoyen n’est que celui qui comparaît devant le marché. C’est le consommateur tel qu’il est défini par la circulation marchande. Par conséquent, notre société telle qu’elle est est hors d’état de se représenter son avenir collectif. Les gens eux-mêmes dans leur existence particulière sont hors d’état de construire de véritables projets en dehors de l’univers de la consommation et de l’accumulation. C’est cela la désorientation.

R.M. : Pourquoi, analysez-vous la volonté de « liquider l’héritage de mai 1968 » comme une volonté d’effacer jusqu’à la trace d’une politique d’émancipation possible ?

Alain Badiou : Il y a eu trois Mai 68 : un Mai 68 libertaire de libération des moeurs, un mai 68 de la grève classique et un Mai 68 habité par l’idée de réinventer la politique, de l’extraire de sa répétition pour trouver des formes nouvelles. Mai 68 a été entièrement animé dans toutes ses composantes par l’idée qu’une émancipation véritable de la vie humaine était possible. Quand Sarkozy veut « liquider Mai 68 », c’est avec cela qu’il veut en finir. Pour imposer l’idée selon laquelle les grandes lois de la société contemporaine, le capitalisme libéral, l’autorité de l’État, la sécurité, les lois répressives seraient le mouvement naturel des choses. Il s’agit là d’une nouvelle étape dans la construction d’un consensus réactionnaire véritablement installé.

R.M. : Résister consiste selon vous à « tenir des points » en se positionnant dans la durée, hors de l’ordre établi, du consensus réactionnaire, des règles capitalistes. Cette proposition ne relève-t-elle pas davantage d’une éthique individuelle ?

Alain Badiou : Je suis convaincu que l’on peut aussi résister, protester ou trouver une indépendance par rapport au consensus réactionnaire dans des secteurs qui ne relèvent pas immédiatement du mouvement collectif. Dans la manière de penser les formes artistiques, de pratiquer la vie amoureuse, il y a aussi des possibilités de résistance.

Mais prenons des points à mes yeux essentiels, comme la résistance à l’organisation générale du service des biens, l’attention à la question des ouvriers de provenance étrangère, la défense de la protection sociale ou des services publics. Pour tenir ces points dans la durée, il faut certainement des formes d’organisation collective nouvelles, qui impliquent une discussion ouverte, proprement politique.

R.M. : Le point essentiel pour vous tient dans cette affirmation selon laquelle « il y a un seul monde »… Pourquoi « l’ouvrier sans papiers » est-il chez vous une figure centrale ?

Alain Badiou : Les ouvriers sans-papiers sont emblématiques de l’existence de ce qui est présenté comme un autre monde, mais dont je soutiens que c’est le même. Dans l’inspiration originale du marxisme, il y a quelque chose de semblable. Pour les réactionnaires du XIXe siècle, les ouvriers représentaient la classe dangereuse, ils étaient considérés comme extérieurs à la société. Longtemps, eux aussi ont dû présenter « des papiers » : le livret ouvrier a existé pendant tout le XIXe siècle. Marx considérait ces ouvriers, dont les privilégiés niaient l’appartenance à la société, comme porteurs de l’avenir. C’étaient donc eux, en a-t-il conclu, qu’il fallait prioritairement organiser.

Dans notre société, les travailleurs les plus en bas, et parmi eux ceux qui ont cette caractéristique supplémentaire, venant d’ailleurs d’être persécutés à ce titre, sont de la même manière le symbole central de l’avenir.

R.M : Vous citez un très beau passage de la République, dans lequel Socrate imagine que l’étranger peut être le lieu de la réalisation d’une nouvelle possibilité.

Alain Badiou : L’idée selon laquelle une invention politique se fait toujours avec des gens et à partir de situations considérés comme extérieurs est très ancienne. Au fond, faire entrer à l’intérieur quelque chose qui est extérieur est un mouvement fondamental de toute création, en art comme en politique.

RM : En quoi consiste ce « courage », qui doit répondre selon vous au coup global qui nous donne aujourd’hui le sentiment d’avoir été assommés ?

Alain Badiou : Le courage consiste fondamentalement à tenir un point. Non seulement sur le moment même, mais dans la durée. C’est la question du temps. Une bonne partie de l’oppression contemporaine est une oppression sur le temps. Nous sommes contraints à un temps découpé, discontinu, dispersé, dans lequel la rapidité est un élément majeur. Ce temps n’est pas le temps du projet, mais celui de la consommation, du salariat. Le courage pourrait consister à essayer d’imposer une autre temporalité. À tenir des points contre vents et marées, dans une durée qui ne dépendra pas des critères du succès ou de l’échec imposés par le modèle de la société libérale.

R.M. : Vous analysez la période dans laquelle nous sommes comme une période « intervallaire » semblable à celle qui sépara la Commune de Paris de la révolution d’Octobre. Qu’est-ce qui caractérise une telle période ?

Alain Badiou : Après la Commune de Paris, le modèle d’organisation et d’action du mouvement ouvrier ne pouvait plus être le même parce qu’il n’avait pas abouti à la victoire de l’insurrection ouvrière. Après l’écrasement de la Commune, l’adversaire a profité longtemps de sa victoire. Ces grandes années de consensus, d’expansion du capitalisme furent aussi celles de l’expansion impériale, du colonialisme. Il en va de même aujourd’hui, après l’échec de la figure de l’État socialiste.

Nous sommes évidemment dans des conditions objectives extrêmement difficiles, car cet échec se paye très cher. Il relance la dynamique réactionnaire à grande échelle. C’est cela la période intervallaire. Elle donne, du point de vue de la théorie, des tâches nouvelles pour penser le monde, les formes d’organisation, la politique d’émancipation. Du point de vue pratique, ces périodes sont marquées par des luttes, sont principalement défensives. Mais il est très important de tenir, de ne pas se décourager.

R.M. : Vous êtes convaincu qu’il faudra à l’avenir faire exister l’hypothèse communiste sur un nouveau mode. Mais vous dites finalement peu de chose de la manière dont cette hypothèse devra se présenter.

Alain Badiou : J’aimerais pouvoir en dire plus. Pour l’instant, je soutiens qu’il faut affirmer sans peur que nous sommes dans le maintien de cette hypothèse. Il faut dire que l’hypothèse de l’émancipation, fondamentalement, reste l’hypothèse communiste. Ce premier point peut trouver des formes d’élaboration. Il faut comprendre ensuite qu’il s’agit là d’une idée au sens fort. Je propose de la travailler comme telle. Ce qui signifie que dans une situation concrète, conflictuelle, nous devons l’utiliser comme critère pour distinguer ce qui est homogène avec cette hypothèse égalitaire et ce qui ne l’est pas.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas en rester à la dispute de la période antérieure entre les tendances anarchisantes, qui valorisaient le mouvement pur, et les tendances plus traditionnellement organisatrices qui valorisaient le parti. Il faudra sans doute retenir quelque chose de ces deux tendances. Mais ce type de discussion n’est plus fécond.

La discipline des Partis communistes dans la période post-léniniste a rendu possible l’existence de partis-États, avec une organisation policière. Nous sortons d’une longue période où cette discipline a été poussée à son comble, où elle s’est muée en un autoritarisme calqué sur le pouvoir d’État. Ce qui dominait, ce n’était pas la confiance dans les gens, mais la méfiance à leur égard. Au contraire, nous devons inventer une discipline de la confiance. Ce n’est pas l’enthousiasme, la spontanéité créatrice du mouvement que j’aime et que je partage, mais qui ne suffit pas à créer la durée nouvelle dont nous avons besoin.

Les opprimés n’ont pas d’autre ressource que leur discipline. Quand vous n’avez rien, pas l’argent, pas d’armes, pas de pouvoir, vous n’avez pas grand-chose d’autre que votre unité. Notre question centrale est donc : quelle forme peut prendre une nouvelle discipline ? Du point de vue philosophique, je pense que c’est nécessairement une discipline de la vérité, une discipline du processus lui-même. Ce qui advient, ce qui se passe, doit être la loi commune pour cette discipline. Autrement dit, c’est le processus politique lui-même qui doit engendrer sa discipline. Finalement, il s’agit d’une fidélité. Au fond, le même problème est posé lorsque l’on s’interroge sur la discipline minimale qui fait qu’un couple amoureux tient le coup.

(1) De quoi Sarkozy est-il le nom ? Circonstances 4,

Nouvelles Éditions Lignes, 2007.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui

Repost0
10 juin 2008 2 10 /06 /juin /2008 16:02
 

 

Quelle transformation révolutionnaire de la société

Le face-à-face entre Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF et François Sabado, membre de la direction nationale de la LCR paru dans l’Humanité des débats de samedi 7 juin 2008.

Vos deux formations se réclament de la transformation révolutionnaire de la société. Est-ce pertinent aujourd’hui ? On voit bien comment le PS a renoncé à ces thèmes. Le PCF ne semble guère mettre en avant la révolution. Et, à la LCR, vous allez vers la création d’un nouveau parti dont l’appellation ne se réclame pas du communisme ou de la révolution…

François Sabado. Ça reste pertinent. L’actualité de la transformation révolutionnaire de la société, c’est avant tout la crise du capitalisme. On n’est plus comme dans la fin des années 1990, dans ce qu’on appelait « la fin de l’histoire ». On est dans une situation de crise globale du capitalisme : crise financière, bancaire, alimentaire, éléments de récession… Il ne s’agit pas d’être catastrophiste : il y a des taux de croissance importants, des avancées technologiques, une restauration du capitalisme en Chine. Dans l’ancien bloc de l’Est, il y a surabondance de capitaux… Mais les contradictions du capitalisme sont extrêmement présentes.
Il reste des possibilités de développement du capitalisme mais le coût social, économique et écologique de ce développement est terrible et appelle la transformation de la société comme une question actuelle. La question est donc : quel capitalisme et quelle transformation ? Quand on voit le développement du capitalisme actuel avec sa financiarisation et ses destructions, on ne peut s’empêcher de reprendre l’expression de l’économiste Michel Husson : on est face à « un capitalisme pur ». Au sens où les Trente Glorieuses ont été en fait une parenthèse dans l’histoire du capitalisme. Pour s’attaquer à ce capitalisme, il faut s’en prendre à son noyau dur : la recherche du profit. Il faut un anticapitalisme pur qui pose la question du socialisme. Face à la logique des profits, il faut substituer celle des besoins sociaux.

Olivier Dartigolles. Il y a effectivement crise globale du capitalisme. Crise démocratique, sociale, économique, financière, alimentaire… qui fait qu’à l’échelle du monde, de la société, des millions de personnes se disent qu’il y a un avenir de chaos. Et, face aux crises, monte une prise de conscience que mettre fin à toutes les dominations, les exploitations et les aliénations est une condition de survie pour l’humanité. Ça ouvre d’immenses potentialités. Nous sommes sur une ligne de crête : d’immenses potentialités et d’immenses périls. On ne peut pas avoir le sentiment unique d’un avenir bouché.
Il y a des leviers, des prises dans le monde, l’Europe et notre société, pour qu’un mouvement, à partir de la caractérisation de cette crise, nous permette de travailler à une alternative. C’est une période plus ouverte qu’il n’y paraît, mais ça pose la question du contenu de cette alternative, d’un projet politique d’avenir, de gauche, progressiste. Je pense que cette question du projet politique n’est pas travaillée par la LCR. Il faut poser également la question du rassemblement. On ne doit dresser aucun mur entre celles et ceux qui peuvent se rassembler. On peut reprendre la main mais ça demande un effort d’élaboration politique, théorique et organisationnelle pour mettre fin en France à l’hégémonie idéologique portée par Sarkozy. Maintenant, pas en 2012.

François Sabado. Oui, c’est ce que disait Rosa Luxemburg, « socialisme ou barbarie ». Il y a des éléments de prise. Mais est-ce que la transformation c’est la rupture avec le capitalisme, ou bien le retour aux Trente Glorieuses, à l’État providence, ou à un capitalisme à visage humain ? Nous pensons que le capitalisme, sa financiarisation, le durcissement de l’exploitation de millions de gens sont tels que, pour défendre des revendications immédiates, partielles, il faut s’en prendre à la logique même du système. Il faut poser le problème de la rupture et donc de la confrontation. La répartition des richesses, l’incursion dans la propriété capitaliste et l’avancée vers une propriété publique et sociale impliquent une confrontation avec les classes dominantes. Se pose la question du projet, je ne suis pas d’accord avec ce que tu as dit.
La LCR est consciente du problème. L’anticapitalisme demande de définir le socialisme du XXIe siècle. Pour nous, les grands axes du socialisme nécessitent de rompre avec le capitalisme, de pousser la démocratie socialiste jusqu’au bout. Ce qui veut dire, par exemple, faire passer les droits sociaux avant les droits de propriété, et des changements institutionnels, une rupture avec la Ve République. Il faut donc préparer une confrontation. Pour nous, il ne s’agit pas d’un seul choc, il y aura toute une phase de préparation, d’accumulation d’expériences de lutte, mais, à un moment donné, il faudra une brisure, une cassure. L’essentiel, cque l’émancipation des travailleurs soit l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes. Il faut donc que les gens se dotent de leurs propres organisations ou structures. Pour nous, ça veut dire qu’on met au centre l’irruption des travailleurs sur la scène politique et sociale et non le travail dans les institutions. L’histoire montre que l’essentiel des conquêtes se fait de l’extérieur des institutions.

