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12 octobre 2008 7 12 /10 /octobre /2008 12:13
Immanuel Wallerstein, chercheur au département de sociologie de l'université de Yale, ex-président de l'Association internationale de sociologie
"Le capitalisme touche à sa fin"
LE MONDE | 11.10.08 |

ignataire du manifeste du Forum social de Porto Alegre ("Douze propositions pour un autre monde possible"), en 2005, vous êtes considéré comme l'un des inspirateurs du mouvement altermondialiste. Vous avez fondé et dirigé le Centre Fernand-Braudel pour l'étude de l'économie des systèmes historiques et des civilisations de l'université de l'Etat de New York, à Binghamton. Comment replacez-vous la crise économique et financière actuelle dans le "temps long" de l'histoire du capitalisme ?

Immanuel Wallerstein : Fernand Braudel (1902-1985) distinguait le temps de la "longue durée", qui voit se succéder dans l'histoire humaine des systèmes régissant les rapports de l'homme à son environnement matériel, et, à l'intérieur de ces phases, le temps des cycles longs conjoncturels, décrits par des économistes comme Nicolas Kondratieff (1982-1930) ou Joseph Schumpeter (1883-1950). Nous sommes aujourd'hui clairement dans une phase B d'un cycle de Kondratieff qui a commencé il y a trente à trente-cinq ans, après une phase A qui a été la plus longue (de 1945 à 1975) des cinq cents ans d'histoire du système capitaliste.
Dans une phase A, le profit est généré par la production matérielle, industrielle ou autre ; dans une phase B, le capitalisme doit, pour continuer à générer du profit, se financiariser et se réfugier dans la spéculation. Depuis plus de trente ans, les entreprises, les Etats et les ménages s'endettent, massivement. Nous sommes aujourd'hui dans la dernière partie d'une phase B de Kondratieff, lorsque le déclin virtuel devient réel, et que les bulles explosent les unes après les autres : les faillites se multiplient, la concentration du capital augmente, le chômage progresse, et l'économie connaît une situation de déflation réelle.

Mais, aujourd'hui, ce moment du cycle conjoncturel coïncide avec, et par conséquent aggrave, une période de transition entre deux systèmes de longue durée. Je pense en effet que nous sommes entrés depuis trente ans dans la phase terminale du système capitaliste. Ce qui différencie fondamentalement cette phase de la succession ininterrompue des cycles conjoncturels antérieurs, c'est que le capitalisme ne parvient plus à "faire système", au sens où l'entend le physicien et chimiste Ilya Prigogine (1917-2003) : quand un système, biologique, chimique ou social, dévie trop et trop souvent de sa situation de stabilité, il ne parvient plus à retrouver l'équilibre, et l'on assiste alors à une bifurcation.

La situation devient chaotique, incontrôlable pour les forces qui la dominaient jusqu'alors, et l'on voit émerger une lutte, non plus entre les tenants et les adversaires du système, mais entre tous les acteurs pour déterminer ce qui va le remplacer. Je réserve l'usage du mot "crise" à ce type de période. Eh bien, nous sommes en crise. Le capitalisme touche à sa fin.

Pourquoi ne s'agirait-il pas plutôt d'une nouvelle mutation du capitalisme, qui a déjà connu, après tout, le passage du capitalisme marchand au capitalisme industriel, puis du capitalisme industriel au capitalisme financier ?

Le capitalisme est omnivore, il capte le profit là où il est le plus important à un moment donné ; il ne se contente pas de petits profits marginaux ; au contraire, il les maximise en constituant des monopoles - il a encore essayé de le faire dernièrement dans les biotechnologies et les technologies de l'information. Mais je pense que les possibilités d'accumulation réelle du système ont atteint leurs limites. Le capitalisme, depuis sa naissance dans la seconde moitié du XVIe siècle, se nourrit du différentiel de richesse entre un centre, où convergent les profits, et des périphéries (pas forcément géographiques) de plus en plus appauvries.

A cet égard, le rattrapage économique de l'Asie de l'Est, de l'Inde, de l'Amérique latine, constitue un défi insurmontable pour "l'économie-monde" créée par l'Occident, qui ne parvient plus à contrôler les coûts de l'accumulation. Les trois courbes mondiales des prix de la main-d'oeuvre, des matières premières et des impôts sont partout en forte hausse depuis des décennies. La courte période néolibérale qui est en train de s'achever n'a inversé que provisoirement la tendance : à la fin des années 1990, ces coûts étaient certes moins élevés qu'en 1970, mais ils étaient bien plus importants qu'en 1945. En fait, la dernière période d'accumulation réelle - les "trente glorieuses" - n'a été possible que parce que les Etats keynésiens ont mis leurs forces au service du capital. Mais, là encore, la limite a été atteinte !

Y a-t-il des précédents à la phase actuelle, telle que vous la décrivez ?

Il y en a eu beaucoup dans l'histoire de l'humanité, contrairement à ce que renvoie la représentation, forgée au milieu du XIXe siècle, d'un progrès continu et inévitable, y compris dans sa version marxiste. Je préfère me cantonner à la thèse de la possibilité du progrès, et non à son inéluctabilité. Certes, le capitalisme est le système qui a su produire, de façon extraordinaire et remarquable, le plus de biens et de richesses. Mais il faut aussi regarder la somme des pertes - pour l'environnement, pour les sociétés - qu'il a engendrées. Le seul bien, c'est celui qui permet d'obtenir pour le plus grand nombre une vie rationnelle et intelligente.

Cela dit, la crise la plus récente similaire à celle d'aujourd'hui est l'effondrement du système féodal en Europe, entre les milieux du XVe et du XVIe siècle, et son remplacement par le système capitaliste. Cette période, qui culmine avec les guerres de religion, voit s'effondrer l'emprise des autorités royales, seigneuriales et religieuses sur les plus riches communautés paysannes et sur les villes. C'est là que se construisent, par tâtonnements successifs et de façon inconsciente, des solutions inattendues dont le succès finira par "faire système" en s'étendant peu à peu, sous la forme du capitalisme.

Combien de temps la transition actuelle devrait-elle durer, et sur quoi pourrait-elle déboucher ?

La période de destruction de valeur qui clôt la phase B d'un cycle Kondratieff dure généralement de deux à cinq ans avant que les conditions d'entrée dans une phase A, lorsqu'un profit réel peut de nouveau être tiré de nouvelles productions matérielles décrites par Schumpeter, sont réunies. Mais le fait que cette phase corresponde actuellement à une crise de système nous a fait entrer dans une période de chaos politique durant laquelle les acteurs dominants, à la tête des entreprises et des Etats occidentaux, vont faire tout ce qu'il est techniquement possible pour retrouver l'équilibre, mais il est fort probable qu'ils n'y parviendront pas.

Les plus intelligents, eux, ont déjà compris qu'il fallait mettre en place quelque chose d'entièrement nouveau. Mais de multiples acteurs agissent déjà, de façon désordonnée et inconsciente, pour faire émerger de nouvelles solutions, sans que l'on sache encore quel système sortira de ces tâtonnements.

Nous sommes dans une période, assez rare, où la crise et l'impuissance des puissants laissent une place au libre arbitre de chacun : il existe aujourd'hui un laps de temps pendant lequel nous avons chacun la possibilité d'influencer l'avenir par notre action individuelle. Mais comme cet avenir sera la somme du nombre incalculable de ces actions, il est absolument impossible de prévoir quel modèle s'imposera finalement. Dans dix ans, on y verra peut-être plus clair ; dans trente ou quarante ans, un nouveau système aura émergé. Je crois qu'il est tout aussi possible de voir s'installer un système d'exploitation hélas encore plus violent que le capitalisme, que de voir au contraire se mettre en place un modèle plus égalitaire et redistributif.

Les mutations antérieures du capitalisme ont souvent débouché sur un déplacement du centre de "l'économie-monde", par exemple depuis le Bassin méditerranéen vers la côte Atlantique de l'Europe, puis vers celle des Etats-Unis ? Le système à venir sera-t-il centré sur la Chine ?

La crise que nous vivons correspond aussi à la fin d'un cycle politique, celui de l'hégémonie américaine, entamée également dans les années 1970. Les Etats-Unis resteront un acteur important, mais ils ne pourront plus jamais reconquérir leur position dominante face à la multiplication des centres de pouvoir, avec l'Europe occidentale, la Chine, le Brésil, l'Inde. Un nouveau pouvoir hégémonique, si l'on s'en réfère au temps long braudélien, peut mettre encore cinquante ans pour s'imposer. Mais j'ignore lequel.

En attendant, les conséquences politiques de la crise actuelle seront énormes, dans la mesure où les maîtres du système vont tenter de trouver des boucs émissaires à l'effondrement de leur hégémonie. Je pense que la moitié du peuple américain n'acceptera pas ce qui est en train de se passer. Les conflits internes vont donc s'exacerber aux Etats-Unis, qui sont en passe de devenir le pays du monde le plus instable politiquement. Et n'oubliez pas que nous, les Américains, nous sommes tous armés...


Propos recueillis par Antoine Reverchon
Article paru dans l'édition du 12.10.08
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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 19:30
VOULOIR UN MONDE NOUVEAU,
LE CONSTRUIRE AU QUOTIDIEN

INTRODUCTION

        Nous avons une conviction : dans la phase critique que traversent notre monde, notre pays confronté à la politique brutale de Nicolas Sarkozy, les forces de gauche et notre propre parti, nous ne relancerons pas un nouvel espoir de changement en nous contentant de ravaler la façade. Pour toutes celles et ceux qui aspirent à construire un autre monde, le temps est venu de repenser le changement, d’en redéfinir le sens dans les conditions du XXIème siècle, d’inventer les voies et les moyens de ces transformations dans le monde tel qu’il est devenu.
        Bien des voix, bien des événements, bien des échecs subis nous invitent au renoncement. Ce n’est pas notre choix.
        Les potentiels d’émancipation sont réels. Mais nous sommes lucides: sans une ambition politique collective, partagée dans notre société, pour formuler un projet d’émancipation de notre époque, sans le rassemblement des forces susceptibles de porter ce nouveau projet, la contestation du système capitaliste mondialisé, les tentatives de s’en libérer resteront condamnées à des échecs répétés.
        Le chantier est immense, mais il n’attend pas. Il y a urgence. Le peuple souffre durement de l’état du monde et de la politique mise en œuvre par Nicolas Sarkozy et le Medef. Il cherche à retrouver espoir en l’avenir sans avoir le sentiment que la politique lui permet aujourd’hui de trouver les réponses.
        Nous voulons contribuer, avec lui, à lever ces interrogations. Pour nous, communistes, qui fondons notre engagement sur l’ambition de dépassement du système capitaliste et de toutes les aliénations du monde actuel, l’essence de notre combat est questionnée. Nous sommes à un moment charnière.
        L’enjeu est sans conteste d’entrer dans une nouvelle étape de notre histoire. Nous visons donc avec ce congrès l’engagement dans un important travail de refondation de nos analyses, de notre projet, de l’avenir de notre parti.

Nous sommes face à quatre défis :
  •  
    • - Nous avons changé de monde et d’époque. Nous vivons une mutation de civilisation, la crise de la mondialisation capitaliste s’amplifie, et tout cela change très profondément les conditions du combat que nous menons.
    • - La politique mise en oeuvre depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, qui amplifie avec violence le cours des politiques néo-libérales menées dans notre pays depuis des années, fait mal à notre peuple, abîme notre pays et ses atouts, dégrade son rayonnement. L’avenir de la France est en jeu.
    • - La crise de la gauche s’aggrave. Elle n’offre pas de perspective de changement crédible, et la droite encourage son éclatement entre social-libéralisme et protestation sans projet pour qu’elle ne soit plus susceptible de lui disputer le pouvoir. Le risque existe de l’effacement de toute perspective de changement transformateur à vocation majoritaire.
    • - L’originalité du communisme français, mariant la critique globale du système et une visée de transformation sociale radicale, le souci du développement de luttes populaires et d’idées nouvelles de transformation, avec une ambition et une implication de changement immédiat, est menacée. Nous voulons relever ces défis et nous en mesurons la difficulté. Nous ne le ferons pas seuls. Nous ne résoudrons pas tous les problèmes qui sont devant nous d’ici notre congrès, mais nous voulons nous donner un cap clair pour avancer et travailler, pour pouvoir parler, agir sans attendre, construire un nouvel espoir avec toutes celles et ceux qui, comme nous, souhaitent ne pas se résigner au monde actuel et en France à la politique du pouvoir de droite en place. 

UNE NOUVELLE EPOQUE, UN AUTRE MONDE.


        Le monde dans lequel nous vivons désormais appelle-t-il et permet-il encore la mise en oeuvre d’un projet de changement dans notre pays ? De la réponse apportée à cette question dépend en grande partie la crédibilité du combat que nous menons.

        Or, si chaque individu a désormais conscience que son avenir dépend peu ou prou de ce qu’on appelle la mondialisation, celle-ci est majoritairement vécue comme un obstacle majeur à un tel projet de changement. C’est l’une des principales difficultés auxquelles nous nous heurtons.
Pour notre part, nous ne pensons pas que la mondialisation, qui est devenue notre quotidien, qui peut donner espoir ou effrayer mais est et restera notre réalité, ferme la porte à des changements émancipateurs. Au contraire, elle peut être une chance de progrès immense, de mise en commun inédite pour l’humanité. Le processus de mondialisation actuel a été et demeure piloté par les exigences d’un capitalisme financier et ultralibéral qui soumet la nature et toutes les activités humaines, le vivant lui-même, à la recherche exclusive du profit. C’est l’obstacle à lever. Nous puisons aujourd’hui dans une analyse renouvelée et actualisée de l’état du monde la conviction qu’un autre mode de développement, une autre conception du développement humain sont nécessaires et possibles.

        Mais les combats à mener doivent partir des réalités d’aujourd’hui, non d’un monde qui a vécu.
Nous avons changé d’époque et sommes entrés dans une véritable mutation de civilisation. Nous vivons un état du monde en transformation permanente, très instable, une nouvelle période historique marquée par une accumulation de crises et de processus de transformations dans tous les domaines qui sont autant de défis pour le monde et pour l’humanité.

        Ne pas le voir, se tromper d’époque, c’est apparaître, même à notre corps défendant, comme les défenseurs des acquis d’un monde perdu, plutôt que comme les porteurs des potentiels du monde nouveau qui cherche à se construire. C’est surtout ne pas agir sur les bons leviers, les lieux de pouvoir qui décident réellement de l’avenir, les représentations qui façonnent les consciences.

        Quels sont, à grands traits, quelques-uns des enjeux de ce nouvel état du monde ? Révolution informationnelle, révolution des connaissances.

     Révolution informationnelle, biogénétique, nanotechnologies… La croissance exponentielle des nouvelles technologies de l’information et de la communication, leur diffusion dans la société, le nouvel âge dans lequel sont entrées les connaissances bouleversent notre quotidien. Ces révolutions accroissent de façon spectaculaire les capacités d’expression et de création des êtres humains, qui n’ont jamais eu autant de possibilités d’agir sur leur milieu de vie, pour le meilleur comme pour le pire. Les problèmes éthiques soulevés, les choix de civilisation sont considérables. L’accélération de ces changements bouleverse en continu le travail, les technologies, les sciences, les produits, la consommation, les rapports au territoire et à la nature, change la structure, l’organisation, la localisation des activités salariées, déplaçant le centre de gravité des chaînes de fabrication vers les bureaux d’étude.