Olivier Dartigolles. Il y a là une divergence forte. Nous sommes les uns et les autres dans les manifs. Mais nous voyons bien qu’aujourd’hui ce qui limite ces mobilisations, c’est l’absence de traduction politique en termes de projet. Cette situation ne peut plus durer. Il y a urgence à traiter cette question. Quand tu dis que tous les grands progrès sociaux ont été acquis dans les luttes et non pas par les urnes, je suis en total désaccord. Dans toutes les grandes conquêtes sociales, les luttes et les urnes se sont épaulées. Lorsque la LCR écrit que « la généralisation de la grève a été concrètement à l’ordre du jour dans les mobilisations depuis 1995 », ce n’est pas vrai. On a obtenu deux victoires, celle du référendum et celle du CPE. Mais on souffre, et dans les manifs, l’ambiance est lourde parce que l’horizon est bouché. Pour une raison : il n’y a pas le projet politique clairement identifiable de gauche qui permette d’engager un processus de changement.
Il n’y aura pas d’irruption des travailleurs si nous ne traitons pas en urgence cette question-là. Être révolutionnaire aujourd’hui, c’est aussi être capable de définir ici et maintenant, pour les cinq prochaines années, les mesures incontournables, nécessaires pour changer le rapport des forces. Des mesures réalisables, avec les moyens financiers, institutionnels et démocratiques, des mesures cohérentes entre elles qui dessinent une alternative démocratique. Il ne faut pas se payer de mots : il y a besoin à gauche de formuler ce projet. Ça ne relève pas de discussions d’organisations, il faut que le peuple s’en mêle. Il faut mettre au coeur de ce projet la question d’un autre mode de développement. Et, pour notre part, nous identifions quatre révolutions essentielles : une maîtrise citoyenne et sociale des marchés financiers ; une révolution écologique et énergétique ; une révolution démocratique ; et des ruptures dans l’information, la connaissance, l’art…
Vouloir aujourd’hui cette transformation révolutionnaire c’est être en capacité d’énoncer clairement ce projet et les conditions politiques de sa réalisation : l’intervention populaire et un rassemblement politique. On a besoin de ce rassemblement : la théorie des « deux gauches » est aujourd’hui portée par les dirigeants socialistes les plus enclins à se tourner vers la droite ! La droite est très attentive au fait que la gauche ne puisse pas se rassembler et ne puisse plus construire une majorité politique pour le changement.

François Sabado. Il n’y a pas ceux qui donnent dans le lyrisme et ne s’intéressent qu’aux luttes, et ceux qui sont concentrés sur la perspective politique. La question est : quelle perspective politique ? Pour nous, c’est la transformation et, au centre, l’intervention des masses sur la scène politique. Je redis que les principales conquêtes dans le pays ont parfois été enregistrées par tel ou tel gouvernement, mais elles sont le produit de grèves générales, de situations révolutionnaires ou prérévolutionnaires.
Il n’y avait pas les congés payés, les 40 heures ou les nationalisations dans le programme du Front populaire. Il peut y avoir, après, une traduction politique, mais qu’est-ce qui est premier ? Quand la droite pousse le bouchon trop loin, il peut y avoir un retour de balancier et on ne peut pas écarter une réaction populaire. Mais nous sommes réalistes, le rapport des forces s’est dégradé avec l’offensive néolibérale. Comment y répondre ? Je prends les quatre points que tu as cités. Tu parles de « maîtrise citoyenne et sociale des marchés financiers », mais la régulation ne marche pas. C’est une illusion, une chimère. Le PS au gouvernement n’a pas régulé les marchés financiers. Il faut qu’on s’attaque au noyau dur, le capital, son pouvoir, par exemple le droit de regard, la levée des secrets commerciaux, bancaires, la mise sous contrôle public d’entreprises comme Total. Maîtriser les marchés, c’est s’attaquer à la propriété capitaliste.
Autre exemple : la révolution écologique. Un programme « éco-socialiste », ce n’est pas faire payer les pollueurs mais s’attaquer à la logique du mode de développement, donc réorienter des productions ce qui pose encore le problème de la propriété. La révolution démocratique, qu’est-ce que ça veut dire ? La rupture avec la Ve République, un processus constituant pour une nouvelle démocratie : le système de suffrage universel, mais aussi des éléments de démocratie directe dans les communes et les entreprises. Pour poser ces questions politiques, il faut changer le rapport de forces au sein de la gauche. On doit poser le problème du rassemblement en termes d’unité d’action et d’intervention, mais il faut que ne dominent plus les forces sociales-libérales au sein de la gauche.

Olivier Dartigolles. Dans le dernier document de juin de la LCR, une phrase m’a fait sursauter. « Il n’existe pas de solution nationale tant les économies des sociétés sont imbriquées, et les problèmes de fond nécessitent une riposte à cette échelle… » On ne peut pas dire ça. Bien évidemment un projet politique de gauche devra énoncer les changements à l’échelle de l’Europe et du monde. Mais existe-t-il dans le pays des leviers permettant de reprendre la main ? Il faut faire en sorte que ceux qui sont dans la rue et ceux qui n’y sont pas et s’en désespèrent puissent reprendre espoir.
On ne peut pas faire le jeu du bipartisme, accepter le paysage politique et médiatique qui se dessine : une droite dure, une gauche qui se droitise, et le calendrier politique qui se résume à la présidentielle. Et que ceux qui ne sont pas d’accord aient la possibilité tous les cinq ans de pousser un cri de colère. J’ai le sentiment, et je le dis avec gravité, que la position actuelle de la LCR est un élément du paysage interdisant que s’ouvre à gauche un horizon en termes de projet et de dynamique politique. Quand je vois d’Ormesson ou Étienne Mougeotte dans le Figaro vanter les mérites d’Olivier Besancenot, je trouve que la position de la LCR aujourd’hui, qui en fait des tonnes sur les deux gauches, participe de ce paysage qui se met en place pour tuer l’espoir.
Il faut pousser dans le même temps les questions du projet politique, des moyens financiers parce que c’est sur ce plan que la gauche a failli quand elle était au pouvoir, mais aussi la question du rassemblement, des conditions politiques.

François Sabado. La création du nouveau parti anticapitaliste représente un nouvel espoir en France et dans le milieu ouvrier. Les réactions de sympathie envers cette démarche et à l’égard d’Olivier Besancenot montrent que c’est la seule chose de neuf qui ouvre une perspective à gauche actuellement. Une simple remarque, sans polémique : j’appelle les dirigeants communistes à ne pas retomber dans le vieux discours sur le thème des complicités de l’extrême gauche avec la droite, des gauchistes provocateurs, etc., qui ne vous a pas porté chance. Ce qui nous importe est de reconstruire un mouvement ouvrier, en menant la bataille politique contre la droite en priorité, mais aussi contre les forces dominantes à gauche. La question à laquelle nous sommes confrontés est celle d’une droite qui souhaite que l’Europe prenne toute sa place dans la concurrence mondiale, et qui casse pour cela les modèles sociaux européens.
Il faut donc s’attaquer à cette droite dans l’unité d’action à gauche et en particulier avec les militants communistes et révolutionnaires. Mais, en même temps, la droite n’arrive pas à stabiliser sa domination politique, car les résistances qu’elle rencontre font naître des éléments de crise sociale. Nous voulons faire en sorte que résistances s, pour qu’elles produisent de la politique, de la culture au sens gramscien, c’est-à-dire reconstruisent une hégémonie. Pour nous, la perspective ne se limite pas à construire un nouveau parti anticapitaliste, ni à porter la parole des luttes. Cela implique des contenus en termes de revendications, mais aussi une perspective politique indépendante du centre gauche et de la social-démocratie, qui rejette les coalitions parlementaires et gouvernementales. Ceux qui désespèrent les peuples et les travailleurs sont ceux qui ont participé à ces coalitions. Les gouvernements sociaux-libéraux sont pris dans le carcan du capitalisme financiarisé, et obligent ceux qui y participent à appliquer un programme qui est contradictoire avec ce que l’on défend par ailleurs. Cela est arrivé au PCF dans la gauche plurielle, c’est arrivé au Parti de la refondation communiste en Italie, et cela arrivera demain, en Allemagne, à Die Linke si elle participe à un gouvernement avec le SPD.
Il ne s’agit pas de refuser toute participation gouvernementale, nous nous situons clairement dans une optique de gouvernement, mais un gouvernement qui soit le produit des mouvements sociaux, des rapports de forces politiques, et non le fruit d’alliances parlementaires institutionnelles avec le centre gauche et le PS. À ce jeu-là, la gauche radicale ou révolutionnaire est toujours perdante, et pas seulement la gauche, mais notre peuple et le mouvement ouvrier tout entier.

Olivier Dartigolles. Je ne suis pas d’accord avec l’idée que la droite n’arriverait pas à stabiliser sa domination. En dépit de la perte de confiance de l’opinion publique, la droite garde la main dans la bataille idéologique aujourd’hui, ses réformes avancent et font mal, avec des conséquences sociales terribles. Cela demande que ceux qui ne se résignent pas ne participent pas à la présidentialisation du régime et à la pipolisation de la politique en se projetant en 2012, mais soient en capacité d’indiquer quelle autre politique est possible pour donner toute leur force aux mobilisations sociales d’aujourd’hui.
Sur la question du rassemblement, le PCF, et c’est tout à son honneur, fera systématiquement tout ce qui est en son pouvoir pour battre la droite. Chaque fois qu’il sera possible de construire des majorités politiques à l’échelle des villes, des départements, des régions et au niveau national, on le fera. Cela ne doit pas empêcher de tirer les enseignements des échecs passés, pour ne pas reproduire ce qui a envoyé la gauche dans le mur. Il faut avancer des idées neuves en matière de rassemblement, mettre en place quelque chose qui n’a jamais existé. Pour cela, il faut d’abord accepter que ce rassemblement à gauche à vocation majoritaire inclue des femmes et des hommes qui ne sont pas du même courant de pensée. Cela demande de se mettre d’accord sur des objectifs et un projet politiques communs. De nombreuses forces agissent avec des moyens importants pour que ce rassemblement ne voie pas le jour. Si nous avions mis en pratique la théorie des « deux gauches » durant la campagne du « non » au référendum de 2005, nous n’aurions pas réussi à enclencher cette dynamique et cet espoir qui ont conduit à la victoire du « non ». Mais il faut que le rassemblement populaire garde durablement la main, avec un esprit de suite et d’initiative, avant, pendant et après l’élection. C’est ce qui a manqué au moment de la gauche plurielle, et c’est quelque chose que l’on n’a jamais connu.
Aucun gouvernement ne peut freiner une telle dynamique quand le peuple s’en empare. Cela demande un immense effort de travail politique, mais je ne vois pas d’autre issue. Si on ne passe pas par la case « projet politique de gauche » ni par le rassemblement populaire le plus large sur les contenus les plus élevés, rien n’aboutira. Mais cela demande in fine aux organisations politiques de constituer une majorité parlementaire à l’issue de ce processus. Que peut-on faire sans majorité dans ce pays face à la droite ? Je peux comprendre qu’avec un horizon bouché à gauche vous soyez tentés d’engranger quelques points, mais ce n’est pas l’enjeu. L’enjeu, c’est de reprendre la main face à l’hégémonie culturelle de la droite que tu évoquais.

François Sabado. 2012 est le cadet de nos soucis. Ce qui nous importe, c’est la situation ici et maintenant. Nous disons que la droite n’arrive pas à stabiliser sa domination parce que l’offensive libérale est tellement forte qu’elle bouscule ses propres partis et ses propres institutions. Mais ils cognent comme ils n’ont jamais cogné. L’unité pour faire reculer la droite est centrale pour nous, y compris avec le parti social-libéral. Mais la social-démocratie a effectué une mutation, ce n’est plus celle des années trente ou des années soixante-dix. Ce n’est pas un hasard si Strauss-Kahn se retrouve dirigeant du FMI. Il y a une interpénétration des sommets du capitalisme financier international et de la social-démocratie. Malgré cela, il reste le peuple de gauche.
On peut se battre ensemble pour l’unité d’action de l’ensemble du mouvement ouvrier et du peuple de gauche à partir de mesures clés qui stimulent la mobilisation et déstabilisent le système, pour un programme d’urgence sociale et démocratique qui propose l’augmentation immédiate de 300 euros des salaires et le SMIC à 1 500 euros, la relance des services publics, l’interdiction des licenciements, etc. Mais, sur le plan politique, il y a un problème entre nous, car nous pensons qu’il y a deux gauches. Le référendum de 2005 a été une manifestation populaire de l’existence de ces deux gauches, avec d’un côté le « non » de gauche, et de l’autre les partisans du « oui ». À ce moment, l’un des choix possibles était de poursuivre la rupture avec la direction du PS, et cela vous ne l’avez pas voulu. C’est cela le problème. Ce ne sont pas des a priori, ce ne sont pas des « murs » que l’on construit, il s’agit de la réalité des positionnements politiques.
Nous pensons qu’il faut rassembler la gauche de transformation sur une base anticapitaliste, indépendante du PS et de majorités parlementaires. Cela n’exclut pas de soutenir des mesures décidées par un gouvernement de gauche quand elles sont positives. Le nouveau parti anticapitaliste s’inscrit dans cette dynamique pour ouvrir une nouvelle perspective. Cette question est vitale : accepte-t-on le rapport de forces tel qu’il est ou cherche-t-on à le changer ? C’est impossible dans des Meccano institutionnels dominés par le PS. Accepter de se subordonner au parti dominant au nom d’une majorité parlementaire, cela a déjà été fait, et le bilan est négatif. On pourra peut-être rediscuter avec les partis de gauche, mais dans le cadre d’un rapport de forces où le mouvement populaire donne le la avec ses propres structures, et surtout dans un autre cadre que le cadre institutionnel.

Olivier Dartigolles. Mais il faut que le rapport de forces se traduise dans les institutions pour mettre en oeuvre une autre politique. Dans la campagne référendaire, nous avons construit un rassemblement sur des contenus politiques élevés, mais ce qui a été déterminant est d’avoir fixé l’objectif de l’emporter. Sans cette perspective-là, il n’y avait pas de dynamique victorieuse possible. Ce qui manque aujourd’hui, ce n’est pas tant l’espoir d’un autre possible, c’est l’objectif énoncé comme tel de créer un rassemblement majoritaire.
C’est un élément de la mise en mouvement de millions de salariés qui ne voient aucun débouché possible. Certes, ce n’est pas nouveau, il y a deux orientations à gauche. L’une sociale-libérale, de renoncement ou, au mieux, de régulation, et l’autre de transformation de la société. Mais, dans le peuple, il n’y a qu’une gauche, et notre ambition doit être de la rassembler pour que l’orientation de la rupture et de la transformation sociale soit majoritaire dans le pays. Notre congrès portera sur ce thème. Nous souhaitons, par des rencontres populaires, montrer qu’il est possible de reprendre la main.

François Sabado. J’estime que je ne suis pas dans la même gauche que les dirigeants du PS. Je suis d’accord avec toi sur le fait qu’il y a besoin de redonner du moral à des millions de gens. Mais, pour nous, cela consiste à montrer qu’il existe autre chose à gauche que le PS, qu’une gauche dominée par le centre gauche ou le social-libéralisme, qu’il y a une perspective anticapitaliste qui défend vraiment les revendications, qui défend vraiment les intérêts des classes populaires.
Le fond de notre projet de nouveau parti anticapitaliste est de donner des éléments de traduction et de représentation politiques d’un nouvel espoir à gauche, qui s’inscrit dans une perspective de rupture avec le système et d’indépendance radicale par rapport à la gauche telle qu’elle existe aujourd’hui.

Entretien réalisé par Sébastien Crépel et Olivier Mayer dans l''Humanité du samedi 7 juin.
Repost0
20 mai 2008 2 20 /05 /mai /2008 08:34
La situation politique s’accélère. Malgré le désaveu populaire, Nicolas Sarkozy fait tout pour poursuivre son entreprise de remodelage du pays.  Les mobilisations sociales se multiplient, nous sommes nous même dans l’action sur de multiples terrains. Mais à gauche, les réponses politiques sont loin d’être à la hauteur.  Nous avons l’ambition dans ces conditions que la réussite de notre congrès, convoqué pour décembre 2008,  constitue un évènement d’importance, une contribution innovante, utile à toutes les forces sociales et politiques de la gauche. 

Les ateliers du Conseil national qui s’étaient mis au travail durant la campagne électorale des élections municipales, sur mandat de notre Assemblée nationale extraordinaire, rendent aujourd’hui publics leurs premiers textes de travail.

Ce ne sont pas des pré-textes de Congrès, le temps de les élaborer viendra après l’été. Il s’agit d’éléments de réflexion destinés à nourrir le débat collectif des communistes entre eux et avec nos concitoyens.  Ces textes mettent en exergue les questions qui nous sont posées, suggèrent le débat sur des éléments de réponses, pointent les faiblesses qu’il nous faut combler. Ils se veulent d’abord  des outils collectifs à la disposition d’une confrontation d’idées constructive. Il ne s’agit donc pas de se positionner par rapport à ces textes mais de s’en servir pour intensifier le débat. 

Celui-ci doit s’amplifier sous toutes les formes possibles, à partir d’un ou de plusieurs de ces textes , durant les mois de mai et  juin. Un Conseil national se tiendra le 25 juin pour en faire le bilan.

Les trois questions majeures qui traversent ces textes donneront lieu à trois rencontres nationales  le 31 mai à Paris sur notre analyse de l’état du monde et des alternatives possibles à la mondialisation capitaliste ;  le 7 juin à Marseille sur l’élaboration d’un nouveau projet politique de changement pour notre pays ; le 14 juin à Tours sur les transformations du PCF que nous voulons conduire.

Ces rencontres nationales sont largement ouvertes. L’ensemble des départements de France sont invités à y participer. Les fédérations du PCF coordonneront les inscriptions. Elles vont nous permettre une mise en commun indispensable avant la construction des réponses politiques qu’il nous convient d’apporter avec le Congrès.
Les documents de travail qui suivent portent sur les huit thèmes de travail qui avaient été arrêtés après notre Assemblée nationale extraordinaire de décembre .
 

Atelier n°1: Quel bilan politique tirer de nos évolutions et initiatives stratégiques?    
Atelier n°2:  Quelle analyse du monde d'aujourd'hui? cliquez ici
Atelier n°3:  Quel nouveau mode de développement? cliquez ici
Atelier n°4: Bases sociales pour changer la société : pour qui , avec qui ? cliquez ici
Atelier n°5: Quel communisme? cliquez ici
Atelier n°6: Quelle conception du projet?  cliquez ici  
Atelier n°7:  Quelles conceptions du rassemblement?    cliquez ici
Atelier n°8 : Quelles transformations du PCF ?  cliquez ici


Repost0
13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 21:44

Les délégués de section ont lors de l’assemblée extraordinaire réaffirmé l’actualité du communisme comme «  visée et comme projet de notre temps », « leur attachement au PCF. » Ils ont aussi exprimé leur exigence « d’un bilan critique, constructif et créatif de la période passée ».

Ce retour sur nous même peut se structurer sur trois thèmes principaux sans exclure d’autres aspects : le projet communiste, l’évolution de notre stratégie, le fonctionnement du Parti, ses modes d’organisation et donc ses statuts.

La relecture de nos textes de congrès s’avère très utile parce que sur chacun de ces aspects nous avons produit des réflexions, arrêté des orientations et pris des décisions. Quelle évaluation faire de ce travail ? S'agit-il d'en améliorer la mise en œuvre ? D'aller plus loin dans la même direction ? Une réorientation radicale est-elle nécessaire ? Si oui, dans quel sens et avec quels contenus ?

Le communisme

Le thème du projet communiste apparaît dans nos textes après l’implosion de l’Union Soviétique. Dans la période précédente, nous avons exprimé la critique du « socialisme réel » et tenté de nous démarquer de la conception du socialisme qui prévalait dans les pays dits communistes en affirmant notre identité au travers notamment du « socialisme aux couleurs de la France ». Nous avons condamné le stalinisme. Mais tout cela s’est fait progressivement, tardivement. Dès la disparition des sociétés socialistes de l’Est, le capitalisme a intensifié sa guerre idéologique pour imposer ses vues au monde et cherché à accréditer sa thèse de « la fin de l’histoire ». A-t-on bien mesuré toute l’ampleur des conséquences de ces évolutions dans notre propre réflexion et fonctionnement ?.

Dans la période qualifiée de « mutation », qui n’a pas été exempte de profondes critiques, s'est engagé le processus visant à écrire une « nouvelle page du communisme » : celui du XXIème siècle. Dans nos textes de congrès nous nous efforçons d’actualiser notre ambition transformatrice en l’inscrivant dans une perspective, une visée communiste moderne. Nous cherchons à opérer au fil du temps un distinguo entre visée communiste (notre contribution au débat de conception de société que nous mettons à disposition de notre peuple et de la force communiste) et projet du PCF (des orientations politiques, des axes d’actions pour l’immédiat).

Notre dernier congrès, dans le prolongement des précédents, a approfondi notre thèse sur la crise systémique du capitalisme, ses gâchis à l’échelle de la planète. Nous avons confirmé les potentialités humaines et technologiques que recèle notre époque pour bâtir des alternatives au capitalisme financier mondialisé, agir pour la transformation sociale et pour une autre civilisation. C’est à partir de la société capitaliste telle qu'elle est et des contradictions qu’elle génère que nous démontrons le besoin de communisme.

Le communisme est le partage et la maîtrise sociale des richesses, des savoirs et des pouvoirs. Moteur de conquêtes sociales, le communisme porte en lui un féminisme, une écologie, un pacifisme, des luttes anti-discriminations et inscrit en son coeur la laïcité. Le communisme comme visée et stratégie fait du monde et de l’humanité son horizon, cela nous conduit à repenser notre internationalisme.

Notre objectif reste le même : une société sans classe libérée de toutes les dominations. Pour cela nous agissons pour une véritable appropriation sociale des conditions du développement humain, à travers l’autogestion par les travailleurs, les salariés et l’auto-adminsitration par les citoyens.

La démocratie façonne et structure notre démarche : les remises en cause du capitalisme  seront le fruit d’un processus conscient et majoritaire dont les formes ne peuvent pas être définies à l’avance.



Nous avons donc beaucoup travaillé. Toutefois, malgré nos efforts de conceptualisation, nous ne parvenons pas à changer la perception, les représentations mentales sur le communisme que nous proposons. Nous restons dans l’opinion collés à l’ancien. Pourquoi ?

Est-ce parce que nous n'avons pas assez poursuivi, approfondi et enrichi notre réflexion au-delà des périodes de congrès ?. Avons-nous fait connaître publiquement l’actualité de nos concepts, pour les faire vivre de convergences et de confrontations en lien avec l’actualité ? Cette recherche de créativité en mouvement  s’inscrit-elle suffisamment dans l’activité des communistes et de leurs directions pour en faire le bien commun de tous, par exemple, en développant la formation ?.

Où en sommes-nous vraiment ? Est-ce la matrice d’origine ( celle 1920 ) dont nos concepts restent fondamentalement imprégnés qui en est la cause ? Et en a-t-on fini de la conception idéalisée du communisme au détriment d’une approche qui le fasse vivre dans les réalités d’aujourd’hui ?.

Est-ce le fait d'une conception encore trop défensive du communisme, principalement marquée par le souci de dire ce qu’il ne doit pas être, alors qu’il s’agit d’être offensif, de proposer un chemin mobilisateur pour l’avenir, celui d'un communisme de liberté ?.

Avons-nous vraiment pris en compte, l'actualité accrue du défi de dépassement du capitalisme qui résulte, dans leur cohérence, des implications du caractère systémique de la crise du capitalisme, lié à la révolution informationnelle ?.

Notre conception du dépassement du capitalisme n'a-t-elle pas été limitée à celle d’un processus au détriment de la conception marxiste d’un dépassement révolutionnaire qui permette d’abolir le capitalisme ?. Un processus constitué de ruptures perceptibles qui marquent des avancées réelles de transformations sociales.

Ne faut-il pas développer en notre sein un espace permanent de mise en synergie des avancées et des travaux théoriques, ouvert à tous les communistes et à la réflexion avec d’autres, sur les évolutions du capitalisme, les mutations sociétales et sociologiques pour ainsi enrichir notre approche du communisme?

De tout cela nous avons besoin encore et toujours de débattre parce que le communisme sur lequel nous travaillons ne correspond à aucune des expériences qui s’en sont réclamées ou s’en réclament aujourd’hui. Nous avons une réelle capacité de production elle pourrait servir l’ambition de la rédaction d’un manifeste de notre époque.

La stratégie

Nos efforts de renouvellement de la stratégie du Parti pour autant qu’ils aient été multiples ne nous ont pas permis de retrouver dans la vie politique française la place et l’influence que nous occupions de la Libération jusqu’à l’action en faveur d’un programme commun de gouvernement, c'est-à-dire un score électoral au-dessus de 20%. Depuis, et malgré différentes stratégies, nous ne sommes pas parvenus pas à enrayer un déclin électoral et une érosion militante. Pourquoi ?.

Avons-nous affirmé, suffisamment à chaque période, notre autonomie de pensée et d’action, dans les différentes formes de rassemblement que nous avons initiées ces dernières décennies : programme commun, gauche plurielle et rassemblement antilibéral ?.

Manquons-nous de persévérance dans nos objectifs et nos décisions ? Sont-ils en phase avec les attentes et les aspirations de nos concitoyens ?. Avec les bouleversements du monde contemporain ?. Nous heurtons-nous au scepticisme des citoyens voire de nos militants quant à la possibilité de changer le monde et à la contribution que nous pourrions apporter à sa transformation progressiste ?. Faut-il y voir un effet d’une crise plus profonde et plus étendue qui concerne le communisme en général et plus largement la gauche ?.