            La création de richesse dépend de plus en plus de l’appropriation des connaissances, des savoirs, des compétences. Cette révolution transforme les rapports de production, les rapports sociaux, en appelle de nouveaux.           

        Avec ces révolutions, les besoins et les possibilités d’intervention et d’association des producteurs que sont les salariés sont plus grands que jamais. La tendance à la prédominance des activités informationnelles accroît les exigences de partage, ouvre des champs immenses au développement et à la mise en commun des capacités créatrices des salariés et des individus, ce que Bill Gates nomme avec mépris le « communisme informationnel ». Cela exacerbe les antagonismes capitalistes, en créant des conditions objectives de son dépassement. Mais le capitalisme, lui, tente d’exploiter cette révolution dans le seul but d’accroître la rentabilité financière des capitaux, organise le partage des savoirs sous le contrôle des multinationales pour faire « rendre plus de valeur aux actionnaires », capte et asservit les intelligences sans diffuser les pouvoirs, bride, verrouille, domine, contrôle, instaure les péages, marchandise.

        Le partage et la mise en commun de ces potentiels contre leur confiscation capitaliste est un des grands enjeux du XXIème siècle.

Nouvelle phase de la mondialisation capitaliste.

La domination capitaliste s’intensifie et s’étend à toute la planète, à tous les champs d’activité humaine. C’est l’autre dimension structurante de l’actuelle mondialisation. La libéralisation des mouvements de capitaux a permis la mondialisation d’un capitalisme financiarisé à outrance, piloté par l’exigence de rendements financiers exorbitants, poussant à la surexploitation des mains-d’œuvre, à leur mise en concurrence exacerbée. La déréglementation financière et commerciale a poussé un ultralibéralisme forcené des échanges, une mondialisation des processus mêmes de production, au service des plus grands groupes capitalistes transnationaux, poussant à la marchandisation de toutes les activités humaines, à une mise en concurrence planétaire des salariés, à la privatisation des services publics, au recul des souverainetés économiques et alimentaires, mais aussi à une interdépendance accrue de toutes les économies.

        Les grandes organisations internationales, comme le FMI, la Banque mondiale, l’OMC, ont été transformées en instruments de ces processus de domination.

        Cette mondialisation sous domination capitaliste creuse des inégalités redoutables entre pays et régions du monde, comme au sein de chaque pays. La contre-offensive néo-libérale, qui a pris forme dans les années 80 et 90, doit faire face à une critique grandissante de la domination des marchés et des institutions chargées de les « réguler ». Elle génère des ravages sociaux, écologiques et sociétaux grandissants, des contradictions explosives et des inquiétudes sur le devenir même de la planète.
        D’autant que le fait nouveau de ces dernières années est l’enchaînement des crises, financière, énergétique, environnementale, alimentaire, avec la résurgence d’« émeutes de la faim », affirmant et amplifiant une crise systémique de longue durée. Face aux nouveaux défis de l’humanité, le mode de développement capitaliste éprouve les limites historiques de son efficacité.

        Le capitalisme présentait sa globalisation comme la fin de l’histoire. Sa capacité à assurer l’avenir du développement humain est aujourd’hui en question.

L’avenir de la France en jeu.

      Dans ce processus de mise en concurrence à l’échelle du monde, l’avenir de la France est doublement mis en jeu : parce que des acquis sociaux, démocratiques, culturels, marquants de son histoire, empreints des valeurs fondatrices de notre République (liberté, égalité, fraternité) sont menacés d’être mis en pièces ; parce que les forces capitalistes de notre pays ont décidé non plus de composer avec ces acquis mais de tourner la page et de les liquider pour se jeter à corps perdu dans la compétition capitaliste mondialisée.
        La politique de Nicolas Sarkozy marque de ce point de vue une rupture. Code du travail, Sécurité sociale, services publics, école publique, enseignement supérieur et recherche publique, laïcité, libertés publiques, création culturelle, institutions républicaines, ouverture au monde… tout ce qui fonde une conception progressiste de la personnalité de la nation française est sur la sellette.

        L’avenir de la France est aussi en question dans la crise très profonde qui est celle de toute la construction européenne, crise de projet, de confiance et de crédibilité.

        Ce sont non seulement les couches populaires, mais la grande majorité de la population qui est menacée par l’insécurité sociale. Les grands groupes français ou franco-européens détruisent désormais plus qu’ils ne contribuent au développement de l’emploi et de la ressource fiscale en France, fondant à l’instar des groupes transnationaux leurs stratégies financières sur la mise en concurrence des territoires, le pompage des aides publiques, des fiscalités à bas coût qui asphyxient nos finances publiques.

    Ces politiques et ces stratégies tournent le dos au développement national, à la construction d’une Europe de progrès, à l’atout que pourrait justement représenter l’engagement de notre pays dans un mouvement de transformation sociale à l’échelle européenne et mondiale.

Un salariat mondial en plein bouleversement.

Les transformations du capitalisme étendent le champ des dominations mais aussi celui des résistances. Le mouvement de « salarisation » des populations actives se généralise à tous les pays.

              Ce mouvement est marqué par de profondes contradictions.

        La crise du travail, de sa finalité est une dimension importante, notamment dans des pays comme le nôtre, où la financiarisation malmène l’entreprise et le travail, où l’intensification de l’exploitation provoque stress et souffrances grandissants. Cela s’oppose aux potentiels de rapprochement des salariés, à leurs aspirations croissantes à être correctement payés, à être respectés, à se former, se cultiver, évoluer, à intervenir dans les gestions.
              Si des luttes sociales et politiques mettant en cause les conditions de l’exploitation mondialisée se développent dans de nombreuses régions de la planète, si la formule « prolétaires de tous les pays, unissez-vous » n’a jamais été autant d’actualité, le capital a beaucoup d’avance sur les salariés en la matière. La mise en concurrence, le chômage, la précarisation qui accompagnent l’extension du salariat constituent de puissants facteurs de division des milieux populaires.

        La conscience des intérêts collectifs recule ou se cherche face à des puissances capitalistes qui en se mondialisant semblent s’être mises hors de portée des luttes, d’autant plus que les convergences internationales, même européennes, demeurent balbutiantes.

        Le rejet de la mondialisation peut fort bien aller de pair dans ces conditions avec le développement d’égoïsmes individuels ou catégoriels, de nationalismes ou de communautarismes qui apparaissent faute de mieux comme la seule manière de se protéger et de ne pas perdre ses acquis ou ses valeurs dans la compétition mondiale. La période dans laquelle nous sommes entrés nécessite donc un énorme travail politique et idéologique de mobilisation et de solidarisation des salariés et des peuples.

Une crise très profonde des modes de développement.

        Notre époque est aussi celle d’une prise de conscience que l’avenir même de la planète est menacé si on continue comme cela.

          Un productivisme aveugle, obéissant prioritairement aux lois du profit, gaspille les ressources naturelles, met gravement en cause les écosystèmes et la biodiversité, et est aujourd’hui responsable d’une augmentation considérable des émissions de gaz à effet de serre. Les désastres climatiques touchent en priorité les plus pauvres de la planète. Le pillage des ressources naturelles qui s’est accéléré ces dernières décennies aiguise les conflits pour leur appropriation. Crises sociale, financière, écologique, crises du travail, de l’emploi, de l’énergie, de l’eau, de l’alimentation, de la consommation, crises démographique, urbaine, démocratique s’aggravent et se nourrissent les unes les autres.
           Une conviction s’affirme que ces crises appellent d’autres avancées de civilisation, qui non seulement remettent en cause les modes de production et d’échange capitalistes, la financiarisation de l’économie, la recherche effrénée du profit, mais au-delà l’ensemble des rapports de domination, d’exploitation et d’aliénation qui gouvernent le monde, les êtres humains et la nature depuis des millénaires.
        Il s’agit d’inventer un mode de développement humain durable, non productiviste, susceptible de préserver la planète pour notre génération et celles qui viennent tout en maintenant et en poursuivant l’ambition d’égalité et de justice sociale.

        Le capitalisme n’est pas ce système d’avenir. Le temps court des profits est incompatible avec le temps long des écosystèmes. Le dépassement de la crise écologique devient un élément majeur de la transformation sociale.

Révolution des consciences et nouveau rapport au monde.

        Dans la mondialisation, les rapports au temps et à l’espace se transforment. Les migrations humaines s’amplifient, charriant le brassage des cultures et le choc des inégalités. Les forces capitalistes s’emploient à imposer leur vision du monde et leurs valeurs. La mondialisation a pris des formes d’ « occidentalisation » du monde avec des stratégies et des processus néo-impérialistes d’hégémonie économique, sociale, culturelle, idéologique.

        Une culture de guerre permanente, la fameuse thèse du « choc des civilisations », avec en effet miroir l’irruption de l’intégrisme et du fondamentalisme instrumentalisant les questions des identités, des religions, nourrissent de prétendues oppositions civilisationnelles entre des « communautés » présentées comme antagoniques, avec comme corollaire des affaiblissements démocratiques, un recul des valeurs universelles d’émancipation humaine, un refus mutuel de la reconnaissance légitime de la diversité culturelle et au bout du compte d’une communauté de destin pour des avancées communes de civilisation.

        Malgré cela, l’aspiration à des valeurs de progrès et de solidarité a cependant résisté et de nouvelles aspirations à l’émancipation ont émergé. La conscience sociale de l’unicité du monde a véritablement progressé. Dans ce chahut des consciences, des sentiments très contradictoires cohabitent, d’autant que d’autres interrogations essentielles ont surgi sur la responsabilité humaine dans le devenir de notre civilisation :
  •    sur la notion de progrès, sur la place de l’individu, sur les enjeux éthiques, démocratiques, sociaux, écologiques, culturels et scientifiques
  •      un nouvel universalisme perce dans la mondialisation.
Nouvelles conflictualités.

        Nous vivons un état du monde issu d’une transformation radicale du système des relations internationales depuis la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique il y a quelque vingt ans. Les Etats-Unis ont cherché une hégémonie sans rival dans une logique de guerre permanente – dite « guerre contre le terrorisme » - qui a pris toute sa dimension après le 11 septembre 2001.
        Mais cette stratégie néo-impérialiste, qui se heurte aux réalités d’un monde beaucoup plus complexe que la rhétorique idéologique utilisée par George Bush, débouche sur un fiasco en Irak et en Afghanistan. Elle nourrit une impasse dramatique dans le conflit israélo-palestinien où l’injustice choquante subie par le peuple palestinien alimente les tensions dans toute la région et au-delà.
        La confrontation russo-américaine dans le Caucase vient brutalement d’exacerber les tensions en aggravant les risques pour la sécurité internationale.

        Cette situation inédite depuis la fin de la guerre froide rappelle à tous, aux forces progressistes en France et en Europe, l’importance d’une mobilisation politique et citoyenne pour la paix à la hauteur des dangers et de ces nouveaux enjeux.

        Dans ce monde où les dépenses militaires atteignent à nouveau des chiffres records, les Etats-Unis restent dominants, mais, en dépit d’une puissance inégalée, ils ne sont plus en capacité de maîtriser à leur guise les relations internationales. Aussi, ils essayent comme jamais d’embarquer les puissances moyennes, comme celles de l’Union européenne, sous l’étendard de l’OTAN, dans leur logique de guerre. En même temps, de nouvelles puissances riches de milliards d’êtres humains et de très anciennes civilisations, Chine, Inde, Russie, Brésil…, émergent.

        L’hégémonie occidentale dans l’histoire du capitalisme est en question.
 
        Même profondément déstructurés par la poussée du capitalisme néo-libéral, les pays d’Afrique contestent désormais les relations de domination qui les étouffent. En Amérique latine, les changements politiques expriment des résistances croissantes.
           Aux anciennes oppositions Est-Ouest et Nord-Sud, succède une autre configuration mondiale marquée par l’exacerbation des concurrences, des contradictions et des rivalités de puissances entre capitalismes, par des tensions protectionnistes, des nationalismes, des guerres économiques violentes, des conflits politico-religieux, des guerres civiles dans des Etats déliquescents, des terrorismes…

        Le nouvel état du monde a produit une véritable mutation de la conflictualité internationale.

        Au cœur des désordres de ce nouveau monde, l’Union européenne devient un enjeu essentiel, et c’est notamment faute de refonder son projet et ses relations au reste du monde, qu’elle connaît une crise qui ne cesse de s’aggraver.

        Paix, sécurité et développement sont donc aujourd’hui des défis planétaires qui ont partie liée.

            Tout commande d’agir tout à la fois pour :
  • favoriser les conditions d’une maîtrise démocratique, publique et multilatérale du développement sur le plan mondial ;
  • relancer le désarmement ;
  • réunir les conditions sociales qui rendront solides la sécurité et la paix ; pour obtenir des changements profonds des politiques et de la conception de l’Union européenne.

Des conditions de luttes sociales et politiques transformées.

        Dans ce processus extraordinairement contradictoire qu’est la mondialisation, la bataille fait donc rage en tous domaines pour faire prévaloir ou bien des logiques de dominations renforcées, ou bien des issues d’émancipation.

            Le cours de la mondialisation n’est pas joué pour toujours, mais les conditions du rassemblement de celles et ceux qui ont intérêt à se libérer des rapports d’exploitation sont transformées.
            Les forces du capital ont marqué des points. Elles ont déployé ces dernières décennies et déploient chaque jour des efforts gigantesques pour mettre les bouleversements à l’œuvre au service de leurs intérêts, pour construire des rapports de force qui accroissent leurs dominations et en faire de véritables verrous au changement.
            Tout est fait pour faire grandir l’idée que les solutions collectives sont inefficaces et le plus souvent dangereuses. Les valeurs de l’argent sont promotionnées. Les nouvelles exigences de chaque personne humaine sont dévoyées en individualisme sans foi ni loi. L’égoïsme (individuel, communautaire, nationaliste) dispute le terrain aux besoins de mise en commun, en proportion des divisions attisées entre les peuples et les salariés, par exemple entre « assistés » et « méritants », et du renoncement à espérer peser sur le cours des choses.
        La puissance de circulation de l’information et la marchandisation culturelle sont mises au service de la normalisation de la pensée et des consciences.
            Mais, là encore, le mouvement n’est pas linéaire. Depuis les années 90, des peuples réagissent aux dégâts de ce capitalisme financiarisé et mondialisé. Les luttes se développent, parfois importantes. Comme pour le CPE en France, elles connaissent de premiers succès très significatifs.
            Le rejet croissant de la mondialisation capitaliste pousse partout (en Amérique latine, en Europe, sur tous les continents) à chercher à construire des solutions politiques, des solidarités nouvelles. Le mouvement altermondialiste en témoigne à sa manière. Les « NON » français, néerlandais et irlandais en Europe aussi d’une autre manière. Dans tous ces mouvements pointent le besoin d’alternatives qui pour le moment ne trouvent pas leur chemin.
 
          Cette crise des alternatives politiques affaiblit les forces de progrès.