Est-ce lié à une sous-estimation de la crise du système capitaliste, et du niveau de la bataille pour une transformation radicale ?. N’avons-nous pas sous estimé le besoin, pour un large rassemblement transformateur de l’action d’un PCF faisant grandir l’exigence de cohérence entre objectifs sociaux, nouveaux pouvoirs et nouveaux moyens financiers ?. Avec qui et comment un tel rassemblement peut-il se bâtir ?.
Comment ne pas remarquer que, partout en Europe, berceau du socialisme, les partis sociaux démocrates, et de gauche, dans leurs diversités, sont traversés par des crises. Cependant, des expériences sont tentées (Allemagne, Grèce) qui semblent rencontrer une certaine adhésion populaire quand d’autres continuent d’échouer (Italie). Il nous faut donc confronter notre propre expérience à celle des autres en lien avec notre propre réalité. Il n’y a pas de modèle, pour autant n’y a t’il pas matière à réflexion ?.
Nos démarches stratégiques pour devenir influentes, voire majoritaires, demandent tout à la fois une crédibilité, une créativité, une modernité, une lisibilité sur la question centrale du contenu d’une transformation radicale de la société ainsi que des forces politiques pour porter un tel projet.
Nous entretenons souvent une confusion entre rassemblement, union et alliance. Notre volonté de parvenir à concrétiser de véritables changements dans la vie quotidienne de nos concitoyens nous conduit à ne concevoir la conclusion d’alliances minimales que sur la base de projets restreints qui améliorent leur vie. N’avons-nous pas tendance à penser que cela suffit à faire vivre toute notre politique ?.
Nous avons toujours cherché à participer à des majorités afin de rendre possible toute amélioration à plus de justice, de liberté et d’égalité.  Pouvons-nous dès lors décliner, sans examen et sans regard critique de nos participations passées au gouvernement, toute participation au pouvoir avec d’autres forces de gauche si le projet énoncé, démocratiquement élaboré, sert le progrès humain ?. Autrement dit pouvons-nous nous contenter d'une posture uniquement contestataire dans un espace déjà pris ?.
Comment contrecarrer une évolution européenne vers un bipartisme à l’anglo-saxonne qui ferme la porte à la transformation progressiste de la société et qu’accélère l’évolution des institutions et des modes de scrutins ?.


Le rassemblement antilibéral
La dernière période, celle du « Rassemblement antilibéral », en privilégiant un rassemblement avec les forces et les citoyens qui s’étaient rassemblés pour le «NON » au référendum, visait à sortir la gauche des ornières du social libéralisme.
N’avons-nous pas été perçus, par les uns, comme compromettant un rassemblement plus large capable de battre la droite et, par les autres, comme animés de la volonté d’avoir la maîtrise d’un mouvement que nous concevions à notre seul bénéfice ?. Avons-nous commis une erreur en renonçant, après le référendum, à la nécessité d’une candidature communiste à l’élection présidentielle ? N’était-ce pas le seul moyen de promouvoir, au 1er tour, les grands axes d’un projet transformateur; ce qui est indispensable pour construire un large rassemblement et des alliances au contenu de haut niveau ?. Enfin au regard de nos résultats électoraux, avons-nous eu raison de présenter finalement une candidature du PCF à cette élection présidentielle ?.
Le choix de notre dernier congrès de mettre à disposition du « Rassemblement antilibéral » une candidature communiste pour l’élection présidentielle et des candidats communistes parmi d’autres aux élections législatives, n’a-t-il pas conforté les préventions des premiers comme des seconds ?. Nous devons tirer les enseignements de ce nouvel échec. Outre le possible contresens politique sur la portée politique du « non », un des principaux enseignements n’est-il pas à rechercher dans le caractère peu populaire et peu citoyen d’un processus qui a certes permis de co-élaborer un projet/programme sans jamais pourtant atteindre l’élargissement escompté ?. Avons nous fait tout ce qui était possible pour sauvegarder l’unité antilibérale ?.
N'avons-nous pas opposé la recherche du rassemblement à l'autonomie du PCF nécessaire pour un rassemblement transformateur?.
Malgré l’échec : n’avons nous pas expérimenté à l’intérieur de ces rassemblements, une nouvelle fonction communiste, utile et souvent appréciée ?

Le parti
Les revers électoraux successifs, l’érosion de nos forces organisées, et la difficulté persistante à faire vivre nos structures ces 25 dernières années, ont conduit, en lien avec les renouvellements théoriques et stratégiques, à des modifications de l’organisation et du fonctionnement du Parti, et à un débat, lors de nos récents congrès, sur l'existence même du PCF ( sa conception, son nom …).

Quel bilan depuis 1994 ?
A partir de 1994 nous avons affirmé l'objectif de mettre en correspondance la société que nous voulons, notre conception de la transformation révolutionnaire et l’organisation. Du parti de nouveau type (28ème congrès) qui met en avant le rôle primordial de chaque adhérent, au 30ème congrès qui propose un nouveau parti communiste pour le 21ème  siècle, il s’agit de mettre « la structure au service des adhérents. ». De mettre l’accent sur une nouvelle conception du travail de direction « poussant à favoriser, une construction, une élaboration dans et par le débat avec tous les communistes. » Cela a-t-il permis la démocratisation effective de nos décisions et de notre fonctionnement pour une plus grande efficacité de notre action ?. N’y a-t-il pas, encore, à tous les échelons, une trop grande concentration du fonctionnement du Parti ?. Quelle a été la nature des obstacles auxquels nous avons été confrontés ?.

Le manque de formation politique et théorique est reconnu. Comment relancer un dispositif adapté aux besoins des militants de notre époque ?. Comment faire pour que l’expérience acquise par nos élus soit mieux mise au service de tous ?.

Nous avons confirmé lors de notre dernier congrès une forme d’organisation qui conjugue l’implantation territoriale et la mise en réseau des adhérents, afin de favoriser une intervention communiste sur toutes les questions que la vie sociale fait surgir. Y sommes-nous vraiment parvenus ?. Que devrions-nous améliorer ?.

N'a-t-on pas sous-estimé le besoin de transformation du PCF, de ré-organisation pour l’action transformatrice ?. N’a-t-on pas fait primer la conception d'un parti privilégiant l'action institutionnelle et la recherche d'alliances électoralistes?. Le bilan critique des transformations organisationnelles menées lors des derniers congrès doit être mené à terme à l’occasion du 34ème congrès.


Le PCF et ses formes d’organisation
L’assemblée extraordinaire propose de procéder aux indispensables ruptures pour construire dans les conditions d’aujourd’hui une nouvelle cohérence de notre combat … et de travailler aux transformations profondes de notre organisation et de son fonctionnement…Le débat sur cet enjeu est large, recouvre plusieurs domaines et approches.

Les ruptures à produire doivent servir l’ambition d’un grand parti communiste, populaire et révolutionnaire. Elles doivent être à la hauteur des défis d’un fonctionnement démocratique favorisant la créativité, horizontale et verticale, à tous les échelons, permettant l’engagement individuel et collectif, dans l’unité de ses adhérents. Ne faut-il accentuer nos efforts pour mieux répondre aux besoins d’actions, d’élaboration politique et de rassemblement ?. Mieux conjuguer ouverture, vie militante et démocratie renouvelée pour rechercher l’adéquation entre notre conception du militantisme et la place de l’intervention populaire dans notre projet ?.

Dans ce débat des camarades pensent que les hésitations, les piétinements depuis 15 ans montrent l’urgence de rompre avec ce que fut la matrice initiale de notre organisation. Sur cette base, différentes propositions sont formulées pour participer à des processus permettant d’ouvrir le chantier de la refondation du communisme, de son organisation et de celle de la gauche : création d’une nouvelle force politique à référence communiste ou création d’une nouvelle formation à la gauche du PS qui ne fait pas de la référence au communisme un préalable.


Des camarades s’opposent à toute forme de dilution du PCF et de son autonomie, et veulent une profonde novation de l’organisation, une transformation démocratique du PCF pour l'action révolutionnaire rassembleuse indispensable à la refondation de toute la gauche.
Des camarades considèrent le retour aux « fondamentaux » comme essentiel au développement du Parti.

L’objectif essentiel de notre organisation pour transformer radicalement la société et dépasser le capitalisme est de favoriser le rassemblement, l’intervention populaire et la participation à la décision politique. Pour cela ne faut-il pas nous extraire complètement d’une culture de rassemblement autour du parti ?. Ou faut-il concevoir une forme d’organisation du Parti adaptée aux exigences de rassemblement transformateur dans l’action ?.

Beaucoup d’autres idées s’expriment dans le débat. Toutes doivent être discutées.

La force communiste
Nous avons engagé une réflexion depuis quelques années sur la force communiste que nous identifions à des femmes et des hommes, organisés ou non dans des formations politiques qui se reconnaissent dans l’idée communiste ou dans une perspective de dépassement du capitalisme.  Nous avons décidé au 32ème congrès et l’avons confirmé au dernier de promouvoir localement des espaces de travail permanents réunissant des personnes qu’elles soient ou non-membres du PCF pour « créer les conditions d’un apport créatif à son travail et sur son devenir ». Quelle évaluation faire de ces décisions ; des limites qu'elles ont rencontrées comme des avancées qu’elles ont permises ?. L’impulsion du travail de direction sur cette question a t-il été satisfaisant ?. Pour des camarades la notion de « force communiste » a été détournée de son intention première - celle de l’ouverture - et utilisée dans la perspective de création d'une nouvelle force politique avec des composantes issues d'autres partis.

Nos règles de vie
En 1994 nous avons décidé, avec l’abandon du centralisme démocratique, de reconnaître les diversités et de les considérer comme une richesse. Aujourd’hui cette diversité représentative d’options qui existent de fait dans le débat communiste vit et s’expriment sans aucune règle. Les délégués à l’assemblée générale ne remettent pas en cause l’existence de cette diversité, mais ils souhaitent aussi des règles qui assurent l’efficacité des décisions prises. Comment conjuguer l’organisation du pluralisme dans le parti et l’efficacité que seul le respect de la règle majoritaire permet d’assurer ?. Le débat sur « l’organisation ou pas des tendances » doit être ouvert en toute sérénité. Le mouvement communiste à un moment de son histoire a décidé de renoncer aux tendances et cette règle est devenue intangible à tous les partis communistes. Doit-on considérer que 90 ans plus tard il n’y a rien à revisiter de ce coté ?.

Les directions
La direction du Parti est critiquée. Est-elle suffisamment représentative des militants et de ce qu'ils pensent? Sa conception qui résulte des modifications récentes de statuts est-elle bonne?.
L'élection directe du ou de la secrétaire nationale par le Congrès a -t-elle amélioré le fonctionnement démocratique du Parti ou poussé à une concentration du pouvoir?. Ne faut-il pas rechercher un système de direction plus collective avec de nouveaux pouvoirs de contrôle et d'intervention des adhérents?.
Que faut-il mettre en œuvre pour que le conseil national soit réellement un lieu d’élaboration de la politique du parti? Pour qu'il soit effectivement la direction du Parti?
Pour certains, notre difficulté à aller dans ce sens provient du fait que le conseil national serait trop pléthorique, pour d’autres le nombre n’est pas la question, le problème vient de la définition de la mission qui lui est assignée. La même question se pose pour l’exécutif.
Le moment n’est-il pas venu de penser un nouveau dispositif ?.

NB : des notes documentaires sur ces différents thèmes seront mis à votre disposition sur le site du P.C.F.

Repost0
13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 21:14

Quelle analyse faisons-nous du monde d'aujourd'hui?

 

A l'évidence, nous vivons un nouvel état du monde. Mais de quelles transformations historiques ce monde est-il issu?

 

La chute du mur et les bouleversements géopolitiques intervenus avec l'écroulement des régimes dits du «socialisme réel» ont naturellement ouvert une nouvelle phase des rapports de force sur le plan international. Avons-nous mesuré toute la signification politique de ces bouleversements et avons-nous tiré tous les enseignements de cet écroulement pour notre propre parti?

 

Le capitalisme n'est-il pas en profonde mutation avec les années 90 marquées par l'extension de ses modes d'exploitation, de ses prédations, de la marchandisation et du néo-libéralisme à toute la planète? Ne s'agit-il pas d'une rupture de portée historique, fruit de processus sociaux engagés depuis quelques dizaines d'années?

 

 

1 – Peut-on changer la société dans le monde actuel?

 

L'idée, la possibilité même d'un changement véritable fait l'objet d'une vaste et planétaire bataille d'idée. Les thèses idéologiques du «choc des civilisations» et de la «fin de l'histoire» témoignent de l'enjeu en voulant signifier que la nouvelle période serait marquée par la fin de la confrontation de classe, la fin de la confrontation sur l'alternative au capitalisme et sur le sens même de l'histoire. La messe serait dite.

 

Le capitalisme sortirait «vainqueur» de ces bouleversements et de ces mutations qui marquent la fin du 20ème siècle. Il n'y aurait donc qu'une seule façon de penser l'avenir et de s'inscrire dans la «modernité».

 

L'ampleur de cette bataille idéologique, cependant, peut-elle masquer les réalités d'un capitalisme qui montre partout et en tous les domaines les limites inhérentes à ses modes d'exploitation, à ses modes de gestion, à son système en crise globale? Crise financière et monétaire, crise sociale et de l'emploi, crise agricole et alimentaire, crise énergétique, crise écologique... Les politiques conduites, au nom de la droite mais aussi de la social-démocratie et du social-libéralisme, n'ont fait qu'aggraver, à des rythmes divers, leurs effets brutalement régressifs et destructeurs.

 

Ne sommes-nous pas en train de toucher au bout d'une certaine forme de choix politiques pour le développement social et humain? Et cela n'appelle-t-il pas de la part des communistes et de toutes les forces progressistes à un grand effort de combativité et de créativité politique, stratégique, idéologique afin de rendre crédible une perspective nouvelle, un changement de société, un autre monde?

 

 

Les politiques conduites dans le cadre du capitalisme mondialisé ne bénéficient vraiment qu'aux intérêts d'une frange minime de la population mondiale. Le rejet de ces politiques se fait de plus en plus large et systématique et les contradictions suscitées par la mise en oeuvre de ces mêmes politiques sont de plus en plus vives. Ce contexte de haute confrontation sociale n'a donc rien à voir avec une victoire du capitalisme et une soi-disant «fin de l'histoire», bien au contraire. C'est par exemple ce que montre avec force les changements progressistes et les diverses expériences de gauche en Amérique latine.