         La faillite des régimes de l’Est marque les consciences. Elle est exploitée pour discréditer tout projet de dépassement du capitalisme. L’échec des modèles sociaux-démocrates, notamment européens, et le ralliement progressif des forces s’en réclamant aux politiques néo-libérales qui elles aussi échouent, accroissent le désarroi.
            Sur le plan idéologique, le clivage gauche/droite est brouillé. Les partis qui prétendent contester le système ou les logiques capitalistes, communistes ou non, sont très affaiblis. La division des forces de gauche, la déception, la colère ou la démobilisation électorale qui suivent leurs expériences gouvernementales pèsent lourdement.
            Toute la question est de savoir si les forces qui s’expriment seront capables d’inventer de nouvelles réponses, de rassembler politiquement les victimes aujourd’hui divisées et dispersées du capitalisme financier mondialisé.

              Les tentatives et les échecs, comme les nôtres en France, montrent l’extrême difficulté à surmonter les obstacles.

            Mais ce mouvement est en marche.

            Nous voulons repenser no
tre projet avec cette ambition.

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 Projet de base commune de discussion (2ème partie [1/2]: UN NOUVEAU PROJET, UN NOUVEAU CHEMIN POUR LE CHANGEMENT.) adopté au conseil national des 5 et 6 septembre 2008 

 
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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 19:16

 

UN NOUVEAU PROJET,

UN NOUVEAU CHEMIN POUR LE CHANGEMENT.

 

Ce sont tous ces défis contemporains qui nous mobilisent. Des échecs subis, des difficultés rencontrées, nous tirons des leçons, mais sûrement pas celle de renoncer au moment où le besoin d’ouvrir de nouveaux chemins au développement humain n’a jamais été aussi pressant.

Nous maintenons que l’ambition doit rester celle d’ouvrir dans un délai rapproché une perspective de changement progressiste réel. Cette perspective de changement à la fois ambitieuse (changer le monde) et immédiatement concrète (des changements tout de suite) qui marque notre originalité dans la gauche française, est un processus conflictuel qui n’avancera pas tout le temps et partout du même pas. Elle suppose la coexistence prolongée avec des forces contraires. Nous ne voulons laisser passer aucune occasion de le faire avancer. C’est donc en travaillant en permanence  à des rassemblements à toutes les échelles où c’est possible, localement, en France, en Europe, dans le monde, que redeviendront possibles petites et grandes conquêtes anticapitalistes. L’état actuel de la gauche, notre affaiblissement font douter du maintien de cette ambition. Mais c’est précisément y renoncer qui est l’une des principales causes de perte de crédibilité de la gauche.

Affirmer cette ambition, définir et rendre crédible un projet politique de changement, à fortiori dans une situation où domine l’idée de son impossibilité, y compris à gauche, c’est indissociablement énoncer le contenu des transformations qui seraient nécessaires et les moyens politiques  de leur réalisation.

Le sens et l’ambition de notre projet politique reposent donc sur quelques idées forces, dont nous voulons faire nos axes de travail dans la durée, car il n’y aura pas de raccourci avec ces exigences si nous voulons réussir le changement :

- créer en permanence les conditions d’une intervention populaire, d’une maîtrise citoyenne  et démocratique des processus de changement.

- construire, dans les conditions de la société et du monde d’aujourd’hui, l’unité des exploités et des dominés, en combattant pied à pied les logiques de domination, les idées de division sur lesquels s’appuient les forces capitalistes, en favorisant à tous les niveaux, local, national, européen et mondial, tous les rapprochements nécessaires.

-favoriser l’élaboration, à partir des contradictions du système et des besoins qui s’expriment, des grands objectifs d’un projet de changement à vocation majoritaire, travailler à les rendre crédibles, animer la confrontation à gauche sur ces choix et faire vivre sans attendre ces  axes de transformation partout où c’est possible.

- construire en toute circonstance les luttes, les rassemblements, les dynamiques, les majorités citoyennes et politiques susceptibles de porter ces réformes. Ce qui suppose l’articulation permanente entre des constructions populaires pour les discuter, les élaborer, les soutenir et les mettre en œuvre;  des constructions unitaires avec des cadres, des fronts, des alliances adaptés aux contenus portés et aux échéances affrontées ; et la recherche du rassemblement de la gauche le plus large possible sur ces idées de transformation.

Au fond, l’objectif  auquel nous ramènent toutes ces orientations d’action est celui là : comment œuvrer à ce que des millions de femmes et d’hommes, divers par les courants de pensée dans lesquels ils se reconnaissent, par les organisations politiques et sociales dont ils se sentent proches, soient suffisamment unis et résolus pour rendre incontournables des changements dont ils auront acquis la conviction qu’ils sont indispensables ?

Nous prenons dans cet esprit plusieurs grandes initiatives politiques de ripostes et de rassemblements. Ces initiatives, toutes nécessaires à nos yeux, cherchent à dépasser les oppositions ou les hiérarchies stériles entre « bas » et « haut », entre luttes et projet, entre contenus du rassemblement et formes politiques de ce rassemblement, entre constructions citoyennes et constructions politiques. La réussite du changement bute quand toutes ces dimensions ne se nourrissent pas suffisamment les unes les autres. Nous savons qu’elles n’avancent pas forcément toutes du même pas. Il faut plutôt savoir provoquer et saisir toutes les occasions de progresser.  Il n’y a pas d’automatisme à leur enchaînement ou d’emboîtement idéal. Nous pensons que c’est en travaillant de manière conjuguée et permanente à toutes ces dimensions d’une construction politique majoritaire de changement qu’elle peut réussir.

A/ DEUX FILS ROUGES DE NOTRE DEMARCHE :

 

DEMOCRATIE ET INTERVENTION CITOYENNE.

Dans tout ce que nous allons entreprendre, nous voulons mettre la démocratie, l’intervention et la participation active des citoyens au cœur de la construction du changement. Face aux dérives autoritaires et à la confiscation des pouvoirs de décision qui caractérisent les processus de mondialisation actuels, la participation des citoyens aux décisions devient une exigence universelle, une condition de la construction d’une autre mondialisation humaine et solidaire, à tous les échelons, France, Europe et monde.

Placer sans attendre cette souveraineté du peuple au centre de notre  pratique et de nos actes politiques, doit devenir une marque de fabrique de notre démarche, de notre identité communiste d’aujourd’hui.

Il s’agit d’un levier formidable, comme l’ont montré aussi bien la campagne pour le « non », que les élections municipales ou la conduite démocratique de nombreux mouvements sociaux.

Dans les élections municipales, l’élaboration des projets et des listes, la conduite des campagnes et aujourd’hui des gestions ont marqué cette originalité. Les élus communistes sont un point d’appui essentiel pour faire vivre cette démarche qui vise à redonner en toutes circonstances du pouvoir  aux citoyens. La conquête d’un nombre grandissant de ces élus est un de nos objectifs.

Nous chercherons à pousser en toute occasion cette démarche participative dans la vie politique, avec l’atout que constitue le fait d’être un parti de militants et d’élus sur le terrain.

 

UNITE DES EXPLOITES ET DES DOMINES.

Nous voulons aussi faire reculer en toutes circonstances les divisions qui affaiblissent le salariat et le mouvement populaire. Combattre toute forme d’exploitation, d’oppression, de domination suppose de rassembler toutes celles et tous ceux qui en sont victimes, dans la lutte pour s’en libérer.

Or, les conditions de cette lutte se sont considérablement modifiées. La mondialisation rapproche les humains en même temps que la domination capitaliste aiguise les antagonismes, divise les exploités. L’affirmation de l’individu est l’enjeu d’un affrontement sur le sens du collectif. Le renouvellement du monde du travail avec le doublement du nombre des femmes salariées depuis les années soixante et le développement du secteur des services, les nouveaux modes d’organisation du travail rendus possibles par les nouvelles technologies de l’information, l’explosion de la précarité, de la parcellisation, des emplois à temps partiels, la mise en concurrence exacerbée à l’échelle européenne et mondiale ont brouillé les repères anciens.

 

Pourtant la domination du capitalisme mondialisé est le fait d’une classe sociale, celle des grands capitalistes,  qui a conscience d’elle-même, et qui exerce son pouvoir sur l’immense majorité par des choix politiques.

 

Face à elle, il ne s’agit donc pas de courir après la « conscience de classe » telle qu’elle s’exprimait dans la culture ouvrière d’antan. En donnant à la lutte des classes son contenu contemporain,  nous voulons aider à construire l’unité de toutes celles et ceux qui ont intérêt à s’émanciper des dominations actuelles, la conscience de leur intérêt commun à partir de leurs différences de situation – ouvriers, techniciens, employés ou cadres, femmes et hommes salariés de toutes catégories, précaires, intellectuels, travailleurs sans papiers, sans-emploi, paysans, étudiants, retraités –, de leurs engagements multiples, de l’affirmation de leurs aspirations à l’autonomie et à l’épanouissement individuel. Dans cette bataille, l’unité du salariat, qui représente en France 92% de la population active, est un enjeu d’importance. La mise en concurrence généralisée des travailleurs crée des obstacles à cette unité, mais elle n’est pas la seule logique à l’œuvre. Parallèlement et en contradiction avec elle, se créent aussi progressivement les conditions objectives de l’émergence d’une nouvelle conscience de classe. Travailler au rapprochement de ces salariés est un défi quand tant d’entre eux estiment, parfois pour le regretter, que leur avenir se construira non pas avec les autres, mais contre les autres ou tout au moins en se protégeant d’eux.

B/ UN DEBAT INDISPENSABLE SUR LES GRANDS AXES DE TRANSFORMATION.

La réussite du changement passe par  une confrontation d’idées et de projets,  publique, permanente, exigeante, dans la population comme entre les forces sociales et politiques. La question des moyens, des ruptures  auxquelles il faudra procéder pour  parvenir à changer réellement la vie dans le monde tel qu’il est, des réformes structurantes auxquelles la gauche ne pourra se dérober est incontournable. Pour les forces de gauche, ne pas affronter ce débat, c’est miner leur crédibilité, car c’est sur cette question que bute le changement.

Voilà pourquoi nous mettons en débat trois grands axes de transformation que nous jugeons nécessaire. Ces réformes sont à nos yeux des issues possibles aux immenses blocages du système actuel, des alternatives à ses logiques destructrices. Ce n’est donc pas une perspective lointaine que nous remettons  à plus tard,  encore moins un idéal inaccessible. Nous savons qu’une société ne se transforme pas d’un bloc. Nous voulons faire avancer des changements ici et maintenant.

 

 

Quels sont à nos yeux les trois grands axes de changement incontournables ?

 

UN NOUVEAU MODE DE DEVELOPPEMENT.

Notre projet, c’est d’abord dans tous les domaines la promotion d’un nouveau mode de développement, qui soit tout à la fois durable, renouvelable sur le plan écologique et générateur de nouvelles conquêtes et  solidarités sociales, d’épanouissement individuel et d’émancipation humaine ; démocratique et citoyen sur le plan politique, dans la gestion des villes comme des territoires, dans celle des lieux de production comme de consommation et de services.  

Cela suppose notamment de promouvoir :

 

-un véritable droit à la qualité de la vie, qui s’affirme dans un rapport plus accessible, plus équilibré, plus raisonnable, plus maîtrisé avec la nature ; dans la protection de grands biens communs de l’humanité comme l’eau ou l’énergie des dérives de la marchandisation ; dans un droit à la ville et à des territoires solidaires, qui englobe la qualité du logement, de l’urbanisme, de l’aménagement des territoires ruraux, des transports, des équipements scolaires, culturels, de santé, de loisirs, des espaces verts, la qualité de l’air, de l’eau ; dans une autre conception de la consommation, moins inégale, plus responsable socialement, moins soumise à la rentabilité ; dans une alimentation de qualité appuyée sur des agricultures respectueuses des territoires.

 

- un nouveau mode de production, avec de nouveaux pouvoirs pour les salariés, un nouveau type de croissance (et non la décroissance) qui repense les contenus de celle-ci : comment produire, en faveur de qui et pour répondre à quels besoins ? Une politique industrielle et énergétique qui, appuyée sur une grande politique publique de recherche qui pousse la recherche fondamentale sur tous les fronts de la connaissance, mette l’innovation au service de productions nouvelles, utiles socialement, capables de relever les défis d’un développement écologique, plus économe en énergies et en ressources.

 

- une société de partage informationnel qui diffuse les savoirs et les cultures, favorise la diversité, l’échange, la mise en commun, libère les capacités créatrices des individus ; une société qui réhabilite la science et le progrès des connaissances en assurant sa maîtrise sociale effective.

 

- de nouvelles solidarités de progrès social, qui fassent reculer les inégalités, n’opposent ni les générations, ni les salariés entre eux, mais soient construites sur des droits, garantis pour tous, tout au long de la vie à l’emploi, à la formation, à de bons salaires, au logement, permettant par l’accès au savoir et à la culture le développement des capacités de chaque être humain.

 

-une conception du travail  débarrassée de ses aliénations, qui fasse reculer les précarités et les inégalités, favorise les créativités, reconnaisse les qualifications, où les travailleurs retrouvent du pouvoir sur la conception et la finalité du travail. 

 

-une protection sociale étendue à tous les âges de la vie, de la naissance au grand vieillissement, qui assume l’accès de tous aux progrès de la santé comme un choix de civilisation partagé ; une reconnaissance nouvelle des droits de la jeunesse à l’autonomie dans l’accès  à la formation, au logement, à l’emploi, à la culture  dès  la sortie du système éducatif secondaire.

 

-des financements nouveaux et élargis pour tous ces progrès sociaux qui mettent à contribution la masse croissante des capitaux et des revenus financiers et favorisent ainsi leur réorientation vers le développement humain, en utilisant autrement l’argent des profits, des fonds publics et du crédit.

 

-une maîtrise sociale et démocratique des marchés, comme outil essentiel d’un nouveau mode développement.

Cette nouvelle maîtrise publique des marchés, aujourd’hui dominés par le capitalisme financier, est une condition d’un mode de développement respectueux des droits sociaux et des défis écologiques. Cette maîtrise passe notamment :

-une autre gestion de la production et du marché des biens de consommation courante, donnant des droits de regard et des pouvoirs d’intervention aux salariés dans les entreprises et aux consommateurs dans la cité.

-une appropriation publique et sociale des biens communs de l’humanité,   une maîtrise publique du développement avec une conception étendue, renouvelée et démocratisée de pôles, de services et d’entreprises publics, de nouvelles formes d’appropriation sociale appuyées sur des droits et des financements nouveaux.

-un marché du travail où domine progressivement la sécurisation des parcours d’emploi et de formation, à l’opposé de la précarisation actuelle, allant progressivement vers un dépassement de l’exploitation et des aliénations du salariat actuel.

-une maîtrise publique et sociale des marchés financiers, du crédit et de la monnaie, avec notamment la création de pôles publics bancaires et de fonds d’investissements publics décentralisés, et une bataille acharnée pour réorienter l’action de la BCE.

 

UNE SOCIETE DE LIBERTES, UNE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE.

-Libertés, égalité, fraternité

 

Notre projet, c’est celui d’une société d’individus libres, autonomes et solidaires entre eux. Nous ne voulons ni d’une société de caserne, ni d’une  jungle où règne le chacun pour soi.

Nous croyons à l’initiative et à une créativité libérée. Nous croyons à la pleine égalité des droits et refusons toutes les dominations.