 

Les reculs démocratiques, l'instrumentalisation des institutions et des valeurs, la complaisance vis-à-vis de l'extrême droite, du populisme et des intégrismes, l'utilisation du thème du terrorisme pour tenter de justifier les répressions, les logiques de force et les politiques hégémoniques de puissance... toutes ces «réponses» du capitalisme ne visent-elles pas à endiguer l'expression des résistances qui montent, des aspirations au changement, des colères et des révoltes contre les injustices, les inégalités et les dominations?

 

Cette crise atteint les relations internationales. En quelques années, l' hyper-puissance américaine voit sa domination contestée. En Irak, en Afghanistan, ses échecs signent une crise de la domination. Jamais dans l'histoire la politique américaine n'a été aussi largement rejetée. Les Etats-Unis cherchent à surmonter cette crise par une fuite en avant dans la force et la militarisation, par l' unilatéralisme et la guerre. Mais ils ne parviennent pas à maîtriser les relations internationales. Ce néo-impérialisme bute sur les contradictions de sa propre politique. Il produit et aggrave des insécurités et des désastres meurtriers alors que le monde nouveau et les peuples appellent des solutions collectives durables de justice sociale et d'égalité pour le développement, de droits humains et de démocratie, de résolution négociée des conflits, de désarmement et de paix.

 

De telles solutions sont-elles possibles? On nous a annoncé la fin des idéologies avec celle de l' Histoire, l'épuisement du rôle de l' Etat et l'effacement des nations dans la mondialisation, l'obsolescence du multilatéralisme et des institutions internationales comme l' ONU, le règne du virtuel de la mobilité et la « fin des territoires » comme lieu d'exercice des pouvoirs et d'intervention citoyenne... Comme s'il n'était plus possible, dans le monde actuel, de structurer des espaces privilégiés de la confrontation politique et idéologique.

 

En réalité, les territoires, les Etats, les nations, les idéologies ne disparaissent pas. L'affrontement sur la crise du capitalisme, sur les stratégies et sur l'alternative s'y déploie. Mais nous vivons dans un monde beaucoup plus complexe de multinationales et de réseaux multiples, de puissances émergentes -Etats souverains qui s'affirment-, de rivalités inter-capitalistes, de guerres économiques exacerbées, de nationalismes, de courants idéologiques identitaires, religieux ou communautaires... Cette complexité, cette nouvelle configuration de l'économie, des relations internationales et des pouvoirs peuvent-elles échapper aux luttes concrètes, à des rassemblements populaires conscients de leur poids, aux rapports de forces, au politique, à la décision politique et au rôle de l'Etat? Imposer d'autres décisions, d'autres modes de gestion et de production, d'autres valeurs comme fondement de l'action humaine mais aussi d'autres pratiques dans l'exercice du politique, n'est-ce pas le sens même de la grande bataille populaire pour la crédibilité idéologique et politique de l'alternative? N'est-ce pas ce qu'il y a de plus décisif quand le besoin de plus en plus fort et urgent de penser l'avenir, et de construire un avenir différent, se heurte aux logiques d'un capitalisme mondialisé en crise existentielle?

 

 

2 - Enjeux de classe et enjeux de civilisation

 

Le nouvel état du monde issu de la rupture historique des années 90 est-il simplement une phase nouvelle du capitalisme? N'est-il pas plus fondamentalement un changement de civilisation en cours? Les nouvelles technologies de l'information et de la consommation produisent une véritable révolution dans les rapports au travail, à la production, au savoir, dans l'ensemble des rapports sociaux... Cela ne change-t-il pas radicalement non seulement les conditions de l'affrontement de classe mais aussi la conception même de l'être humain au travail et la nature du travail. Cela ne permet-il pas aussi une approche économique et sociale différente de la productivité, et un recul salutaire du productivisme? Ces potentialités -car rien n'est acquis sans lutte- n'ouvrent-elles pas la perspective possible d'un mode de production et de croissance qui fait reculer les rapports d'exploitation pour une forme de libération humaine, dans la production et dans l'ensemble des activités sociales, fondée sur un emploi sécurisé et de haute qualification, sur une démocratie avancée et de nouveaux droits?

 

Partage de pouvoirs, des savoirs, des richesses... Un nouvel âge de la démocratie est possible dans une conception inédite de l'être humain au travail et en société, avec en perspective la construction de sociétés de la connaissance partagée. Un tel changement de civilisation est naturellement indissociable des mutations du capitalisme. N'est-ce pas à l'intérieur de celui-ci que se dessine les rapports sociaux, les relations internationales, les conditions de la sécurité et du développement humain durable de demain? L'eau, l'énergie, l'alimentaire, la santé, l'éducation, la culture doivent s'imposer comme des biens communs de l' Humanité et se soustraire à la marchandisation capitaliste. Le besoin de réponses collectives aux problèmes communs, la nécessité d'un multilatéralisme dans l'égalité, de l'affirmation d'institutions légitimes et du droit international traduisent l'exigence d'un monde de paix, de coopérations et de solidarités. Le capitalisme globalisé fait naître contre lui les bases d'un nouvel universalisme porteur de valeurs, de perspectives politiques, de droits et de libertés, de pratiques sociales qui correspondent à l'aspiration progressiste pour un autre monde.

 

L'enjeu écologique et du rapport des êtres humains au monde est dans cet esprit décisif. L'idée de l'unicité de la planète et du monde s'impose en effet aujourd'hui comme un principe fondamental, un rapport social essentiel. Il faut construire des rapports sociaux et de production capables d'assurer la préservation de l'environnement et le futur de tous les éco-systèmes. Mais cette idée de l'unicité du monde, contraire aux modes d'exploitation et de prédation du capitalisme, ne peut-elle pas devenir une force, un espoir d'avenir partagé et de monde meilleur?

 

Le combat des communistes et des progressistes pour changer la société et le monde est donc multiple. Il épouse la complexité et les mutations de ce monde. Il touche à chacun des rapports essentiels qui caractérisent celui-ci: le rapport au travail et à la production dans le cadre de la mondialisation capitaliste; le rapport de l'être humain à son environnement au sens du rapport écologique; les rapports de puissance et la domination néo-impérialiste.

 

L'intervention politique et citoyenne -comme le mouvement alter-mondialiste l'a montré- ne peut pas ne pas croiser ces grands enjeux, toutes les questions qui s'y rapportent et qui structurent l'avenir de notre monde. Ce grand défi de civilisation appelle des solidarités politiques et sociales, un internationalisme de nouvelle génération qui corresponde à notre période, aux mutations du capitalisme, à ce nouvel universalisme à naître ou à faire naître. Le «mouvement communiste international» tel qu'il fut n'est plus d'actualité. De nouvelles convergences et actions communes sont à construire pour l'émancipation humaine, pour la préservation de la planète, pour la paix, pour une mondialité positive. Pourquoi ne pas explorer les voies de la construction d'un «Forum» ou d'un réseau largement ouvert et sans hiérarchie grâce auquel toutes les forces qui se réclament de la transformation sociale, au-delà de leur dénomination, pourraient s'informer, s'écouter et agir ensemble?

 

 

3 - L’Europe peut-elle devenir un levier pour une autre mondialisation ?

 

La politique menée au nom de « l’Europe » est à ce point contraire à tout projet progressiste ; le fonctionnement de l’Union européenne tourne tellement le dos aux aspirations à la démocratie participative ; ses orientations fondamentales sont si imbriquées, tant sur le plan économique que stratégique à celles des grands groupes des marchés financiers comme des puissances dominantes –notamment des Etats-Unis- que l’idée de pouvoir en faire un levier pour une autre mondialisation paraît complètement utopique.

Ce sentiment légitime nourrit le rejet de l’Union européenne et l’invention d’une « Europe » idéale, déconnectée des réalités. Cela conduit d’un côté à laisser le terrain de la construction européenne aux forces sociales et politiques qui la dominent présentement ; de l’autre, à promouvoir une « alternative » totalement inopérante.

Notre ambition doit être de créer les conditions du dépassement de cette contradiction.

Pas question de laisser aux dirigeants actuels de l’Union européenne le monopole de l’usage de cet espace, de cet outil et de ce projet. C’est tous les jours qu’il faut leur disputer le terrain à partir des attentes des européens auxquelles les décisions prises au nom de « l’Europe » s’avèrent de plus en plus incapables de répondre. Notre perspective européenne alternative doit s’enraciner dans les luttes concrètes au quotidien, à l’ échelle de toute l’Union européenne. Et dans le même temps, elle ne gagnera sa crédibilité qu’au travers d’une bataille d’idée à même de mettre en évidence tout ce qui, dans les structures actuelles de l’Union, bloque la satisfaction des aspirations grandissantes et en ouvrant le débat sur le sens des transformations nécessaires.

C’est cette démarche stratégique qui a permis à un débat citoyen d’un niveau sans équivalent de se développer en France durant la campagne précédent le référendum sur le projet de traité constitutionnel en 2005. C’est cette démarche qui doit nous guider en permanence sur les enjeux européens en France. Et c’est cette même démarche que nous devons valoriser auprès des forces de progrès à l’échelle de toute l’Union.

 

Les points d’appui pour une telle démarche ne manquent pas ! Trois exemples :

 

La question sociale oppose aujourd’hui la majorité des européens aux orientations stratégiques de l’actuelle Union : pression sur les salaires et les dépenses publiques, « flexibilité », privatisation des services publics. Mais aussi libre circulation des capitaux, libre-échange, irresponsabilité de la BCE… Voilà de vastes terrains où la construction de convergences dans l’action comme dans la réflexion est à portée de main. La première raison d’être de l’Union européenne c’est de se donner les moyens de porter un modèle social, écologique et culturel avancé dans la mondialisation.

 

La question démocratique taraude également comme jamais les dirigeants européens, habitués depuis un demi-siècle à conduire leurs affaires à l’abri des peuples. Le Non français du 29 mai 2005 – par la façon dont il a été acquis et par le message exigeant et moderne qu’il a exprimé- fut le premier affrontement politique direct entre des citoyens et le pouvoir européen sur des choix fondamentaux de l’Union. Cette exigence d’avoir voix au chapitre est plus diffuse dans d’autres pays, mais elle monte partout. Voilà un autre terrain où des convergences de portée transformatrice peuvent être suscitées. Une deuxième raison d’être de l’Union européenne c’est de rendre plus accessible aux citoyens des centres de décision toujours plus éloignés par la mondialisation.

 

La question du rôle mondial de l’Union enfin est au cœur d’interrogations de plus en plus présentes. Face à la banalisation de la guerre, au scandale de la famine, aux criantes inégalités de développement ; face aux ravages d’un système qui engloutit dans la spéculation des ressources colossales et menace jusqu’à l’avenir des espèces et de la planète elle-même, ce que fait l’Europe, devient une question récurrente. Il faut s’emparer de cette interpellation pleine de sagesse et potentiellement porteuse de profondes exigences transformatrices.

 

Refonder l’Europe pour en faire levier pour changer le monde peut bel et bien devenir une ambition politique de très grande portée en même temps qu’un objectif hautement mobilisateur.
Repost0
13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 21:10

Les acquis de plusieurs décennies de puissants mouvements de désaliénation populaire vis à vis des formes les plus dures de l'exploitation capitaliste sont aujourd'hui fragilisés et profondément remis en cause par un capitalisme désormais mondialisé et largement dominé par une financiarisation qui soumet la nature et toutes les activités humaines, le vivant lui-même, à la recherche exclusive du profit.

Nous sommes confrontés à une véritable entreprise de régression  qui touche à la fois aux équilibres sociaux, humains et naturels, aux fondements éthiques et démocratiques du vivre ensemble que l'humanité dans sa diversité et à partir de ses aspirations et de ses luttes à commencé à construire.

Il apparaît de plus en plus clairement que le capitalisme n'est plus confronté à des crises cycliques qu'il  pense pouvoir surmonter sans remettre en cause ses propres fondements mais à une crise systémique et de longue durée, une crise qui atteint tous les aspects de la vie, qui déstructure les dimensions solidaires des rapports sociaux, qui détruit méthodiquement notre environnement et dilapide nos ressources naturelles.

Nous faisons face à la fois à des crises sociale, écologique et financière, du travail et de l'emploi, de l'énergie, de l'eau et de l'ensemble des ressources naturelles, de l'alimentation et de la démographie, des villes et des territoires, de la démocratie et de la citoyenneté.

Les désastres sociaux et environnementaux, les guerres, les famines, les poussées de violence, d'autoritarisme, d'exclusion, bref le spectacle du monde tel qu'il va, démontre chaque jour un peu plus que le capitalisme n'est pas en mesure de résoudre cette crise globale, cette crise de civilisation, et qu'il y a urgence à agir en faveur de son dépassement et à inventer l'avenir.

Une conviction est de plus en plus partagée que ces crises ne sont pas fatales et qu'elles appellent autant d'avancées de civilisation, au sens de la poursuite de l'hominisation et de l'émancipation humaine, qui remettent en cause les modes de production et d'échanges capitalistes, la recherche exacerbée du profit, et au delà l'ensemble des rapports de domination , d'exploitation et d'aliénation qui gouvernent le monde, les êtres humains et la nature depuis des millénaires.

C'est pourquoi, si le dépassement du capitalisme conditionne une politique nouvelle de civilisation, il n'en est pas le préalable. La crédibilité de notre analyse et de notre projet politique doit reposer sur notre capacité, avec d'autres forces, à élaborer, à faire partager et à imposer dès maintenant à l'échelle planétaire, un mode de développement qui soit à la fois durable, soutenable et renouvelable sur le plan écologique, générateur de progrès social, d'épanouissement individuel et d'émancipation humaine, démocratique et citoyen sur le plan politique, tant dans la gestion de la cité et des territoires que dans celle des lieux où se déroulent les activités humaines de production, de consommation et de services.

Penser un autre mode de développement est central dans l'élaboration d'un projet politique transformateur pour le 21ième siècle, un développement qui implique le dépassement de toutes les formes de domination et d'exploitation de l'homme par l'homme, de la femme par l'homme, de la nature par l'espèce humaine.

Il s'agit en effet d'inventer un développement non productiviste, susceptible de préserver la planète pour notre génération et celles qui viennent tout en maintenant et en poursuivant notre ambition d'égalité et de justice sociale.

Refuser la décroissance absolue parce que contradictoire avec cette ambition doit nous conduire à penser autrement ces questions en repensant la notion et les contenus de la croissance: produire comment, en faveur de qui et pour répondre à quels besoins? Comment garantir l'accès de tous aux biens et aux services indispensables, tout en garantissant la liberté de choix pour chacune et chacun  à partir de ses aspirations individuelles? Comment mettre l'être humain et son environnement naturel au coeur du développement alternativement aux logiques à court terme du profit? Comment redéfinir notre combat contre la toute puissance des marchés financiers qui dominent l'économie réelle et nous donner ainsi les moyens d'une autre politique? Comment réinventer l'appropriation sociale des biens communs de l'humanité? Comment renouveler notre approche du travail, de sa finalité, de son contenu, de  son statut et de sa rémunération? Comment repenser notre vision même de l'individu en transgressant les approches économiques, sociales, psychologiques ou politiques en le réinscrivant à partir de sa globalité dans sa réalité anthropologique dans le travail et hors du travail? Comment garantir à nouveau le droit aux savoirs, aux arts et à la culture, aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, le droit à la santé et au sport, à l'habitat et à la ville où la beauté et la fonctionnalité se conjugueraient , le droit enfin à une consommation de qualité?

Construire un nouveau mode de développement  au coeur d'un projet politique transformateur suppose d'opérer quatre révolutions essentielles.

                              

        1.Une révolution économique, financière et sociale

 

Un nouveau mode de développement, c'est d'abord une action publique résolue en faveur d'une maîtrise citoyenne sociale et écologique des marchés dominés aujourd'hui par le capitalisme financier et productiviste.

-une action publique qui garantisse la liberté de choix des individus au sein du marché des biens de consommation courante. Cette liberté doit aller de pair avec l'invention d'une production nouvelle garantissant, en terme de coût et de respect de l'environnement et de la santé humaine, l'accès de tous à des produits de qualité. Les droits des salariés dans les entreprises, les droits des consommateurs doivent être étendus afin d'assurer cette qualité et cette accessibilité.

-Une appropriation publique et sociale des biens communs de l'humanité : pôles publics, services publics nouveaux , décentralisés et démocratisés doivent permettre l'accès de tous  et la maîtrise pour chacun d'une eau et d'une énergie propre, durable et renouvelable, des écosystèmes naturels, de l'habitat et des équipements urbains, ainsi que le droit à la santé et au sport, à l'éducation et la recherche, aux arts et à la culture, la libre  circulation des idées et des informations ainsi que la communication des individus entre eux et à l'échelle planétaire.

-Un dépassement du marché du travail par la sécurisation tout au long de la vie des parcours d'emploi et de formation ainsi que de revenus. Cela va de pair avec une redéfinition des contenus du travail et del a formation, de leurs liens avec la recherche ainsi que de l’extension des droits des travailleurs dans les entreprises.

-Une maîtrise publique des marchés financiers par une lutte acharnée, du local au global, contre la spéculation financière, par une maîtrise politique en France, en Europe et dans le monde des banques centrales et des organismes financiers qu'il faut démocratiser et dont il faut réorienter les finalités, enfin par la création de pôles publics bancaires et de fonds d’investissements publique décentralisés permettent d'orienter le crédit vers  l'emploi, les besoins sociaux et environnementaux.

 

        2. Une révolution écologique et énergétique

 

La crise écologique met en cause la préservation de la planète, mais aussi une dimension essentielle de l'histoire de l'humanité, son combat en faveur de l’émancipation.

La responsabilité première de cette crise ne repose pas d'abord sur des comportements individuels,  même si la résoudre implique une prise de conscience et une mobilisation de chacun d'entre nous. Nous ne sommes pas en effet confrontés à une sorte de fatalité mais au fait que le système économique dominant, le capitalisme, produit dans des conditions qui ne satisfont ni aux besoins sociaux ni aux exigences environnementales. Nous subissons un productivisme aveugle que nous avons trop souvent accompagné en pensant défendre l'emploi. Aujourd'hui, ce productivisme est totalement dépendant d'une globalisation qui n'obéit qu'à une rentabilité financière à court terme. Or, le temps court des profits est incompatible avec le temps long des écosystèmes. C'est pourquoi, il faut impérativement  intégrer le dépassement de la crise écologique comme l'un des éléments majeurs de la transformation sociale.

 

Cela nous conduit à relever plusieurs défis:
            -
Le défi énergétique indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique qui conditionne l'avenir de l'humanité et de la planète.

Ceci suppose  la maîtrise de la consommation énergétique par l'isolation des bâtiments , le développement des transports collectifs et du ferroutage , un moratoire sur les autoroutes et le développement de la voiture propre.

Un programme de grande ampleur de recherche et de production des énergies renouvelables de manière à remplacer progressivement les énergies fossiles.

La promotion d’un nucléaire sécurisé et propre par la recherche, la transparence, la démocratie.

 

                        - Le défi de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement .

Outre les propositions pour lutter contre le réchauffement climatique développées ci-dessus  nous y trouvons la volonté de diminuer de moitié l'utilisation des pesticides, doubler les surfaces agricoles cultivées en bio, appliquer le principe de précaution concernant les OGM , protéger la biodiversité et économiser les ressources naturelles. Toutes propositions qui vont dans le bon sens. Soyons conscients qu’il faudra les imposer aux grands semenciers et aux multinationales comme Monsanto. Ce qui s'est passé début avril à l'Assemblée nationale et au Sénat montre bien que  la droite en est bien loin, comme il lui sera sans doute difficile de transférer au rail une partie du transport de marchandises assuré par la route et de s'opposer à  la SNCF qui veut fermer des centaines de gares de fret. Et qu'en sera-t-il de l'isolation thermique des bâtiments? 

Tout cela pose la question du «qui  paie », sans alimenter la spéculation immobilière et en liant cette « révolution énergétique » à  la résolution de l’intolérable crise actuelle du logement. Le « qui paie » pose en grand la question d’une autre fiscalité à la fois plus efficace sur le plan environnemental et plus juste socialement . Il pose la question du financement à l’heure des menaces de privatisation qui pèsent sur la Caisse des Dépôts alors qu'elle devrait devenir la banque publique du développement durable. Il faut d’urgence rattraper notre retard en matière de recherche et de production d'énergies renouvelables mais comment le faire quand on se prive de la maîtrise publique des choix industriels énergétiques et que l’on privatise les outils essentiels que sont nos services publics de l’énergie et que l’on soumet la recherche publique aux intérêts privés.

La nécessité de la maîtrise publique d’une politique écologique va d’ailleurs bien au delà de l’énergie. N'oublions ni l’eau, ni les déchets, ni la biodiversité. C'est ce que le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) vient de souligner dans un rapport: «  si l’on veut vraiment résoudre la crise écologique, il faut arrêter la privatisation généralisée des ressources et des services ».

Si le capitalisme est capable aujourd’hui de trouver dans l’écologie un champ nouveau de profits par exemple en dépolluant sans cesse ce qu’il a pollué, crise sociale et crise écologique forment un nœud que la logique libérale ne peut trancher, un nœud illustré par deux questions  essentielles : celle de savoir au bénéfice de qui on veut résoudre la crise écologique subie aujourd'hui par les plus pauvres, celle de dépasser les formes politiques de domination et de gestion dans les territoires et les entreprises au profit d’une démocratie participative et citoyenne, question singulièrement absente du Grenelle.                          

 

Deux autres révolutions sont constitutives d'un autre mode de développement même si elles ne sont citées ici que pour mémoire parce qu'elles seront traitées dans d'autres textes. Elles n’en pas moins décisives.

 

3.  La revolution de l’art, de la connaissance et de l’information.

 

L'irruption d'une véritable révolution dans les savoirs scientifiques et technologiques, des arts et de la culture, liée à une révolution informationnelle qui bouleverse l'histoire même de l'hominisation et de l'intelligence humaine, pose la question du refus de leur marchandisation et de leur appropriation sociale et citoyenne, enfin de leur mise en débat afin de les articuler étroitement aux enjeux sociaux et écologique de transformation.

 

      4.  La révolution démocratique.

 

Elle doit impérativement conduire au dépassement de la crise actuelle de la représentation politique et des formes actuelles de gouvernance par le développement d'une démocratie participative de coélaboration et de codécision dans les villes, les territoires comme dans les entreprises. Cela doit nous amener à des réformes profondément démocratiques de l'Etat et des institutions, de la décentralisation et des rapports entre le local, le territorial, le national et l'Europe, enfin de l'invention de dispositifs nouveaux permettant une intervention citoyenne réelle et efficace sur les plans économique, social, culturel et écologique.

 

 

Repost0
13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 21:09

 

Repérer les dominations et les formes d’exploitationdans la société est indispensable pour qui veut travailler à la changer. Elles sont déterminantes dans l’évolution des comportements politiques, dans la pensée et l’action des individus. Développer des cultures communes de transformations progressistes suppose aussi de cerner toutes les dynamiques sociales pouvant être actrices du projet.

Ceci nous amène  à nous interroger sur les concepts qui jusqu’ici ont présidé à notre analyse du monde et aux moyens à se donner pour le transformer.

 

Quel diagnostic sur la société actuelle ?

 

  • On estime aujourd’hui que  11,4 millions de salariés – 41 % de la population active – se trouvent «  en situation d’emploi  inadéquat » au sens du BIT (1)avec près d’un tiers de la population à considérer comme largement précarisée
  • Cette situation engendrée par le déferlement des politiques ultralibérales-  démontage des protections sociales, privatisations, marchandisation, mise en concurrence de la force de travail et délocalisations, précarisation, chômage massif- produit de nouveaux facteurs de division, avec la  dissociation accrue entre ‘salaire’ et ‘revenu’, avec un effet de dé-solidarisation entre ceux qui peuvent vivre de leur travail et ceux qui sont rendus dépendants d’allocation multiples en remplacement de salaire
  • Elle influe directement sur la vie quotidienne des individus-  qu’ils ou elles soient salariés , chômeurs, précaires....-  et sur  leur rapport aux autres, leur conscience et leur citoyenneté 
  • La mondialisation du capitalisme financiarisé étend ces rapports sociaux à l’ensemble de la planète entrainant à la fois le développement des inégalités entre les entre les peuples, les individus, les territoires et une mise en concurrence des dominés.
  • Le monde du travail s’est profondément modifié  en trente ans et avec lui  les rapports sociaux, les rapports entre individus qui le composent, la conscience de la nécessité d’une action collective, voire le sentiment d’appartenance à une «  classe sociale ». Un nombre important de travailleurs de la recherche en fait désormais partie. Les ouvriers sont aujourd’hui 25,5% de la population active contre 40 % en 1969.Le tertiaire compte 10 millions de salariés pour 4 millions à l’industrie ce qui conduit  certains chercheurs comme les Delaunay à parler de  « société de service » .La population active féminine est de12,5 millions alors qu’elle n’était que de  6,5 dans les années soixante. « L’essentiel du renouvellement des forces de travail en France s’est fait par les femmes » (Margaret Maruani) avec dans le même mouvement un développement du secteur des services et des  emplois crées surtout à temps partiels ou sous qualifiés.

 

Enjeu de classe , enjeu politique

 

  • Aujourd’hui, des catégories  nouvelles se mettent en lutte- caissières, salariés sans papiers, précaires du tourisme etc…Cela nous interpelle sur le contenu et la pratique de notre activité pour être utiles à ce « nouveau » monde du travail en rapide précarisation, pour le prendre tel qu’il est plutôt que considérer comme des obstacles la situation de ces travailleurs qui désormais ne sont plus « nouveaux » ni « originaux » mais partie constitutive du monde du travail contemporain.
  • Les efforts incessants de la droite et de la bourgeoisie pour individualiser les rapports sociaux ne datent pas d’aujourd’hui. Le « travailler plus  pour gagner plus », le « tous propriétaires », le thème du mérite personnel de Sarkozy viennent de loin et sont renouvelés aujourd’hui , face aussi aux déceptions liées à l’échec du social-libéralisme . Le néolibéralisme mise sur l’individualisation des rapports sociaux - des parcours professionnels, rémunérations, grilles de qualifications, etc - et la destruction de la conscience, de l’action collectives en  s'appuyant sur l'aspiration incontournable et grandissante à la réalisation de soi même dans le travail.
  • Ce qu’on désigne comme «  conscience de classe » a considérablement reculé, en raison des mutations du salariat, de la force idéologique du néolibéralisme, de la faiblesse à gauche de reconstruire une large conscience de l’antagonisme de classe entre capital et travail tel qu’il se développe aujourd’hui poussent à réfléchir une stratégie de classe émancipatrice visant à unir progressivement les dominés, à partir d’un positionnement clair face à  l’antagonisme capital/travail tel qu’il traverse tous les domaines de la société et la planète
  • De multiples dominations pèsent sur les mêmes personnes, particulièrement les femmes, les jeunes ou les immigrés. Discriminations de genre, d’origine, racistes et xénophobes se superposent avec les formes  d’exploitation capitaliste.
  • Ainsi, le vécu subjectif- individuel ou collectif- des différentes dominations devient un élément déterminant de la réalité complexe à prendre en compte pour l’activité politique et le développement des luttes et solidarités.