 Nous voulons mener de front combat anticapitaliste et combat féministe. Nous agissons en faveur d’une égalité réelle pour les femmes fondée sur des conquêtes nouvelles pour leur émancipation, sur de nouveaux droits, de nouveaux rapports entre les femmes et les hommes, loin de la logique de domination patriarcale pesant sur leur vie publique ou privée.

Nous croyons à la diversité et refusons toutes les discriminations. Nous croyons à la fraternité et refusons tous les racismes. Nous croyons à la culture, à son potentiel d’émancipation, d’ouverture à l’autre et refusons toutes les censures. Nous croyons aux potentiels de la révolution numérique et informationnelle qui peut mettre en partage les savoirs, la culture et l’information, et refusons les prétentions capitalistes à les enfermer dans les logiques de marchandisation.

Nous croyons à une société de libertés, au respect des individus, de leur dignité, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, parce qu’elle est le chemin d’une émancipation  partagée.

 

-Des pouvoirs nouveaux pour une démocratie citoyenne et participative

 

Notre projet, c’est l’exigence démocratique poussée jusqu’au bout. Nous refusons la présidentialisation et la pipolisation de la vie politique, les dangers de pouvoir personnel qu’elles comportent. De surcroît, à l’heure du progrès des connaissances, de la diffusion des savoirs et de la circulation accélérée de l’information, ce sont des conceptions archaïques. Nous refusons aussi que les salariés continuent d’être exclus des principaux pouvoirs de décision économiques au profit d’actionnaires tout-puissants qui se moquent de l’intérêt général, que la citoyenneté politique des salariés s’arrête au porte de l’entreprise.

Révolutionner la démocratie, c’est promouvoir trois grandes réformes :

 

-la démocratisation de nos institutions, de nos modes d’élection, du rôle du Parlement, de l’élaboration des lois ; la création d’un statut de l’élu qui permette dans toutes les assemblées élues de démocratiser l’accès à la fonction d’élu et de revaloriser son rôle.

 

-la promotion à tous les niveaux  d’une démocratie participative ouvrant en permanence à tous les citoyens l’accès à de réels pouvoirs d’intervention sur les choix.

 

-la création d’une véritable démocratie sociale qui développe de nouveaux droits et pouvoirs décisionnels pour les salariés et leurs syndicats dans les entreprises et les territoires, qui repense  le rôle et la responsabilité des entreprises dans l’intérêt général. Il s’agit d’engager un processus de démocratisation sociale et économique d’ensemble qui mette en cause la concentration des pouvoirs dans les mains d’actionnaires, de fonds, de puissances financières toujours plus importants et toujours plus éloignés du contrôle démocratique. La reconnaissance de la citoyenneté, de l’exercice des droits politiques et de l’activité des partis sur les lieux de travail doit être reconnue.

Ces trois grands axes de démocratisation doivent être poussés jusqu’au niveau des institutions et des pouvoirs de l’Union européenne, ainsi qu’au niveau des grandes instances internationales.

 

REFONDER L’EUROPE ET CHANGER LE MONDE

-Changer l’Union européenne en profondeur, en refonder les principes.

 

Notre projet, c’est celui d’un changement de cap très profond des politiques et de la conception de l’Union européenne, jusqu’à la mise en chantier d’un nouveau traité fondateur de l’Union européenne.

Les forces politiques qui ont piloté les traités successifs de l’Union, en l’enfonçant dans un processus néo-libéral et atlantiste, ont conduit la construction européenne dans une impasse. Les « non » français, néerlandais, et irlandais – et plus généralement nombre de manifestations de désenchantement et de colère vis à vis des politiques et du fonctionnement de l’actuelle Union européenne- attestent d’une véritable crise de légitimité des choix actuels auprès de millions d’européennes et d’européens. La prétention scandaleuse de vouloir faire revoter les citoyens irlandais doit être combattue. Il faut être clair : le traité de Lisbonne est caduc.

Pourtant, le besoin d’Europe , d’une construction donnant des atouts à chacun des peuples pour faire face aux nouveaux enjeux du monde, leur apporter des réponses est pressant. Mais que d’aspirations positives mais déçues parmi les européens ! Aspirations à passer de la mise en concurrence des peuples à une ère du vivre ensemble, de la solidarité, de la coopération ; aspirations à mettre l’Europe au service des autres nations qui étouffent sous les dominations et à travailler ensemble à un monde de paix ; aspirations à être écoutés, respectés, partie prenante des choix fondamentaux. Favoriser l’expression de ces attentes, aider nos concitoyens à mesurer l’ampleur des brèches ouvertes, notamment depuis la victoire du non, débattre des obstacles à lever pour ouvrir la voie à des changements profonds, travailler dans la durée aux convergences les plus larges en France et en Europe : telle est notre ambition.

 

Nous voulons participer à la constitution d’un front progressiste européen, qui partage les grandes lignes d’un projet transformateur dans lequel d’innombrables européens peuvent se reconnaître. Nous entretenons à cette fin des rapports étroits de coopération avec des formations politiques d’une grande diversité notamment au sein du PGE et du groupe de la GUE, mais aussi avec des personnalités progressistes, des militants syndicaux ou associatifs, des acteurs des rassemblements sur l’ex projet de traité constitutionnel ou du forum social européen…  

Nous mènerons dans cet esprit la campagne des élections européennes de 2009

 

-Un monde solidaire pour garantir la paix

 

Dans chaque domaine, il devient désormais indispensable d’agir du local au mondial. Les batailles contre les délocalisations, pour faire de l’eau un bien commun sont des exemples éloquents de ces liens nouveaux entre toutes les échelles de batailles.

Paix et développement sont désormais les deux faces d’un même combat, car inégalités de développement, concurrences exacerbées, logiques impériales et rivalités de puissance fournissent les ingrédients permanents d’un dangereux cocktail fauteur de guerres.

Nous voulons unir contre les logiques de guerre, pour une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien, pour la relance du combat pour le désarmement, pour la transformation des grandes institutions internationales, la promotion de logiques de co-développement, de maîtrises publiques et collectives et de principes de multilatéralisme à l’opposé des stratégies prédatrices, unilatérales et hégémoniques du capital.

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  Projet de base commune de discussion (2ème partie [2/2]: UN NOUVEAU PROJET, UN NOUVEAU CHEMIN POUR LE CHANGEMENT.) adopté au conseil national des 5 et 6 septembre 2008

 

 
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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 19:15


 

UN NOUVEAU PROJET,

UN NOUVEAU CHEMIN POUR LE CHANGEMENT. (suite 2/2)

 

C/ETRE A L’INITIATIVE POUR DE NOUVELLES DYNAMIQUES POLITIQUES A VOCATION MAJORITAIRE.

 

Mettre en débat les grandes transformations nécessaires et se donner les moyens politiques de leur réalisation sont les deux faces d’un même problème. Pour favoriser de nouvelles dynamiques populaires, ne pas laisser les forces sociales et politiques de gauche dans le désarroi où elles se trouvent, des initiatives politiques s’imposent.  Nous proposons d’agir dans les directions suivantes :  

 

-AMPLIFIER TOUTES LES RIPOSTES   

 

Face à un pouvoir et un patronat qui frappent aussi brutalement contre le monde du travail, et qui parient sur le découragement des forces de résistance, la première des exigences est de rendre espoir à notre peuple, donc ne pas laisser le gouvernement et le patronat poursuivre leur travail de destruction, de ne pas banaliser la moindre atteinte à la dignité de notre peuple, la moindre injustice, la moindre remise en cause de nos libertés et de nos avancées sociales.

 

Amplifier toutes les ripostes, jusqu’à les rendre victorieuses, est la première des exigences auxquelles nous voulons consacrer toutes les forces du Parti communiste, de ses militants, de ses élus. En favorisant les mobilisations et les rassemblements les plus larges, nous voulons arracher toutes les améliorations possibles  et  remettre en cause l’orientation ultralibérale que veulent imposer Sarkozy et le Medef.

Riposter, c’est faire face à la domination idéologique de la droite, d’autant que ce matraquage fait des dégâts et qu’une partie de la gauche fait sienne les idées de renoncement. C’est le sens de notre campagne « la Bourse ou la vie », que nous voulons amplifier, parce qu’elle lie les questions les plus quotidiennes, comme le pouvoir d’achat, aux racines de la domination financière. C’est une campagne essentielle, à partir de laquelle nous voulons intervenir sur toutes les questions, du local au mondial, en démasquant la réalité du raisonnement ultralibéral et en portant nos propositions alternatives. La riposte doit être articulée à la prise en main dans ces luttes de grands axes de transformation sociale.

Comme parti politique, nous considérons que la responsabilité des partis de gauche est directement engagée. La passivité ou le sectarisme, alors que la droite charge sabre au clair, sont des éléments favorisant le découragement au sein du mouvement populaire, ouvertement visé par le pouvoir actuel. Nous agissons et nous continuerons d’agir pour que la gauche soit un des acteurs de la résistance à cette offensive destructrice.

Pour notre part, nous considérons que le plus grand nombre d’hommes et de femmes de progrès doivent pouvoir agir ensemble, et que tout doit être fait pour rassembler dans la riposte les citoyens, les salariés, les intellectuels, les forces politiques et sociales qui le souhaitent.

-DES CONSTRUCTIONS MAJORITAIRES POUR LE CHANGEMENT.

 

Nous le savons, de la seule riposte, pourtant indispensable, ne découlera pas le rassemblement sur des choix politiques alternatifs. Il faut s’atteler, à l’appui de ces luttes,  à cette construction en sachant  qu’elle n’a d’avenir qu’en intégrant dans le  contenu même de son élaboration, l’objectif d’être portée et garantie par une dynamique populaire majoritaire.

Des leçons de nos expériences passées.

Cette dynamique est celle d’un mouvement populaire qui prend conscience des obstacles qui se dressent devant lui pour les lever, assume le caractère pluraliste de cette construction et en arbitre les débats. « Primauté au mouvement populaire », avons-nous affirmé depuis les années 80, après l’échec d’alors de  l’union de la gauche, et de son gouvernement auquel nous avions participé.

Aujourd’hui, il nous faut tirer les leçons de nos tentatives successives pour permettre une réelle  appropriation populaire des objectifs et des conditions du changement, expériences qui nous ont fait éprouver la très grande difficulté de ce défi. Nous avons en effet beaucoup tenté depuis vingt ans, dans un contexte il est vrai très difficile, marqué par la vague néolibérale qui a bouleversé le champ politique, emporté une partie de la gauche et décrédibilisé la politique elle-même. Nous avons changé beaucoup de nos conceptions et de nos pratiques, mais aussi tâtonné et commis des erreurs. Nous n’avons pas toujours accordé cette « primauté «  à nos actes et à nos décisions politiques

 L’expérience de la gauche plurielle a ainsi été marquée à plusieurs reprises par une surdité de notre part vis-à-vis du mouvement social et progressiste. L’expérience du rassemblement antilibéral, après la victoire du « non », a été marquée à chacune de ses étapes par un rétrécissement de sa représentativité dans le peuple de gauche. La dynamique populaire a largement fait défaut. Nous n’avons pas su prolonger la dynamique de 2005 en proposant, immédiatement après la victoire du « non », un objectif, un cadre et une méthode susceptibles d’éviter la confusion qui a marqué l’échec de cette tentative. Confusion nourrie par des divergences entre plusieurs des composantes de ce rassemblement et  notre parti sur les finalités mêmes de cette construction.

A l’inverse, le formidable travail citoyen lors de la campagne du « non »,  notre travail sur les listes et les projets municipaux ont mis en évidence l’efficacité d’une démarche d’appropriation populaire réussie. Nous tirons notamment de toutes ces expériences une conviction renforcée que rien n’est plus efficace que de mettre l’essentiel de nos efforts au service de l’intervention populaire et citoyenne. Et qu’une condition essentielle est de ne jamais perdre ou laisser s’amoindrir notre pleine autonomie d’expression et d’action.

 

La crise d’alternative à gauche.

 

C’est donc par un processus démocratique d’amplification de l’intervention du peuple, des citoyennes et des citoyens, favorisée par un effort constant et des initiatives politiques de notre Parti que nous voulons recréer les conditions d’une alternative de changement, du rassemblement de la gauche sur un projet de transformation mobilisateur. Notre objectif demeure une majorité, un gouvernement, une présidence de la République qui impulseraient une politique de gauche porteuse de grandes réformes transformatrices.

Aujourd’hui, cela paraît inaccessible, tant la crise et les divisions de la gauche sont profondes. Ces divisions entre forces de gauche se manifestent par des prises de position différentes voire opposées sur des mesures essentielles décidées par le pouvoir sarkozyste ce qui affaibli d’autant la riposte. Elles sont éclairantes quant à la vision que les unes et les autres se font de l’avenir.

 

La gauche vit une véritable crise d’alternatives. Alors que les élections locales de mars 2008 ont été un succès pour elle, sa victoire aux élections nationales demeure improbable. Cela concerne toutes les forces de gauche, dont aucune ne peut prétendre à elle seule reconquérir le pouvoir et qui ont subi trois échecs successifs à l’élection présidentielle. Ce problème se pose aussi à l’échelle de l’Union européenne. La grande majorité des pays membres étaient gouvernés il y a quelques années par des partis sociaux démocrates qui n’ont pas permis de résister à une vague de droite ultra libérale populiste et autoritaire.

En France et en Europe, chaque force de gauche est confrontée aux défis de réponses nouvelles à la nouvelle phase du capitalisme mondialisé. C’est pourquoi une conversion du PS, des Verts, du PRG au social-libéralisme, ouvertement revendiquée en leur sein, l’alliance avec le centre, seraient des impasses. Ils décrédibiliseraient encore la perspective de changement, boucheraient la voie au rassemblement des forces de gauche (pour le Parti communiste la participation à des majorités ou des gouvernements est impossible si cela ne permet pas des améliorations réelles dans la vie de notre peuple), et rendraient hautement improbable la victoire sur une droite mobilisée et rassemblée.

 

Le Parti communiste refuse et refusera cette voie du renoncement. Sous cette variante du social-libéralisme. Ou sous celle de sa contrepartie d’extrême gauche qui, en affirmant que le débat est clos, qu’aucun effort ne rendra possible un rassemblement de la gauche, ferme par avance la porte à toute perspective de changement.

Nous sommes pleinement conscients de la très grande difficulté que nous rencontrons nous-mêmes face à cette question de la crédibilité d’un rassemblement majoritaire des forces de gauche rendant possibles de réelles transformations. Sinon comment expliquer que les électeurs nous aient placés au plus faible niveau électoral de notre histoire lors de la présidentielle de 2007 ?

Mais il n’est pas vrai que la question soit tranchée, et que la gauche soit condamnée à être dominée par les idées de renoncement aux changements de société. Le peuple de gauche a fait la victoire du non en 2005. Son vote lors des élections locales de 2008 et tant de luttes où se retrouvent  des hommes et des femmes de toutes les sensibilités de la gauche témoignent de la persistance des valeurs de gauche, et d’une critique croissante du libéralisme, même à l’heure de la confusion des repères. Nombreux sont celles et ceux, y compris dans l’électorat socialiste que les débats et les évolutions actuels du PS désarçonnent, qui souhaitent un projet combatif et audacieux.