·        Cette situation engendre de grandes différences et donc de grandes contradictions à l’intérieur du salariat et de la société qui sont  autant d’enjeux de rassemblements et de luttes pour avancer et construire dans toutes ses facettes une politique alternative.

  • Ce qui implique un gros travail idéologique et théorique pour agir sur les facteurs de division – dans le processus d’exploitation et en raison de discriminations – et pour rechercher ce qui peut au contraire favoriser des constructions communes, des convergences et alliances nouvelles, des réponses politiques rassembleuses.

 

Tendances de division et potentiels d’unité

 

  • Quant à l’unité de la classe ouvrière entre français et immigrés  qui se construisait sur le lieu de leur exploitation,  et entraînait ainsi  une certaine communauté de vie, elle  se voit mise à mal aujourd’hui. L’immigration  elle-même a changé en même temps que la population française a changé avec les vagues successives d’immigration, et la dégradation générale des rapports sociaux pèse sur ces relations.
  • Les évolutions au sein de ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre (exclusion du travail, précarisation avec perte de lien à un lieu de travail et avec les collègues….) plaident en faveur d’une construction de l’unité contre la classe dominante aussi hors du travail  et pour une sécurisation de l’emploi de la formation et des revenus.  Les élections municipales nous ont montré que les résultats n’étaient pas les mêmes  là où les populations des territoires particulièrement délaissés se sentaient considérées et représentées et là où elles s’en sentaient une fois de plus exclues. Les nombreuses luttes ‘contre la marchandisation’ de pans supplémentaires de l’activité humaine ouvrent de nouveaux champs de confrontation de classe.
  • La mondialisation est ici aussi à prendre en compte pour le changement qu’elle induit non seulement dans la production et la distribution des richesses mais aussi dans les rapports sociaux et humains à l’échelle de la planète. L’action des travailleurs de Dacia en Roumanie, pour exemplaire qu’elle soit, témoigne de la difficulté qu’il y avait jusqu’ici à intervenir sur le fond des raisons des délocalisations pour travailler à l’unité de l’ensemble des travailleurs et donc contre la mise en concurrence de l’ensemble des salariés du local au mondial.

 

  • Si de nouveaux obstacles existent sur la voie de l’union des exploités, dominés, opprimés dans leur action pour se libérer de toute forme d’exploitation et de domination, on peut aussi considérer que de nouvelles voies s’ouvrent pour engager de nouvelles mobilisations et recherche de solidarités. Construire une nouvelle unité contre la  classe dominante, c’est travailler au dépassement des divisions, c’est aussi favoriser l’unité de celles et ceux qui n’estiment pas être « dominés » ou « exploités » là où domination s’exerce, là où la discrimination se fait jour. C’est considérer  la « double peine » pesant sur les femmes : en l’occurrence la double domination qui pèse sur elle et que nous voulons donc à ce titre combattre.

 

Quelle approche pour construire le fondement de notre politique

 

  • Faut-il chercher ce qui peut fonder une unité de situation entre celles et ceux que le PCF souhaite représenter ? Ou bien ne faut-il pas plutôt chercher à construire une unité politique de celles et ceux qui vivent de profondes différences de situation –salariés, précaires, non salariés - sans vouloir gommer ces différences ?
  • Faut-il à tout prix chercher à définir les contours d’une nouvelle classe ouvrière, d’une nouvelle « classe salariale » porteuse de changements radicaux, ou au contraire chercher à rassembler  toutes celles et tous ceux qui ont à subir la domination de la classe capitaliste et du patriarcat aujourd’hui ?
  • Nous  proposerions de suivre la seconde partie de l’alternative en cherchant à mobiliser et unir  « une vaste classe de semblables différents » ( S. Bouquin ) Car ce qui peut unir ces femmes et ces hommes, c’est d’avoir à subir, le pouvoir de dominations  conjuguées  un système économique, politique, social, une logique servant les intérêts d’une minorité exerçant un pouvoir de classe sur l’immense majorité à l’aide de  choix politiques . D’où la nécessité impérieuse pour s’en débarrasser de travailler à unir des femmes et des hommes, à partir de leur situation concrète sans vouloir en gommer les différences et  de lier la construction de leur unité politique à la définition d’un projet de transformation de la société, dans lequel chaque composante sociale trouve des réponses d’avenir et sa place dans le processus d’action pour le changement. Ce qui suppose de construire idéologiquement et politiquement  le lien entre les raisons spécifiques de chaque mobilisation. Et d’y travailler indissociablement à chacune des échelles où s’exercent  les pouvoirs afin de modifier le rapport de forces politiques.

 

 

(1) c’est à dire un emploi qui ne permet pas de vivre décemment, de prévoir l’avenir, de préserver ses compétences et sa santé

Au 01/01/2006, on dénombre 3 089 000 entreprises, 92,75% d’entre elles n’ont aucun salarié ou de 1 à 9 salariés, 7% ont de 10 à 499 salariés. Les entreprises de plus de 500 salariés sont au nombre de 1537 et représentent 0,05% du total. Les secteurs du commerce et des services regroupent 2 410 000 entreprises, la construction 382 000, l’industrie 296 000.

29% d'actifs sont employés, 24% ouvriers, 23%intermédiaires, 15% cadres, 6% artisans, commerçants et entrepreneurs, 2,7% agriculteurs. On appelle parmi les actifs milieux populaires' les 7 millions d'ouvriers et les 8 millions d'employés".

Repost0
13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 21:07

  Les participants à l’atelier ont conçu cette note comme un document d’étape de notre travail. Elle a pour objet de résumer les questions que nous nous sommes posés, et la nature de nos échanges. Il ne s’agit donc pas du tout d’un texte préjugeant de la façon dont le congrès devrait aborder la question du communisme, mais bien de pointer les difficultés auxquelles nous sommes confrontés pour le faire de manière utile et efficace.

 

1.  Pourquoi traiter une nouvelle fois la question du « communisme » ?

Pour tous les participants à l’atelier, le communisme est une exigence plus actuelle que jamais. Personne ne défend la conception d’une « nécessité du communisme » qui reprendrait une conception déterministe de l’Histoire. Mais l’accord est profond sur l’idée que les contradictions qui se creusent dans l’immense crise actuelle du capitalisme développent des exigences et des potentialités inédites de transformation émancipatrice des sociétés et du monde.

Le « communisme » demeure pour ces raisons une référence fondamentale de nos conceptions et de notre action. Bien au-delà du projet politique, nécessairement variable en fonction des grands enjeux de chaque époque, c’est une ambition qui lui donne son sens le plus profond : l’émancipation humaine, donc le dépassement historique des systèmes d’exploitation, de domination et d’aliénation, aujourd’hui le capitalisme.

C’est cette ambition qui caractérise pratiquement, théoriquement, philosophiquement notre vision de l’homme et de l’humanité. C’est elle qui donne de l’épaisseur à ce que nous proposons, qui fait sa radicalité spécifique, qui peut lier action concrète et « rêve » ou « idéal ». Si nous avons rompu avec l’idée de construire « le meilleur des mondes », notre spécificité politique demeure d’adosser un projet politique à cette vision d’une humanité capable de transcender son destin et de sortir de ce que Marx appelait la « préhistoire humaine ».  A défaut, nous ne pourrions être qu’une force « plus à gauche », faisant disparaître de l’espace politique une dimension essentielle du mouvement ouvrier et de notre histoire politique.

Et pourtant, la question du « communisme » se pose à nous, de congrès en congrès. A ce stade de notre travail, nous y voyons plusieurs raisons essentielles, évidemment liées :

·         Inséparable d’un « mouvement réel » de transformation de l’ordre existant, le communisme est confronté au défi de répondre aux évolutions ultrarapides qu’impose la très profonde crise actuelle du capitalisme. Il doit répondre aux questions nouvelles de notre époque – mondialisation, écologie, révolution technologique informationnelle, etc. – et aux aspirations ou exigences ambivalentes qu’elles font émerger. « Mouvement réel », il pose donc en permanence et de manière indissociable la question du projet dans lequel il peut s’incarner à chaque moment, et de la stratégie qui vise, en fonction des conditions moment, à « unifier le prolétariat ».

·         L’échec, jusqu’à aujourd’hui, des tentatives de transformations sociales - celles qui se sont réclamées du communisme comme celles qui participaient d’une vision social-démocrate – repose inlassablement la question d’une perspective et d’une action authentiquement émancipatrice.  

·         L’histoire politique du communisme, tout au long du 20ème siècle, la densité de cette histoire, l’ampleur de son impact sur notre société comme sur le monde, marquent la perception du « communisme » de façon profondément contradictoire.

D’un côté, elle reste liée à d’immenses efforts d’émancipations qui se sont traduits de différentes façons selon les pays et les périodes : l’épopée révolutionnaire des pays qui ont pour la première fois tenté de construire une alternative au capitalisme, les combats de la classe ouvrière dans nombre des pays occidentaux développés, les guerres d’indépendance des peuples colonisés, etc.

De l’autre, elle renvoie massivement, au delà des crimes commis au nom du communisme, à un système qui a échoué, sur le plan économique comme sur celui de la démocratie et des libertés, et a été dans la plupart des cas balayé par l’histoire. Assez généralement, le mot communisme est, dans ses ombres comme dans ses lumières, connoté à une période passée.

Le fait est que nous n’avons pas réussi jusqu’à présent à dépasser cette ambivalence du « communisme » pour lui redonner un contenu et une image positive.

·         Cette ambivalence traduit une très profonde « crise du communisme » – dans notre pays comme à l’échelle mondiale – dont nous ne sommes pas sortis. Comme nous l’avons dit lors de précédents congrès : une conception du communisme a échoué. Nous avons fait beaucoup d’efforts pour élucider et critiquer les causes de cet échec. Nous avons remis en cause certains aspects de cette conception et produit des avancées en plusieurs domaines essentiels. Mais nous n’avons pas, en l’état, réussi à donner un contenu fort et cohérent à une conception actuelle du communisme, concrètement en prise avec les réalités de notre temps.

Quelles sont, dans le capitalisme mondialisé d’aujourd’hui, les principales contradictions de classes ?  Quels sont les acteurs de la lutte de classes, et comment se forme leur « conscience » ? Que signifie aujourd’hui « révolution » ? Quelles formes penser « d’appropriation collective » et de « services publics » ? Qu’est-ce aujourd’hui que  « l’Etat » ? Où sont les « pouvoirs » à conquérir (au sein des institutions nationales, infranationales, supranationales ? dans les entreprises, les multinationales, la finance…)? Que devient l’opposition entre l’Etat et le marché ? Par quels outils penser la maîtrise collective des finalités et des conditions du travail ? Quelle place de l’individu par rapport au collectif ? Quelle relation entre liberté et égalité ? Quelle conception de la démocratie ? Quelles formes de propriété ? Quelle vision de la nation et de ses rapports à l’Europe et au monde ? Etc.

C’est à de telles questions qu’il faut apporter des réponses cohérentes, à partir d’une analyse actuelle du capitalisme et de toutes les dominations, pour proposer les principaux repères d’un mouvement émancipateur dans la société et le monde tels qu’ils sont aujourd’hui.

 

2.  Quels objectifs pouvons-nous nous donner, de ce point de vue, pour le 34ème congrès ?

Il ne saurait être question, en quelques mois, de prétendre apporter toutes les réponses à ces questions sur lesquelles bute tout le mouvement progressiste depuis plusieurs décennies. Elles exigeront de toute évidence un immense travail d’analyse et d’élaboration qui demandera non seulement du temps, mais le concours de forces intellectuelles, sociales et politiques nombreuses et diverses.

L’objectif du congrès, en revanche, pourrait être de formuler clairement certains choix politiques, donnant visibilité et crédibilité à notre volonté de porter une conception neuve et attractive du communisme.

a)   Reconnaître que le « communisme » est en crise.

Cette question a fait débat. Plusieurs camarades considèrent en effet qu’on ne peut pas parler de crise du communisme. L’un, soulignant que le communisme n’a jamais existé nulle part, propose plutôt de parler de crise de la politique suivie par certains partis communistes. Un autre considère que cette expression supposerait l’idée d’un « dépassement » du communisme lui-même. Un troisième prolonge cette idée en estimant que l’idée de « crise du communisme » relève d’une confusion entre les fins et les moyens : ce qui est en crise ne concernerait que les moyens mis en œuvre tout au long du 20ème siècle au nom de l’idéal communiste.

Le débat a bien fait apparaître le contenu politique précis de ce désaccord. Personne effet ne soutient que parler de « crise du communisme » reviendrait à nier l’exigence d’une ambition émancipatrice qui est l’essence même de ce que nous appelons « communisme », ni les potentialités qui se développent en ce sens. En revanche, il ne paraît pas possible de contester les éléments objectifs et subjectifs d’une véritable « crise », notamment : l’échec des expériences qui se sont réclamées du communisme ; l’écart considérable qui sépare notre vision positive du communisme d’expériences qui s’en réclament aujourd’hui ; les difficultés politiques que connaissent beaucoup de partis communiste tels que le nôtre ; la connotation négative qui accompagne l’idée de communisme dans l’esprit de beaucoup d’hommes et de femmes. Au fond, parler de crise renvoie bien à la confrontation de ce qui est à dépasser, et de ce qui est en train d’émerger pour faire vivre une conception neuve du communisme, en prise avec les réalités et les aspirations de notre temps.

Dans ces conditions, le choix politique consistant à reconnaître la réalité de cette crise pourrait, en marquant une volonté de recul critique et constructif, devrait permettre de comprendre et faire comprendre les difficultés que nous connaissons, et donner crédit à nos efforts de renouveau.

Lui donner tout son sens implique, sans minimiser en rien l’état de la situation, d’articuler ce constat à l’analyse des obstacles et des impasses qui sont celles de l’ensemble du mouvement progressiste ; et de marquer avec force notre détermination à ne rien lâcher de ce qui est l’essence même de ce que nous voulons : une action radicalement transformatrice fondée sur notre ambition d’émancipation humaine.

b)   Affirmer les choix à partir desquels nous voulons travailler à une conception neuve du communisme.

Il s’agirait là d’énoncer aussi précisément que possible, à partir de nos avancées de la période passée, des éléments clefs de ce que nous entendons aujourd’hui par communisme, en rupture avec les conceptions anciennes. Ainsi d’un processus révolutionnaire maîtrisé de bout en bout par le(s) peuple(s) ; de la place de l’individu dans la société ; de la conception de la démocratie ; d’une nouvelle vision de l’internationalisme ; de la relation entre l’exploitation capitaliste et l’ensemble des aliénations ; etc.

Partie intégrante de ces éléments de rupture, il s’agirait aussi de dépasser les dimensions objectives d’analyse pour donner une expression sensible de ce qui motive, au plus profond de chacun-e d’entre nous, l’engagement communiste : refus, révolte et colère d’un côté ; envie d’un monde meilleur, d’une véritable fraternité, d’une autre façon de vivre ensemble.

L’idée est avancée par un camarade que notre congrès pourrait énoncer à partir de là une sorte de déclaration de principes définissant « l’identité » de notre communisme, ce qui permettrait de s’inscrire dans l’actualité du débat à gauche. Et de montrer « au positif » les leçons que nous tirons de l’histoire du communisme au 20ème siècle.

c)   Donner sens et cohérence au regard que nous portons sur l’histoire du communisme.

De la période stalinienne au « rapport attribué au camarade Khrouchtchev », puis à l’affirmation du « bilan globalement positif », nos positionnements ont produit dans la société l’idée d’un long soutien, puis, jusqu’à la fin, d’un « soutien relatif » aux expériences qui se sont réclamées du « communisme ».

Certes, nous avons procédé tout au long des dernières décennies à des remises en cause très importantes d’éléments clefs du « modèle » soviétique : dictature du prolétariat, centralisme démocratique, marxisme-léninisme, etc. Mais faute d’être inscrites dans une cohérence forte, faute aussi d’être accompagné de l’effort de renouveau nécessaire, ces remises en cause, au coup par coup, n’ont pas fait sens dans la société.

Il ne s’agirait pas, au prochain congrès, de revenir une énième fois sur ce que nous avons déjà dit. Encore moins d’aborder cette question difficile sous l’angle politiquement injuste et inopérant de la contrition. Reste que, selon l’expression d’un camarade, il nous faut aller au bout d’une exigence de vérité. Tentons d’en dire clairement la logique d’ensemble. Et de pousser l’effort jusqu’à exprimer les raisons pour lesquelles nous avons si longtemps apporté notre soutien, même « relatif », aux régimes qui se réclamaient du « communisme ».

Cela nécessitera de clarifier notre positionnement actuel à l’égard de régimes qui se réclament aujourd’hui du communisme. Etant naturellement précisé que ce positionnement ne saurait être uniforme tant les réalités sont différentes, par exemple en Chine, au Vietnam ou à Cuba.

d)   Poser clairement la question de l’image du communisme.

Cela implique d’abord de faire un « état des lieux ». C’est pourquoi l’atelier a proposé de faire procéder à une étude qualitative permettant de cerner aussi rigoureusement que possible ce qu’est aujourd’hui l’image du communisme dans la société.

Afin de contribuer à cette réflexion, il a également été prévu un programme d’auditions afin de savoir quelle approche ont de la question du communisme d’autres forces politiques de gauche, en France ou à l’étranger.

Plus généralement, il est nécessaire de réfléchir à la façon de changer positivement l’image du communisme dans la société. Les questions de fond sont évidemment l’essentiel. Mais il y a aussi la question des symboles, comme le mot « communisme » lui-même. Ce sont des questions si difficiles que nous avons parfois cherché à les résoudre sans les poser, comme pour l’abandon de la faucille et du marteau. La crainte étant, à poser de telles questions, qu’elles polarisent le débat au détriment des questions de fond.

Mais face aux questions existentielles qui nous sont posées, il faut faire le pari que nous serons capables et de faire des choix politiques novateurs, et de réussir à les rendre visibles et compréhensibles pour la société.

 

 

Repost0
13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 21:00

 

La question clé du projet politique

 

En 2007, la victoire de Nicolas Sarkozy a été celle d’un projet politique, comprenant des « réformes » structurelles de la société en tout domaine (économique, social, institutionnel) pour la conformer aux règles du capitalisme mondialisé et se traduisant en normes de vie personnelle (« travailler plus pour gagner plus »…). Ce projet, auquel la droite et le grand patronat ont beaucoup travaillé, tient compte des réalités de notre pays. En même temps, ses grands traits et ses thèmes idéologiques se retrouvent dans tous les programmes et discours des droites européennes. À leur manière, les victoires récentes de Berlusconi en Italie et des conservateurs en Grande-Bretagne en confirment la  « force de frappe ».

 

Nos concitoyens font depuis un an l’expérience de ce projet destructeur de leur pouvoir d’achat, de leurs acquis sociaux, de leurs droits et libertés, de leurs services publics, que le gouvernement et le Medef sont décidés à continuer à appliquer. Lors des élections du printemps 2008, elles et ils ont exprimé leur insatisfaction en sanctionnant la droite ou en s'abstenant. Mais de nouveau, ce vote n’a pas exprimé une adhésion à un projet alternatif. De nouveau, il a été un vote par défaut. Dans ces conditions, comme l'indiquait la résolution du Conseil national du PCF des 29 et 30 mars 2008, « aucune force politique n'a de rente de situation », « les Français jugeront à chaque élection de l'offre politique, de l'offre de projet qui leurs seront présentées, c'est cela qui d'abord les déterminera ».

 

C'est autour de projets politiques construits à partir des préoccupations et des exigences des citoyens que se sont réalisés les rassemblements à l’occasion des élections municipales et cantonales. Cette expérience permet de mesurer combien la question du contenu de projets d’avenir à opposer à la droite est désormais déterminante.

 

Ce qui est vrai pour les territoires l’est plus encore pour la société, pour l’Europe et le monde. À bien des égards, nous sommes entrés, l’humanité est entrée dans une époque nouvelle. Il ne s’agit pas seulement, même si c’est évidemment indispensable, de reconsidérer des conceptions qui ne correspondent plus aux réalités ; il s’agit bien davantage de se donner celles qu’appellent les réalités et les évolutions de cette époque, de ses ravages et aussi de ses potentiels totalement inédits, de répondre aux questions essentielles pour leur propre devenir que se posent les hommes et les femmes de notre temps.

 

Un défi urgent à gauche

 

Cette exigence ne peut pas être remise à plus tard. Elle doit permettre à chaque individu de maîtriser les enjeux, d'intervenir et de décider. C'est la question majeure de la période qui s'ouvre.

 

Or, si la droite et les forces du capital ont produit cet effort, en France et au plan mondial, les forces populaires, progressistes, les forces de gauche ne sont pas en état de proposer un projet d'avenir clairement identifiable. Peut-on transformer les réalités dans l’intérêt des peuples, peut-on améliorer concrètement la vie dans les conditions d’aujourd’hui, par quel moyens et avec qui ? Il n’y a pas, dans les conditions actuelles, de réponses claires, convaincantes, susceptibles d’emporter majoritairement la conviction et donc de passer dans la réalité. Cette absence d’un projet concret de transformation de la société contribue au « brouillage » des repères et des valeurs et favorise ainsi les débauchages ou les tentatives de recomposition au centre. Elle conforte l’idée dominante que la mondialisation capitaliste est indépassable et qu’il faudrait seulement l’aménager pour l’humaniser un peu. Elle contribue à rendre plus difficiles et à limiter la portée des mobilisations pour s’opposer à la politique de Nicolas Sarkozy en ne leur proposant pas le cadre d’ensemble dans lequel pourraient s’inscrire les exigences qu’elles expriment.

 

Peut-on combler ce vide ? Peut-on donner à voir ce que peuvent être les grands traits d’un projet d’avenir, un espoir réalisable accompagné d’une nouvelle manière de faire de la politique dont les femmes et les hommes de gauche ont besoin pour s’investir et se rassembler, une perspective crédible de transformation de la société, de l’Europe, du monde à vocation majoritaire ?

 

Comment relever ce défi, élaborer ce projet ?

 

C’est ce défi que le Parti communiste se propose de relever car l'urgence politique est là. La vocation même d’un tel projet est de devenir la référence d’hommes et de femmes, de forces qui ne se reconnaissent pas dans le seul PCF ; son élaboration s’enrichira nécessairement de leur apport. C’est déjà le cas : notre peuple aspire à des changements véritables et produit de nombreuses idées ou propositions qui révèlent cette ambition, et les communistes contribuent à cette construction. Et cet apport doit aussi être celui de toutes les forces qui, en Europe et dans le monde, inscrivent leur action dans le sens de solutions alternatives au capitalisme mondialisé.

 

Ce projet d’avenir n’est pas la description d’un monde ayant dépassé tous les systèmes d’exploitation et de domination, réalisant la visée d’émancipation humaine que nous nommons le communisme. Mais sa démarche, qui consiste à partir des réalités sans jamais s’en détacher, du vécu de millions d’hommes et de femmes, des rapports de forces réels ; qui travaille à identifier les principales contradictions de notre époque, les moyens concrets de les surmonter, les forces capables de se mettre en mouvement et de se rassembler pour y parvenir ; qui se donne pour ambition de donner à voir le sens dans lequel il est possible de transformer la société, l’Europe, le monde – cette démarche est au sens véritable du terme la démarche communiste.

 

De quelle portée peut être dans ces conditions le fait que notre parti élabore un projet politique de cette nature et le mette en débat ?

 

N’est-ce pas se mettre en situation de faire une « offre » politique claire et synthétique donnant à voir comment nous entendons répondre à la volonté de changement de notre peuple ? Les objectifs que nous proposons au besoin de se rassembler majoritairement ? Ce pour quoi il vaut la peine de mobiliser avec ténacité et imagination son énergie, son intelligence afin de battre un adversaire puissant qui ne fera aucun cadeau ; afin de déjouer les embûches de toutes sortes qui ne manqueront pas de survenir ?

 

Élaborer ce projet politique, n’est-ce pas dire quelles sont, de notre point de vue, les réformes « incontournables », autrement dit nécessaires à prendre,  des réformes représentant de vrais progrès, à la hauteur des problèmes et des possibilités d’aujourd’hui et sans lesquelles rien ne peut vraiment et durablement changer dans le bon sens ? Des réformes politiques conçues pour répondre concrètement aux réalités, aux contradictions de notre époque, qui touchent à l’économie, au social, aux institutions, à l’organisation de la société, au mode de développement, à l’Union européenne, à l’« ordre » du monde…

 

Élaborer ce projet, n’est-ce pas se doter d’un outil indispensable pour faire se lever le débat sur ce que la gauche doit proposer et réaliser ? Pour parvenir à ce que ce débat devienne un débat populaire dont nul à gauche ne puisse s’abstraire ? Pour travailler à transformer le rapport des forces tant au sein de la gauche que dans le pays entre les idées d’acceptation de la domination capitaliste et celles de lutte pour dépasser cette domination ?

 

Élaborer ce projet, n’est-ce pas proposer un ensemble de transformations réalisables dans les années à venir ? Des transformations cohérentes entre elles,  dont chacune permettrait d’avancer dans le sens de logiques alternatives à celles qui aujourd’hui brident le développement et l’émancipation de chacune et de chacun.

 

Élaborer ce projet, n’est-ce pas dire à quelles conditions il serait possible à notre peuple d’oeuvrer à bâtir son avenir en France, en Europe et dans le monde d’aujourd’hui ?

 

Pour le Parti communiste, élaborer son projet, en fondant le renforcement de son influence sur sa capacité à le rendre crédible, n’est-ce pas aider notre peuple à se donner les moyens réels dont il a besoin pour construire son avenir ? N’est-ce pas, par conséquent, une condition de l’efficacité de l’activité militante communiste individuelle et collective ?

 

 

 

Repost0

Présentation

  • : BLOG SECTION GARD RHODANIEN du PCF
  • BLOG  SECTION GARD RHODANIEN du PCF
  • : Les activités et les réflexions des militants communistes et des élu(e)s du P.C.F section du Gard Rhodanien.
  • Contact

Recherche

Journaux De Section