 

Voilà pourquoi nous parions sur leur intervention, la relance d’un débat de projet mieux ancré dans les enjeux contemporains, la confrontation d’idées, la ténacité dans la volonté de rassemblement de toutes celles et ceux qui souhaitent amorcer de nouvelles dynamiques, refaire émerger du neuf à gauche.

 

-UNE GRANDE INITIATIVE DE RASSEMBLEMENT

 

Notre démarche suppose donc une construction populaire permanente, pour discuter, élaborer et porter des projets de changement jusqu’à leur réussite ; une construction unitaire permanente avec des cadres, des fronts, des alliances adaptés aux contenus portés et aux échéances affrontées; la volonté continument affichée d’inscrire ces constructions dans le cadre d’une transformation durable de la société et du monde.

C’est pourquoi nous  proposons d’ouvrir dans la durée un cadre de débat et d’élaboration politiques inédit : de créer partout où c’est possible, dans les quartiers et sur les lieux de travail,  dans les ripostes engagées, des lieux de rencontre où, quelques soient leurs formes,  les citoyens, les salariés, avec toutes les forces politiques et sociales qui le souhaitent, avec des intellectuels, des créateurs, les acteurs du mouvement social, puissent se rencontrer, s’informer, se confronter et construire ensemble les fronts les plus larges possibles visant des objectifs politiques précis. Il s’agirait de travailler à faire naître une véritable dynamique politique nationale d’action et d’élaboration d’un nouveau projet politique de transformation.

Ces espaces pourraient prendre des formes diversifiées, évoluer en fonction des besoins et des possibilités du processus initié. L’essentiel, c’est leur objectif : animer en permanence une dynamique populaire et citoyenne la plus large possible pour construire les réponses aux questions posées, dans la vie, par les luttes sociales et démocratiques : quelles réformes une politique, des institutions, un gouvernement de changement devraient-ils promouvoir ? Et les imposer dans le débat politique.

Ces espaces doivent devenir le lieu d’un véritable bouillonnement démocratique où toutes les idées visant au changement pourront s’exprimer et se nourrir les une les autres. Et où celles et ceux qui le souhaitent pourront prendre ensemble des initiatives politiques (de travail, de luttes, de débat et de batailles d’idées, d’éducation populaire…) et créer pour cela les formes (comités populaires, collectifs, fronts…) permettant de les mener à tous les niveaux, du local au national et au-delà, avec l’objectif de faire grandir des exigences et de gagner.

 

Pour y contribuer, le Parti communiste proposera et prendra lui-même les initiatives permettant aux formations de gauche d’exposer et de confronter leurs analyses et leurs objectifs, leurs points communs et leurs différences, d’entreprendre un travail de construction de réponses de gauche progressistes en liaison avec les ripostes indispensables, et aux citoyens  d’intervenir dans ce débat et de contribuer à ses évolutions.

L’ambition visée est celle de la construction d’un Front progressiste et citoyen qui pourrait lier le développement de cette dynamique citoyenne et l’objectif d’une union de forces politiques de gauche susceptibles de prétendre construire dans notre pays une majorité de changement.

Ce processus impliquerait des étapes, des rendez-vous qui devront être définis pour mesurer l’avancement de ce travail et lui donner de nouvelles impulsions.

Dans cette démarche, nous pensons que ni l’action des forces politiques représentatives, ni la dynamique citoyenne et populaire – liées par leur objectif, mais autonomes l’une de l’autre – ne doivent être chapeautées par quelque cartel que ce soit. Les partis qui le veulent concourent – et c’est notre choix – à faire vivre ces lieux de citoyenneté, à donner toute l’ampleur possible aux fronts d’idées et de luttes qui s’y forment.

Ce travail politique n’est pas pré-déterminé par la question des alliances ou des fronts électoraux, car ce serait réduire à tout moment le champ des acteurs visés par cette démarche, et du même coup la portée de cette démarche.

En revanche, il sera nécessaire de prendre en permanence les initiatives politiques unitaires, d’alliances les plus adaptées, en sachant que notre autonomie, comme celle largement revendiquée des autres acteurs sociaux et politiques, doivent être vécues comme des atouts et non des handicaps.

 

-LES ELECTIONS EUROPENNES DE 2009.

 

Toute notre bataille pour le changement se joue désormais à la fois à l’échelle de notre pays, de l’Europe et du monde. Les élections européennes doivent être l’occasion de mettre en avant nos ambitions de changement et rassemblement à l’échelle de l’Union.

 Nous pourrions pour cela mener une campagne véritablement européenne, tant dans son contenu que dans la composition des listes, en les composant comme une liste nationale avec des acteurs et des actrices des mouvements sociaux et démocratiques de France et d’Europe, et en coopération avec des partis progressistes de toute l’Europe, du PGE et du groupe de la GUE au -Parlement européen.

(Un débat est engagé dans le parti sur la base des propositions du rapport de Francis Wurtz au Conseil national du 5 septembre et de la discussion qui a suivi. Le Conseil national arrêtera une décision le 24 octobre.)

 

-UN NOUVEL INTERNATIONALISME.

 

Face au capitalisme mondialisé, les résistances et les forces alternatives ont besoin elles aussi de d’une vraie dynamique de rassemblements et d’action collective. Nous devons là aussi changer d’échelle. Nous tiendrons à Paris les 15 et 16 novembre une initiative internationale pour réfléchir aux conditions et aux objectifs d’un internationalisme de nouvelle génération. Il s’agit dorénavant avec toutes les forces politiques et sociales engagés dans des luttes contre les dominations de créer des passerelles, de construire ensemble des perspectives, des réponses concrètes, des actions communes ou convergentes.

Les luttes nationales ne sont pas épuisées, loin s’en faut. Le non français l’a montré. En Amérique latine les changements politiques se construisent pays par pays. Mais faire converger ces luttes, rapprocher ces forces au plan mondial, développer des actions nouvelles communes, c’est incontestablement se doter d’atouts indispensables pour ouvrir la voie à des changements progressistes  dans la durée.

 

suite cliquez ci dessous:

Projet de base commune de discussion (3ème partie: L'AVENIR DU PCF.) adopté au conseil national des 5 et 6 septembre 2008


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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 19:13

L’AVENIR DU PCF

 

Faut-il, dans ces conditions et avec de telles ambitions, repenser l’avenir du PCF ? Cela nous paraît incontournable. Et si nous voulons le faire de manière efficace, c’est en lien direct avec les exigences du monde actuel et du projet tel que nous le définissons aujourd’hui.

La première des questions à se reposer est simple : faut-il une force politique pour animer ce combat ? Nous le pensons. Penser les bouleversements du monde, quand tant de forces veulent enfermer cette pensée ; faire de la politique une grande affaire populaire et citoyenne quand tout est fait pour éloigner le plus grand nombre de nos concitoyens de la politique ; élaborer des idées d’émancipation quand tout est fait pour les discréditer ; unir des forces de transformation susceptibles de porter un projet politique quand tout est fait pour les diviser, les opposer ; construire des majorités de changement quand l’état de la gauche donne le sentiment que c’est impossible…tout cela appelle une organisation, un parti qui mette en commun et rende efficace l’énergie de toutes et ceux qui veulent contribuer à cette construction.

Dire le besoin de cette force dans les conditions d’aujourd’hui ne suffit pas. Les questions que nous nous posons sur l’avenir de notre parti sont de même ampleur que celles qui nous poussent aujourd’hui à repenser le monde, l’espérance révolutionnaire, les processus de changements, la place qu’ils doivent faire à l’intervention populaire. Nous aussi, nous devons changer d’époque.  

Crise de projet, crise de la politique, des partis politiques, crise du communisme et du PCF… nous sommes confrontés à de tels défis, qu’il nous faut aussi nous révolutionner pour construire, à partir du meilleur de ce que nous sommes, une force porteuse d’avenir, identifiée à un projet d’émancipation du XXIème siècle, unie sur ce projet, une force dynamique, capable de mettre sa créativité politique au service de l’intervention populaire,  de larges rassemblements à vocation majoritaire, ouverte à toutes celles et ceux qui souhaitent s’engager dans ce combat.

 

Le PCF est-il cette force ? Doit-il se transformer ? Ou faut-il s’engager dans la création d’une autre force politique? Ces questions ont fait l’objet de nombreux débats depuis l’élection présidentielle. Le PCF dispose d’atouts indéniables, d’acquis précieux, que nous ne voulons pas perdre. Il est une force qui compte. Mais son affaiblissement des trente dernières années  montre combien il lui faut se renouveler pour que des millions de nos concitoyens, et notamment la jeunesse, reconnaissent en lui cette force.

 

Pour répondre aux défis de changement qui s’imposent à nous, nous faisons donc aujourd’hui  un choix : engager de profondes transformations de notre parti pour devenir cette force. La voie de transformations du PCF nous apparaît plus féconde que celle de la recherche de la constitution d’un autre parti aux contours incertains. Certains vont parmi nous jusqu’à parler d’un processus de métamorphose. Pour l’heure, l’important est de s’accorder sur la nature des évolutions, des transformations, des ruptures nécessaires. Elles pourraient prendre plusieurs directions.

 

Un choix communiste du XXIème siècle.

 

Nous devons affronter à ce propos une contradiction évidente. Nous pensons que le communisme doit continuer d’être une référence  fondamentale de notre action. Le communisme politique a beaucoup apporté aux combats d’émancipation dans notre pays, et surtout les valeurs de mise en commun, les nécessités objectives de dépassement des exploitations, des aliénations et des dominations  prennent de l’actualité avec les évolutions du monde actuel. Notre visée, repensée à l’aune des enjeux contemporains, conserve toute son actualité.

Mais il nous faut en même temps reconnaître la « crise du communisme » qui brouille fondamentalement notre image. Il ne paraît pas possible de contester les éléments objectifs et subjectifs de cette « crise », notamment : l’échec tragique des expériences qui se sont réclamées du communisme au XXème siècle ; le poids persistant dans les représentations de nos concitoyens du rapport qui a été le nôtre avec le modèle soviétique ; l’écart considérable qui sépare notre vision du communisme d’expériences, d’ailleurs elles-mêmes fort différenciées, qui s’en réclament aujourd’hui ; les difficultés politiques que connaissent aujourd’hui les partis communistes partout dans le monde, et leur grande hétérogénéïté.

Assumer notre choix communiste aujourd’hui, à partir d’une analyse renouvelée et actualisée du monde, nous renvoie donc au besoin impérieux de confronter ce qui est à dépasser, et ce qui est en train d’émerger pour faire vivre une conception neuve du communisme, de partage et de liberté pour chacune et chacun, en somme une espérance révolutionnaire en prise avec les réalités et les aspirations de notre temps.

Nous devons faire beaucoup plus pour donner sens à notre projet contemporain,  sans en rester aux mots, pour au contraire leur donner du sens dans leur pleine actualité ; pour rendre visible au plus grand nombre, notamment aux jeunes, que la continuité de notre choix s’accompagne de ruptures, fondatrices d’une nouvelle conception du communisme, que nous ne nous reconnaissons dans aucune expérience, passée ou actuelle, qui niait ou nierait les droits de la personne, ne serait pas fondé sur le respect de toutes les libertés fondamentales et la volonté de développer la démocratie comme ressort du développement humain.  Tant que notre démarche communiste ne sera pas perçue pour ce qu’elle est aujourd’hui, mais restera collée aux images du passé, notre combat sera handicapé. Nous devons changer notre image, notamment en nous engageant  à retravailler les symboles qui nous identifient dans la société, et qui pourraient mieux donner à voir le communisme du XXIème siècle qui est le nôtre.

 

 

Un parti ancré dans les enjeux contemporains et le débat d’idées.

 

De l’analyse du monde que nous esquissons aujourd’hui découle une exigence : il nous faut reprendre avec une vigueur renouvelée et avec constance un travail d’analyse, un effort théorique pour comprendre les bouleversements du monde, saisir ses contradictions. Le mouvement populaire a besoin d’une pensée émancipée de l’idéologie dominante, une pensée créative, imaginative, en perpétuel mouvement. Nous devons y contribuer en faisant de la confrontation d’idées un atout. La pertinence de notre projet est une condition de notre efficacité. L’actualisation de notre projet, son ancrage dans les enjeux contemporains  suppose un éveil permanent aux réalités émergentes, aux innovations, une culture de travail, de débat, de confrontation d’idées, d’expérimentations, une ouverture résolue à toutes les énergies intellectuelles et militantes qui veulent penser les enjeux de dépassement du système capitaliste.

Nous devons traduire cette volonté politique sans tarder en actes, en repensant progressivement les lieux et les outils de ce travail théorique et intellectuel permanent, en donnant à voir cette ambition  dans la société, en étant beaucoup mieux un lieu où se confrontent toutes les pensées émancipatrices, celles issues de la pensée de Marx, qui nous a fondée et connaît aujourd’hui un renouvellement important dans le monde, et toutes celles qui émergent dans les bouleversements de la pensée et du monde actuels. Ce bouillonnement doit aller de pair avec une meilleure mise en commun des expériences militantes pour construire du savoir et de la pensée.

Nous devons dans le même esprit répondre à la demande d’un travail de formation militant beaucoup plus exigeant. Nous restructurons pour cela un dispositif de formation moderne et adapté à tous les niveaux du Parti.

Un parti d’action, de luttes et d’intervention populaire et citoyenne

 

Pour placer la démocratie, l’appropriation populaire des objectifs et des conditions du changement, les efforts de rassemblement au cœur de notre projet politique, toute notre activité doit être prioritairement tournée vers la mise en mouvement de l’intervention populaire. Parti d’action, impliqué dans la construction des luttes, nous voulons aider cette intervention à se déployer comme mouvement politique. Cela implique un effort de créativité et d’ouverture sur des formes de l’engagement politique dans la société d’aujourd’hui, plus participatives, plus démocratiques, plus diversifiées.

Et parce que nous faisons de  la politisation citoyenne une clé du changement, nous voulons recréer une activité d’une tout autre ampleur dans les lieux de travail et dans les quartiers populaires où elle fait gravement défaut, en cherchant à mieux comprendre pour y parvenir les potentiels mais aussi les obstacles nouveaux qui se dressent devant cet objectif.

Une priorité de nos efforts doit porter sur la réimplantation du parti dans les lieux de travail. Elle constitue un enjeu essentiel dans la construction du rassemblement pour changer la société. L’objectif est d’y faire vivre notre projet et notre stratégie à partir de l’ensemble des préoccupations des salariés, depuis les questions liées au travail jusqu’aux enjeux planétaires.

 

La coordination de notre activité dans ces lieux de travail et dans les quartiers populaires, devra être réorganisée et mieux impulsée.

Tout cela signifie également que nous devons tourner davantage le fonctionnement de toutes nos structures vers l’aide à la créativité et au rayonnement militant de chaque adhérent et de chaque élu : dans leurs lieux de vie et d’activité, dans les structures de proximité ou les réseaux dans lesquels ils agissent, dans les territoires dans lesquels ils sont ancrés.  Nous devons   donner à chacune et chacun les moyens de déployer une action politique qui nourrisse l’action, le débat de propositions, le rassemblement du plus grand nombre.

Cet effort vise également à favoriser l’intervention politique des militants à l’échelle européenne et mondiale notamment dans le cadre des activités du PGE et de la mise en pratique d’un nouveau type d’internationalisme.

 

En retour, l’élaboration de nos orientations doit donner à une grande place à leurs réflexions, à leurs suggestions, à la confrontation et à la diffusion de leurs expériences. La mise en commun de cette activité sans cesse démultipliée doit être sensiblement renforcée pour permettre de lui donner force, sens et efficacité. Les différents échelons de coordination, départemental, régional, national doivent mieux jouer leur rôle en ce sens, en s’appuyant davantage sur la richesse de l’expérience militante.  Les collectifs de travail du Conseil national notamment doivent s’attacher à toujours mieux associer l’ensemble du potentiel créatif militant dans sa diversité d’expériences, veiller à ce que ces expériences et leurs productions soient mises à disposition de tous. Des nouveaux outils de circulation de l’information doivent être mis en place pour cela.

 

Une force ouverte et renouvelée.

 

Devenir le parti porteur de ce projet, c’est devenir un parti bien plus large en nombre et en diversité de forces militantes. Cela ne va pas de soi. Il nous faut décider de donner à cette ambition le sens d’une initiative politique majeure, visible dans la société, en ouvrant le Parti communiste aux femmes et aux hommes de gauche qui cherchent les voies d’un combat plus efficace, aux salariés dans leur diversité d’aujourd’hui, à toutes celles et ceux qui veulent transformer l’ordre actuel sans avoir forcément la même histoire, les mêmes références, la même culture que nous, et en faisant en sorte que ces adhérentes et ces adhérents se sentent pleinement à l’aise dans un parti qui les respecte à égalité avec tous les autres.

Ouvrir et renouveler  le parti, c’est aussi donner la pleine mesure de notre engagement féministe, que nous conjuguons désormais au combat anticapitaliste au lieu de l’y subordonner. Etre vraiment un tel parti, c’est rompre en notre sein avec un modèle et des pratiques issus d’une époque où les femmes étaient minorées, voire absentes de la représentation politique, sans parité. La fragilité de nos progrès en la matière doit nous tenir en alerte.

 

Le parti pris de la jeunesse.

 

Nous devons décider d’engager un travail d’ampleur, durable, visible avec la jeunesse, qui cherche les voies d’un engagement politique renouvelé, que nous pouvons aider à faire émerger mais qui ne se fera pas sans leur implication directe. La jeunesse précarisée, la jeunesse des quartiers populaires, le jeunesse lycéenne et étudiante sont à la fois très proches des engagements qui sont les nôtres et très éloignés de nos traditions d’engagement politique.  Ce doit être un axe prioritaire du renouvellement et de transformation du parti communiste.  

 

Un parti impliqué dans la gestion

 

Le dévouement  et la proximité de nos élus sont reconnus. Mais leur principal atout est de parier sur des conceptions démocratiques renouvelées de l’intervention citoyenne et de l’exercice de leur mandat. C’est un atout indispensable au moment où les contradictions entre exigences de changements et contraintes financières qui encadrent les politiques publiques ne cessent de se resserrer. En ce sens, les élus tiennent une place essentielle dans notre démarche. Ils sont une source d’expériences et d’expérimentations dans les processus démocratiques de constructions populaires et politiques que nous voulons déployer. Ils sont aussi une source d’enrichissements permanents de notre projet, confrontés en permanence à l’exigence de réponses aux attentes de changement. En faire élire chaque fois que c’est possible et les aider à réussir est essentiel. Cela suppose de développer des pratiques de travail en commun entre élus, adhérents et responsables communistes.

Une force solidaire, un parti d’éducation populaire et de promotion culturelle.

Notre engagement est aussi un engagement éthique, fait de valeurs que nous voulons faire vivre au quotidien. Nous ne sommes pas un parti de l’émancipation pour demain, qui en attendant sacrifierait ses militants comme des soldats pour la bonne cause. Le militantisme désintéressé qui est le nôtre est une source d’épanouissement dont il faut  refuser le dénigrement. La solidarité au quotidien, dans la cité, sur le lieu de travail, la convivialité, l’accès à la connaissance, à la culture, l’éducation populaire, le partage des savoirs sont des dimensions importantes de la vie et de l’activité d’un parti comme le nôtre, de ses rapports à la société.

 

Un parti démocratique, où les adhérents sont souverains

 

La vie démocratique de notre parti traverse un moment critique. Nous n’avons pas su, dans la dernière période, notamment au niveau de la direction nationale qui est fortement critiquée sur ce point,  allier trois exigences indispensables : le respect de la diversité et la libre expression des opinions dans les débats que nous considérons désormais comme un acquis irréversible ;  le respect des décisions majoritaires ; et l’efficacité dans le travail comme dans l’action.

Des changements doivent être apportés dans ces trois directions : donner à chaque adhérent la réelle maîtrise des débats qui se font jour en les assumant plus clairement et en favorisant par de nouveaux outils la circulation permanente et transparente des idées en présence ; mieux garantir, y compris entre les congrès,  la souveraineté des adhérents pour trancher ces débats quand cela est nécessaire ; mieux assurer la cohérence et l’efficacité du travail des communistes et des directions à tous les niveaux quand les décisions majoritaires sont prises et qu’elles deviennent donc le bien commun des communistes. Le fonctionnement même de la direction nationale devra être modifié en ce sens.

Il convient dès maintenant d‘approfondir la discussion pour savoir si cette nouvelle étape démocratique devra déboucher et comment sur de nouvelles règles de vie pour notre parti.

 

 

NOTA:

D'AUTRES PROJETS DE BASE PEUVENT ÊTRE SOUMIS AU VOTE DES COMMUNISTES AINSI QUE LES STATUTS LE PREVOIENT PAR 200 ADHERENTS ISSUS D'AU MOINS 10 FEDERATION.

ELLES SERONT PUBLIEES SUR LE BLOG IMMEDIATEMENT.


Textes alternatifs proposé par au moins 200 communistes issus d'au moins 20 fédérations différentes.    cliquez ici




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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 19:12
34° congrès du PCF
Continuer l’engagement communiste
Fonder une nouvelle force politique

Ce texte est écrit alors que s’aggrave l’affaiblissement de notre parti. Il propose une voie pour poursuivre notre engagement communiste.

Il constate qu’aucun Parti communiste ni même le PCF n’aréussi une « mutation »,
une « refondation », une « révolution sur lui même ». Nous le regrettons d’autant plus q ue nous avons été souvent les uns et les autres, des militants d’une telle évolution.

L’échec de cette nécessaire transformation radicale du parti est une des causes de notre situation critique. Il faut en comprendre les causes.
Pourtant, aujourd’hui comme hier, le monde doit changer. C’est notre engagement de communistes.

Comment ? En construisant cet engagement aux côtés de tous ceux qui veulent une force politique pour construire une alternative au capitalisme.
Notre parti ne peut, seul, répondre à cette attente. Mais sans lui, sans ses militants et ses élus, son histoire et sa culture, cette nouvelle force politique serait affaiblie. Pourtant elle est nécessaire et attendue. Engageons-nous dans cette perspective qui redéfinirait franchement la donne à gauche. Alors l’engagement communiste aura un avenir et continuera d’être.
Ce texte et l’ambition qu’il porte proposent une alternative pour le 34ème congrès du PCF.

1-Maintien ou invention

Nous ne pouvons nous contenter des analyses et des propositions mille fois entendues reprises par la direction. Jamais la distorsion entre les intentions affichées – « aller vers une transformation profonde » du PCF, voire vers une métamorphose et le contenu du texte n’a été aussi grande. On est loin du congrès extraordinaire annoncé. Alors que tous les communistes attendent un débat audacieux et sans tabou, le texte qui sert de base à la préparation du congrès présente un point de vue unique qui contredit le mandat de l'assemblée générale des communistes de décembre 2007 indiquant qu’« il ne s'agit d'exclure aucune hypothèse concernant le parti ou sa stratégie, ni de prendre à l'avance une orientation que les communistes choisiront à leur congrès ». Nous le regrettons.

Notre proposition s’enracine dans la conviction que la crise que connaissent le Parti communiste et la gauche n’est en rien conjoncturelle mais fondamentale et structurelle.

Nous faisons le choix d’une transformation radicale du parti, qui implique une rupture avec la forme du PCF actuel. Il ne s’agit plus seulement de transformer l’existant. L’enjeu est d’ouvrir un processus fondateur d’une organisation politique nouvelle associant le plus grand nombre possible de citoyens et de forces qui se revendiquent du combat
contre toutes les dominations et pour l’émancipation.

Notre marginalisation, la puissance du bipartisme, la déshérence de millions de citoyens, l’impuissance du mouvement social ne permettent plus de différer ce débat. L’expression politique d’une alternative au capitalisme est menacée. La légitimité même du combat pour l’émancipation est mise en cause. La longue tradition radicale, contestataire se trouve aujourd’hui ébranlée en France par l’absence de projet et de dynamique politique.

Que cet esprit subversif ne se reconnaisse plus dans le PCF ne signifie pas qu’il ait disparu. Il se manifeste dans les mobilisations sociales comme dans les inventions quotidiennes au travail et dans la vie sociale. Sa vitalité s’exprime avec force depuis 1995 et a gagné en 2005, avec le rejet de la construction libérale de l’Europe. Il ne
manque pas de militants, de citoyens, d’intellectuels qui cherchent des alternatives et non une alternance. Il n’y a donc pas de malédiction dans la marginalisation en cours des idées alternatives mais une inadaptation des réponses politiques proposées. Il faut en tirer les conclusions.

Ces questions sont posées à tous les acteurs de la transformation sociale. Mais notre parti a un rôle et une responsabilité propre. Et en particulier, il doit accepter le fait que, seul, il n’est plus en mesure de rassembler les énergies qui aspirent à un autre monde ; seul, il ne peut proposer un débouché politique cassant l’étouffant bipartisme qui s’installe.

2-Comment en sommes-nous arrivés là?

Le congrès du parti se tient 18 mois après l’élection de Nicolas Sarkozy, le score historiquement bas de l’ensemble de la gauche, le résultat de la candidate du parti et l’installation de la LCR dans le paysage politique.

Le résultat du PCF à l’élection présidentielle – 1,93 % obsède à juste titre les communistes au moment de la préparation du congrès. Cette élection a placé le parti à son score le plus bas depuis 1920. C’est un fait. Et, contrairement aux déclarations de la direction, ce résultat n’est pas pondéré par les élections municipales et cantonales de 2008. Cellesci ont aggravé le bipartisme et réduit encore et notre implantation et le nombre d’élus communistes et apparentés (Selon le recensement de l’Anecr, nous sommes passés de 12 230 élus en 2001 à 6 850 (recensés) ou 9400 (déclarés) en 2008… Très loin des 13 000 annoncés précipitamment !).

Cette situation place donc les communistes devant des responsabilités qui sont historiques.

Les questions sont nombreuses, théoriques et pratiques. Pourquoi le Parti communiste a perdu sa capacité de mobilisation, d’influence ? Et pourquoi a-t-il été incapable de rebondir malgré de nombreuses et diverses tentatives ? Que faire maintenant ?

Ce n’est pas être binaire de dire que le débat s’organise autour de deux orientations. Il n’y a pas de voie médiane.
  • La première orientation peut être qualifiée de conjoncturelle. Elle consiste à chercher dans la période passée récente (échec de la candidature antilibérale, brouillage lié à notre participation gouvernementale) les causes de notre effacement – qui serait passager du paysage politique. Cette explication est celle du groupe dirigeant actuel comme celle des « orthodoxes ». Elle mobilise la peur d’une disparition du PCF… comme si nous n’étions pas déjà confrontés à ce fait. Cette orientation est d’abord marquée par l’immobilisme. Elle explique nos difficultés par « un problème d’image», un « défaut d’explication de notre politique et de notre projet », une faiblesse d’activité dans les entreprises, couplés à un manque de cohésion interne dans les directions du PCF. Bref, il faut ravauder la façade, resserrer les boulons, distribuer plus de tracts… Quoi qu’on dise, ce qui est proposé c'est de continuer en tentant de faire mieux. On remet du charbon dans la locomotive, en ignorant que le train actuel est de plus en plus vide et en pensant que s’il avance mal, c’est à cause de wagons de queue récalcitrants.

  • La seconde approche est structurelle et historique. Elle considère que les difficultés actuelles sont le symptôme de l’épuisement d’une certaine réponse politique. Notre «invisibilité » est liée à l’émergence d’un nouveau monde auquel les réponses passées ne correspondent plus. Elle propose, logiquement, une rupture franche avec l’existant : abandonner la locomotive à charbon et même changer de moyen de transport. Tout en prenant nos valises, car nous ne sommes pas sans bagages.

Ces deux orientations sont franchement différentes.


Nous pensons en effet que notre recul historique plonge ses racines dans des causes bien plus profondes que les errements des dernières années. Dans les conditions de 1920, les communistes ont eu le courage de rompre avec leur parti, la SFIO engluée dans la guerre et le nationalisme, pour créer un nouveau parti qui porterait les combats de la révolution dans l’ère industrielle et dans le sillage de la révolution soviétique. Cette phase est terminée. Et il faut avoir une audace, une inventivité aussi grande qu’alors.

C’est un cycle qui se termine et non pas une somme d’erreurs réparables.

Au moment où nous proposons de nous engager dans la construction d’une nouvelle force politique, nous pensons nécessaire de lire les pages de notre histoire. Cet examen n’est pas une autoflagellation mais un travail nécessaire pour pouvoir s’ouvrir aux autres et continuer ce qui doit l’être.

Retour sur 2005/2007

En particulier, il nous faut prendre le temps d’analyser l’expérience ratée de construction d’une candidature antilibérale. Cette séquence politique ouverte en 2005 par la victoire du non de gauche et antilibéral à la Constitution européenne se clôt sur l’élection d’un président qui démantèle les acquits collectifs et remet en cause les libertés individuelles et publiques.

Partout en France, aujourd’hui encore, s’exprime le regret de l’échec d’une candidature à l’élection présidentielle des antilibéraux. Les militants, mais aussi les sympathisants, les amis, les progressistes continuent d’être découragés par cet échec. On les comprend : cette ambition intervenait après la victoire éclatante d’une gauche antilibérale sur le terrain de la construction européenne et après le succès contre la précarisation généralisée promise par le CPE. Cette perspective de relance d’une gauche dépassant ses clivages internes, réunissant des traditions politiques et sociales diverses pour porter un projet de rupture avec l’ordre dominant depuis 25 ans, a réuni les plus grandes assistances des meetings depuis 1968. En quelques semaines, cet espoir s’est écrasé sur une exigence que nous étions nombreux à dire irréaliste : faire de la secrétaire nationale du Parti communiste la candidate de ce rassemblement inédit. De nombreuses voix appelaient en vain la direction du parti à ne pas casser cette espérance : des élus, des syndicalistes, des camarades engagés dans la vie associative. L'ultime appel lancé par 4 personnalités parmi les plus estimées des communistes, Georges Séguy, Roland Leroy, Lucien Sève et Jean Ferrat, aurait permis de ne pas casser l’espoir sans perdre la face. Fait unique dans l'histoire du PCF, 10 000 communistes se prononçaient, lors d’une consultation interne au PCF, pour le retrait de la candidature de la secrétaire nationale. Ecouter tous ces camarades, dans leur diversité, nous aurait fait renouer avec ce qui fut aussi une tradition communiste : placer les intérêts populaires et la solidarité internationale au-dessus de tout.

Cet échec ne s’est pas seulement traduit par de l’éparpillement, mais par une sanction très lourde pour les forces alternatives. Alors que depuis les années 70 – depuis que la socialdémocratie est devenue la première force de gauche – les forces alternatives ont toujours totalisé entre 15 et 20% des suffrages avec une répartition variable entre voix communistes, d’extrême gauche, écologistes. Cette fois, c’est moins de 10% des voix qui se sont portés sur les candidats critiques de l’ordre établi.

Cet affaiblissement se double d’un grave discrédit : les communistes apparaissent comme politiquement inutiles. C’est le fond de l’explication du bipartisme. Lors des scrutins jugés stratégiques, les électeurs choisissent entre des options qui comptent.

Nous sommes hors-jeu.

Rien n’infléchit cette marginalité et le bipartisme s’est ancré plus profondément lors des élections locales de 2008. Alors que le PS et l’UMP réunissaient précédemment 52% des élus sortants, ils disposent désormais de 75% des élus municipaux et conseillers généraux. L’échec du rassemblement antilibéral et la marginalité de toutes les forces alternatives n’ont pas que des conséquences politiques. Ils affaiblissent le mouvement social lui-même.

Malgré un fort mécontentement, les syndicats et le monde associatif peinent à trouver l’énergie pour contrer les attaques du pouvoir sarkoziste. La faiblesse politique et le manque de projet des forces alternatives facilitent le démantèlement du Code du Travail, des 35 heures, de la Sécu, du logement social, les mises en cause des libertés, de la télévision publique, la mise en place d’une politique atlantiste…

Sur tous ces sujets, il n’y a pas de voix politiques assez fortes pour opposer une autre logique et proposer une nouvelle perspective. Certes, le Parti socialiste conteste les méthodes autoritaires du pouvoir mais, bien qu’il s’en défende, le PS n’a pas su dégager d’autre projet que le sociallibéralisme et se trouve dans la même impasse que les autres partis socialistes ou sociaux-démocrates européens.

D’avoir fait le choix de l’éclatement du mouvement antilibéral au profit de la candidature de MarieGeorge Buffet a des conséquences pour le parti aussi graves que le déni du rapport sur le stalinisme de Khrouchtchev en 1956, ou l’incompréhension du mouvement de mai 68.

Dans le contexte de notre affaiblissement, il s’agit d’une faute historique dont le parti peut ne pas se relever.

Notre culture de parti est en cause.

Pourquoi n’avons-nous pas entendu ces mises en garde, ces appels qui venaient des propres rangs communistes ? Pourquoi avoir pris le risque inconsidéré de briser un espoir, de faire le plus mauvais résultat communiste depuis 1920, de compromettre jusqu’à l’existence même du parti ? Il nous faut analyser pour la comprendre et s’en défaire, cette culture qui nous fait faire des erreurs monumentales, avec la certitude de faire le bon, le juste, d’être dans la vérité. Pourquoi, alors qu’une grande partie des élus, des membres des directions savaient que nous allions dans le mur, si peu ont dit et si peu ont écouté ? Comment se fait-il qu’échec après échec, ce soit toujours le même groupe qui dirige le parti et organise déjà sa propre succession ?

Il y a dans notre héritage bolchevique des ressorts qui nous font tenir bon dans la plus grande des hostilités, mais qui peuvent aussi nous rendre aveugles et arrogants. Nous avons beau vouloir dépasser nos conceptions de parti guide, nous sommes toujours tentés de nous substituer aux intéressé et de vouloir les conduire, même à moins de 2%.

Parfois notre sentiment de supériorité, souvent notre certitude d’être les seuls révolutionnaires, les seuls radicaux conséquents, nous empêche de mesurer les potentiels de l’époque, de faire une proposition politique qui rencontre ceux qui luttent, souffrent et espèrent. Le maintien, quoi qu’on en dise, d’une culture d’avant-garde politique nous fait considérer notre solitude comme une preuve de vérité et de dignité.

Cela nous empêche aussi de penser le communisme comme une réponse actuelle et non comme un avenir lointain et abstrait se contentant de leitmotiv tels « l’homme plutôt que l’argent » ?

Notre esprit de parti, héritage concret du centralisme démocratique, conduit chacun a intérioriser, à accepter avant même qu’elle soit décidée, « la ligne ». Et nous faisons du (de la) secrétaire national(e) la pierre angulaire de l’édifice. Toute voix différente est vécue comme une menace de destruction. Nous continuons de tolérer que « la ligne » soit, au total, peu discutée et largement le fait du (de la) seul(e) secrétaire national(e) et de son entourage.

Nous avons importé dans nos pratiques le dogme d’infaillibilité du secrétaire national. Nous souffrons profondément de notre culture d’appareil. Elle nous a rendu sourds à des attente ; elle produit le conformisme qui nous sclérose. Au total, toutes les avancées récentes se sont embourbées dans ces conceptions inchangées du parti.

C’est pour n’avoir pas su remettre en cause cet héritage de façon cohérente et constante qu’a finalement échoué la mutation initiée par Robert Hue. C’est pour n’avoir pas su nous en détacher, pour l’avoir valorisé excessivement, que notre existence est en question.

Notre grandeur passée nous étouffe

Le passé ne nous pèse pas seulement dans sa dimension bolchevique maintenue de fait. Nous sommes lourds d’un passé auquel nous nous référons comme s’il conjurait le spectre de notre marginalité. Nous sommes pétris d’une histoire qui nous pose en parti responsable, en parti de gestion et de gouvernement. Nous ne pouvions imaginer un(e) candidat(e) qui ne soit pas de ce rang là. Nous pensions qu’il en allait de la crédibilité et du résultat même. Nous pensions qu’une ancienne ministre, chef de parti, était un gage de sérieux attendu par les Français. Or, après 25 ans de consensus relatif sur une gestion de la mondialisation, la crédibilité attendue est surtout celle d’une vision cohérente et neuve. C’était l’essentiel, nous ne l’avons pas vu. Une fois encore pouvons-nous
seulement enregistrer notre décalage, notre retard sur la société ? Au bout d’un moment, une structure qui rate tant de rendez-vous doit elle-même être interrogée.

Cette tradition conduit la direction à adopter en permanence la posture d’un grand parti de gouvernement. Mais cette posture, par ailleurs utile, nous étouffe quand il faut avoir le courage et l’audace qu’impose l’invention. Nous sommes plombés par un ensemble de réponses passées que nous ne savons pas remettre en cause. En témoignent, par exemple, la banalité et l’exhaustivité du catalogue de positions et de propositions qui serait notre projet, selon le texte proposé pour le congrès. Il faut recommencer à penser.

Et d’abord s’interroger sur les questions qui sont aujourd’hui déterminantes, structurantes. Nous devons identifier les sujets sur lesquels nous avons des atouts théoriques et pratiques pour contribuer à une culture politique qui doit devenir majoritaire.

Beaucoup y réfléchissent. Des fragments de cohérence, des idées nouvelles émergent parmi les communistes, dans et hors parti, mais aussi dans le mouvement social, dans les travaux d’intellectuels.

Nous devons engager un travail d’élaboration avec tous. Mutations des classes sociales et bouleversement du travail, émergence des territoires et des métropoles, révolution numérique et révolution démographique, nouvelle place de l’Etat et crise démocratique, balbutiement d’une conscience monde et croissance des migrations, etc… : cette seule liste montre que nous ne pouvons organiser cette réflexion autour de nous, à partir de nous. Ce sont autant de sujets sur lesquels, récemment, le parti a peu ou pas travaillé et sur lesquels d’ores et déjà la réflexion et les innovations se construisent en dehors de lui.


Il n’est pas dans l’objet de ce texte d’engager la discussion sur chacun de ces thèmes qui pourtant nous tiennent à coeur. Dans l’immédiat, ce qui compte c’est de mesurer que ce travail reste à faire. Et qu’il faut inventer le cadre qui lui donnera une efficacité politique.

Nous n’avons pas fait un mauvais résultat en 2007 seulement parce que nos propositions étaient insuffisantes mais parce qu’elles étaient portées par une force politique qui ne peut plus leur donner sens et force.

Un passé qui ne fut pas que de grandeur.

L’histoire du parti a ses ombres et ses lumières. Robert Hue a légitimé un regard critique sur ce passé. Il faut oser le prolonger… plus près de nous. Evidemment le parti n’est plus le parti stalinisé des années 1960 ni même le parti autoritaire des années 80. C’est vrai que depuis le 22° congrès nous avons rompu avec le «marxisme léninisme ». Et la liste des ruptures est longue : de la dictature du prolétariat au centralisme démocratique… mais ces abandons ne furent pas remplacés par une culture et une théorie alternative cohérentes ni par l’invention de pratiques nouvelles. Dès lors c’est toujours l’ancienne culture qui ressurgit. Ainsi, nous avons en principe renoncé au centralisme démocratique… Alors comment comprendre qu’aujourd’hui encore la majorité du conseil national refuse explicitement (par un vote) « l’égalité de traitement » entre tous les points de vue lors de la préparation du congrès ? Comment justifier que des membres du conseil national soient légitimes pour présenter des rapports et d’autres, non ? Comment expliquer l’omnipotence du secrétaire national qui seul(e) peut intervenir autant qu’il (ou elle) veut, arbitrer, conclure?

Le plus courant quand un communiste, un dirigeant doute est qu’il se taise, se retire pour « ne pas nuire au parti ». C’est ainsi que nos assemblées se dépeuplent. Le texte de congrès n’a-t-il pas été adopté par seulement 88 membres d’un CN qui en comptent 250 ? Nous ne savons toujours pas organiser les débats contradictoires qui pourtant sont nécessaires à toute élaboration politique. Fin du centralisme démocratique mais toujours aucun droit pour les points de vue politiques alternatifs à ceux de la direction. Ni reconnaissance statutaire, ni droit de tendance, ni moyens, ni participation aux exécutifs… Tout ceci au nom de l’unité du parti qu’il faudrait préserver.

Croit-on vraiment que le contournement du débat ait permis la préservation de cette unité ? Le raidissement actuel est plus un aveu de faiblesse et une technique de captation du pouvoir qu’une preuve de l’esprit de rassemblement.

Malgré ce passé si tenace, difficile à surmonter, nous faisons partie de ces communistes qui ne veulent pas renoncer à ce nom parfois jugé encombrant. Nous continuons de nous dire communistes pour ce que l’histoire communiste recèle de grand et de d’inventif mais aussi pour assumer ses noires leçons. C’est en communistes que nous pouvons dire à Besancennot qu’identifier radicalité et solutions simplistes nourrit le populisme, la rancoeur et l’échec.

Quoi qu’il en coûte, et à l’heure où le texte de congrès promet d’engager un nouveau processus de changement du PCF, nous devons nous interroger sur le fait que l’histoire communiste du XX° siècle est aussi celle des échecs de toutes les tentatives de transformation. Pourtant ces tentatives ont commencé dès le début avec Trotsky, Boukharine, Gramsci et se sont poursuivies en Urss et ailleurs avec Khrouchtchev, le printemps de Prague et la perestroïka de Gorbatchev : autant d’impulsions courageuses qui se sont enlisées.

Le PCF a rarement été à l’avant-garde de la réforme. C’est le moins que l’on puisse dire, excepté l’intermède de l’Eurocommunisme et du socialisme à la française entre 1975 et 1979 et la « mutation » de Robert Hue. Le PCF ne manquait pourtant pas de militants critiques. La plupart, jusqu’aux refondateurs, ont été contraints de quitter le parti. Ces communistes critiques ne disaient souvent que ce qui fut repris bien des années plus tard, bien des années trop tard.

Du coup, les tentatives de réformes conduites par les équipes dirigeantes se sont heurtées à leur faiblesse politique (trop peu de soutien, trop peu d’élaboration), à leurs hésitations. Que ce soit par précipitation de « sommet », ou par crainte de brusquer « l’appareil », toutes les expériences conduites au sein du parti ont échoué. Le coût politique est là : un parti dépassé, décalé.

C’est pour cette raison que, faisant le choix du communisme politique, nous ne pouvons le séparer de l’ambition de refondation. Ce parti pris suppose aujourd’hui, comme au début du XXe siècle, de décider explicitement d’entrer dans une nouvelle étape de notre histoire. Aujourd’hui comme en 1920, rester dans les cadres du système installé, c’est se résoudre au dépérissement de l’idée.

3- Que faire, aujourd’hui ?

Parce que nous ne pouvons accepter que la France s’englue dans le bipartisme , parce que nous ne croyons plus dans les capacités de relance du PCF seul et parce que nous connaissons la richesse des forces militantes et intellectuelles qui peuvent converger, nous faisons la proposition aux communistes de travailler à l’émergence d’une force politique neuve dans laquelle se reconnaissent, se retrouvent les contestataires et les utopistes d’aujourd’hui.

Cette force inclurait en son sein une composante communiste et ferait toute sa place aux différentes traditions critiques de la gauche française. Ces forces qui pourraient s’agréger sont multiples ; elles vont de la gauche du Parti socialiste à l’extrême gauche, en passant par les communistes, les écologistes, les républicains. Elles sont diverses par leurs pratiques : certaines sont engagées dans l’action politique et sont d’ores et déjà constituées en partis ou quasipartis ; beaucoup sont inorganisées ; d’autres s’investissent dans le champ syndical ou associatif ; certaines se réclament plus ou moins directement des traditions de la République ou du mouvement ouvrier, d’autres se retrouvent dans de nouvelles conceptions de la mise en commun et de l’action collective.

Toutes rejettent le libéralisme et ne se reconnaissent pas dans la version affadie du socialisme qui s’est identifiée aux gestions socialesdémocrates des trois dernières décennies, et notamment à sa variante « sociale-libérale ».

Dans notre proposition, les communistes continueraient d’être organisés afin d’apporter à la nouvelle force ce qu’ils ont de mieux. Nous gardons la conviction qu’en ce temps de mondialisation inégalée, d’universalisation des questions et des engagements, les communistes ont beaucoup à dire. L’exigence proprement communiste, alors que le capitalisme s’est mondialisé et que l’espace de la marchandise s’est universalisé, a conservé et même conforté sa pertinence fondamentale. Mais ce n’est pas parce que l’idée communiste est moderne, pertinente qu’elle gagnera. Le communisme peut être un ferment de la critique sociale, s’il se refonde. Il n’émergera que dans l’échange, la confrontation, le métissage avec les autres cultures. Il ne perturbera que s’il se maintient en force politique. Car le communisme n’est pas d’abord une philosophie. Nous ne saurions nous résoudre à la situation des pays anglo-saxon dans lequel le parti pris communiste est un choix personnel, sans prolongement politique faute d’espace politique. Il ne suffit donc pas de réaffirmer la modernité du communisme ; il faut aussi penser les conditions de son existence politique. Il ne suffit pas de brandir le drapeau du PCF pour être influent et utile.

En Allemagne, les communistes allemands ont eu l’audace de construire « Die Linke », La Gauche, avec des syndicalistes, des socialistes, des alternatifs, des écologistes…

Ensemble, ils parviennent à ébranler un des plus forts partis sociauxdémocrates d’Europe quand, nous, nous nous retrouvons en position de supplétifs du PS. Nous n’acceptons pas davantage de voir l’héritage communiste capté et stérilisé par une extrêmegauche qui n’a rien de diabolique, mais qui n’a ni les moyens concrets ou symboliques, ni la culture, ni la politique pour donner un débouché aux demandes d’une alternative.

En proposant à tous les communistes d’avoir l’audace de s’engager dans cette véritable révolution, nous ne renions rien des engagements qui nous ont fait opter pour le communisme. Nous tirons les conséquences d’expériences, de débats, de recherches que nous avons partagés avec tous nos camarades.

Nous ne proposons pas de saborder le PCF mais d’engager un processus de dépassement du Parti communiste pour construire une nouvelle force qui réinvente la gauche et constitue un espace favorable aux idées communistes. Cette recherche d’une nouvelle forme politique, adaptée aux conditions du combat émancipateur d’aujourd’hui, s’observe dans de nombreux pays européens (Italie, Allemagne, Grèce, etc.). Partout les communistes y jouent un rôle moteur. Pas plus que nous, nos camarades en Europe ne renoncent : ils veulent trouver les façons contemporaines de continuer leur engagement.

Cela mérite mieux que le silence du texte du congrès. Cela mériterait au moins qu’on en discute, qu’on l’expérimente, qu’on en teste les conditions.

Quelle alternative propose le texte de la direction ? Celle de continuer la solitude du parti.

Nous sommes convaincus que le PCF seul est voué à une existence marginale.


L’entourer de quelques compagnons de route venus des quatre coins de l’Europe n’y changera rien. La constitution de « fronts » variables selon les sujets ne répond pas davantage à l’exigence de construction dans la durée : les alliances à la carte ne font pas une stratégie lisible par nos concitoyens.

 Il est totalement présomptueux de proclamer, comme le fait le texte de congrès, que l’essentiel est que le PCF prenne l’initiative de grands rassemblements politiques pour inventer l’alternative : nous sommes loin d’en avoir aujourd’hui les forces et le crédit. Se référer au Front populaire ou au Programme commun relève là encore d’une illusion liée à la nostalgie de notre grandeur passée.

Soyons en sûrs, si la dispersion des forces alternatives se prolonge, deux attitudes vont exister : le plus souvent, le désir de combattre la droite sarkozyenne nourrira les réflexes de vote utile en faveur du PS ; plus rarement, la volonté de sanctionner la mollesse du PS s’exprimera dans un vote d’extrême gauche. L’exigence d’alternative majoritaire disparaîtra.

Occulter ce fait ne protège pas du danger.

L’évolution du PS d’un côté, l’écho rencontré par le NPA de l’autre ne s’expliquent que par défaut, parce qu’il n’existe pas d’alternative qui énonce d’emblée et de façon crédible une ambition majoritaire. C’est cette perspective qui intéresse une part non négligeable de la gauche mais à qui plus personne ne parle. Plus aucune force politique n’incarne l’engagement internationaliste et l’ancrage local, le radicalisme et l’inscription dans l’espace institutionnel. C’est avec cela qu’il faut renouer, à une échelle crédible, donc avec d’autres. Il faut cesser le balancier et reconstruire cette cohérence perdue. Il faut se souvenir de 2002 (échec de la gauche plurielle) et de 2007 (éparpillement des forces antilibérales). Pourquoi la direction du parti, néglige-t-elle, voire refuse-t-elle désormais, la recherche de convergence des forces d’alternatives ? « Nous n’aurions pas d’alliés possibles à la gauche du Parti socialiste » entend-on souvent : trop peu nombreux, trop peu sérieux, trop peu solides : bref pas assez communistes ! Si les communistes tournent le dos à tous ceux qui souhaitent une convergence alternative, alors avouons nous le franchement : nous acceptons que le PCF s’installe durablement dans la dépendance du PS.

Il faut mesurer que faire ce choix dans les conditions de notre faiblesse et alors même que le PS évolue comme on sait, nous coupe des citoyens, militants, intellectuels qui ne considèrent pas la compétitivité des territoires et la compétition entre les hommes comme moteur des sociétés. Les appels incessants lancés par MarieGeorge Buffet à réunir toutes les forces de gauche aggravent le malentendu. A défaut d’une capacité à remobiliser les forces alternatives, coller au PS peut sauver des élus mais, politiquement, est un non-sens.

Nous ne sommes pas devenus communistes pour ça. Contrairement à l’actuelle direction, nous pensons qu’en politique, c’est la capacité d’enclencher des dynamiques qui est déterminante. C’est ce qui est en jeu avec la constitution d’une nouvelle force politique : redonner du poids, de la crédibilité et de l’autonomie aux exigences radicales, anticapitalistes. Les communistes doivent y contribuer de toutes leurs forces.

Pendant quelques décennies, les communistes ont majoritairement récusé la transformation du parti. Beaucoup l’assimilaient à la liquidation du parti. Le résultat est hélas devant nous : le PCF auquel nous avons adhéré n’existe plus. La liquidation, c’est celle qui est en cours ; celle qui fait du communisme une force marginale, qui n’en finit pas de s’étioler ; celle qui place le communisme politique en situation vassale par rapport à une socialdémocratie en crise et réduite à se ranger derrière le sociallibéralisme.


De cela nous ne voulons pas.

Nous faisons des propositions pour l’éviter. Nous aimerions qu’enfin un débat sérieux se noue autour de ces analyses.

Nous attendons vos contributions.

Nous appelons à diffuser largement ce texte, à organiser des débats aussi larges que
possible pour mettre ces idées en discussion.

 contact: communisme.mouvement@free.fr
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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 19:01
  André Gerin et Caroline Andréani, Frédéric Bernabé, Marie-Christine Burricand, Emmanuel Dang Tran, Jean-Jacques Karman, ont tenu une conférence de presse Vendredi 10 octobre 2008 au siège du Parti communiste français afin de présenter le texte alternatif "Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps" remis hier à la commission de transparence dans le cadre de la préparation du 34ème congrès.


Une telle démarche d'opposants unis n'avait pas été possible depuis le congrès de Martigues en 2000.

Le Parti communiste français n'est pas mort. Beaucoup d'échos indiquent que la base commune n'est pas soutenue dans plusieurs fédérations.


Lors d'une rencontre publique organisée à Rochefort par la fédération de la Charente-Maritime, rassemblant quelques 120 personnes, à laquelle André Gerin a été invité aux côtés de Pierre Laurent, directeur de la rédaction à l'Humanité, Daniel Cirera et Bernard Calabuig, dirigeants du PCF, aucune intervention lors du débat n'est venue soutenir la base commune.

Le vote des 29 et 30 octobre sera déterminant pour la suite.

Le texte "Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps" (ci-joint) a rassemblé à ce jour plus de 600 signatures avec 61 départements représentés.



Téléchargement de pièces jointes :
www.andregerin.com/admin/img/eve/00001.1546.texte_alternatif.pdf

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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 18:58
Renforcer le PCF, renouer avec le marxisme.

Le gouvernement Sarkozy est sans aucun doute le plus réactionnaire que la France ait connu depuis celui du Maréchal Pétain. La multiplication de leurres et de diversions, soigneusement orchestrée depuis l’Elysée, ne saurait dissimuler les véritables objectifs du pouvoir en place. De « réforme » en « réforme », il s’agit de démanteler toutes les conquêtes sociales du passé, de soumettre tous les aspects de la vie sociale et économique du pays à la loi du profit, de réduire le travailleur au rang de simple « matière première », corvéable et jetable à l’envi. Ce programme ne tombe pas du ciel. Il répond aux impératifs d’un système qui ne peut plus exister qu’au détriment de l’immense majorité de la population.

Pendant la campagne présidentielle, Sarkozy a atteint les sommets du mensonge et de l’hypocrisie. Il allait s’occuper des pauvres, des « sans-grade », des opprimés, des chômeurs, des ouvriers. Ceux qui ont cru à ce flot de promesses ont vite déchanté. La politique de Sarkozy répond exclusivement aux exigences de la classe capitaliste. Sarkozy a pu compter sur l’appui de la puissante industrie médiatique qui se trouve entre les mains des capitalistes. La manipulation de l’opinion publique par les médias était un facteur important dans la victoire de la droite. Mais l’explication principale de la défaite de la gauche réside dans la dérive droitière de la direction du Parti Socialiste.

Ségolène Royal et la direction du PS ont fait campagne sur la base du programme le plus vide et le plus conservateur de toute l’histoire du mouvement socialiste. Le programme du PS ne contenait aucune mesure susceptible d’améliorer sérieusement le sort des victimes du capitalisme, et donc de soulever leur enthousiasme. En conséquence, de nombreux travailleurs et retraités se sont laissés duper par le discours démagogique de Sarkozy.

Les horizons radieux dessinés par Sarkozy et ses alliés médiatiques – où le mérite et l’effort de tous seraient récompensés, où la pauvreté et les inégalités diminueraient, où les « patrons voyous » seraient sanctionnés – ne seront jamais atteints. Sarkozy est assis sur une charge de plus en plus puissante de matériel social explosif.

Face aux attaques de la droite et du patronat, les travailleurs et les jeunes ont plus que jamais besoin d’un PCF fort et combatif. Le parti doit se maintenir et se renforcer, étendre son influence. Ceci implique, chacun le sait, une évaluation critique, sans la moindre complaisance, du programme et des orientations du parti au cours de la dernière période. Dans les erreurs qui sont à la source de son affaiblissement, il n’y a absolument rien d’irrémédiable. Nous rejetons catégoriquement les arguments de ceux qui voient dans les difficultés de la dernière période les signes d’un déclin «historique» – et donc irréversible – de notre parti. L’idée d’une dissolution du parti ou de sa transformation en « autre chose » doit être fermement et définitivement écartée. Par un effort commun, les communistes peuvent faire en sorte que le programme et l’action de leur parti soient à la hauteur des enjeux de notre époque, c’est-à-dire de la lutte pour libérer l’humanité de l’exploitation capitaliste.

Le contexte international

A notre époque, la caractéristique prédominante de l’économie mondiale est l’intensification de la division internationale du travail. Plus que jamais, le marché mondial marque de son empreinte l’ensemble des relations sociales, politiques et militaires, au point qu’aucun pays – aussi puissant soit-il – ne peut s’y soustraire. Les perspectives pour la France ne sont pas une affaire « française », en premier lieu. Il est impossible de comprendre la position réelle du capitalisme français et les perspectives économiques, sociales et politiques qui en découlent sans tenir compte de l’évolution de la situation internationale.

La concentration du capital a atteint un niveau de développement sans précédent. Quelques milliers d’individus, à la tête d’entreprises capitalistes gigantesques, tiennent dans leurs mains les destinées de la planète. Une seule entreprise de la grande distribution, Walmart, réalise un chiffre d’affaires – 351 milliards de dollars – nettement supérieur au PNB de la Belgique (323 milliards en 2005) et deux fois supérieur à celui de l’Afrique du Sud (165 milliards). Les bénéfices annuels de Walmart s’élèvent à plus de 11 milliards de dollars, soit l’équivalent du PNB de la Jordanie. L’entreprise emploie 1,9 million de salariés. Sur le marché américain, un article de consommation courante sur cinq et un jouet pour enfant sur deux sont vendus par Walmart. Le groupe Carrefour réalise un chiffre d’affaires de 77 milliards d’euros et emploie près d’un demi-million de salariés. Un seul capitaliste, Bill Gates, possède une fortune personnelle de 59 milliards de dollars !

L’effondrement de l’URSS et la restauration du capitalisme en Europe de l’Est avaient donné un nouvel accès de confiance aux représentants du capitalisme à travers le monde, et en particulier aux impérialistes américains. Le capitalisme avait triomphé du « communisme » – en réalité, de régimes qui n’en étaient que des caricatures bureaucratiques et totalitaires. Plus rien ne semblait pouvoir s’opposer à l’écrasante domination de l’impérialisme américain. Le « nouvel ordre mondial » devait soumettre tous les peuples d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et du Moyen-Orient à sa domination économique, politique et militaire.

Le brusque changement dans la configuration des relations internationales s’est accompagné d’une puissante offensive idéologique dirigée contre le marxisme et contre les idées progressistes en général. Désormais, le « marché » devait décider de tout. La totalité des activités économiques et des relations sociales devait être soumise aux lois de la concurrence et du profit. Il fallait tout privatiser.

Les répercussions négatives de ce phénomène étaient d’autant plus importantes que les Partis Communistes, même quand ils avaient pris des distances par rapport aux régimes en question – comme c’était le cas, par exemple, du PCF –, les présentaient tout de même comme autant de régimes « communistes ». Leurs dirigeants n’avaient pas anticipé l’effondrement de ces régimes et ne pouvaient en fournir la moindre explication. De manière générale, la réaction idéologique s’est traduite par un décalage vers la droite dans la politique des partis sociaux-démocrates et communistes, ainsi que dans les orientations des organisations syndicales. Les dirigeants du Parti Socialiste, en France, ont évacué de leur programme toute référence au marxisme et à la propriété publique des moyens de production. Le PCF n’était pas non plus à l’abri de l’offensive idéologique pro-capitaliste, comme en témoignent les modifications successives de son programme et le comportement de ses dirigeants à l’époque du gouvernement Jospin. Quant au Parti Communiste Italien, à force « d’innover » et de « réinventer le communisme », il a fini par fusionner avec des formations de droite pour fonder un nouveau parti capitaliste, le Parti Démocrate.

Aujourd’hui, près de 20 ans après la chute du mur de Berlin, le triomphalisme des représentants du capitalisme a cédé la place à une profonde inquiétude. Les guerres en Irak et en Afghanistan, qui devaient fournir au monde entier une preuve irréfutable de l’énorme puissance militaire des Etats-Unis, en ont surtout montré les limites. Les Etats-Unis et leurs alliés – dont la France, en Afghanistan – sont en train de perdre ces guerres. Par ailleurs, les Etats-Unis sont en récession, et l’Europe suit la même pente. En Chine et en Inde, une crise de surproduction est inévitable.

Le « nouvel ordre mondial » sombre dans le désordre. L’Amérique latine est en pleine ébullition. Au Venezuela, en Bolivie, au Mexique, en Equateur, des mouvements de masse aux proportions insurrectionnelles ont ébranlé le système capitaliste jusque dans ses fondations. Le continent africain, le Moyen-Orient et les pays asiatiques sont entrés dans une période de turbulence et d’instabilité. A la place de l’optimisme conquérant des années 90, les porte-parole des grandes puissances sont habités par le sentiment que le sol se dérobe sous leurs pieds.

La croissance économique relativement soutenue qu’ont connue les Etats-Unis s’est réalisée sur la base d’une intensification du taux d’exploitation des travailleurs, au détriment des conditions de vie de la vaste majorité de la population. Entre 1998 et 2007, la productivité des travailleurs américains a augmenté de plus de 30%, alors que leur pouvoir d’achat a baissé, sur la même période. La demande intérieure n’était soutenue que par l’endettement massif des ménages, notamment par le biais d’emprunts à taux variable, dont les subprimes. La spirale haussière des valeurs immobilières a massivement alourdi cet endettement. Cette bulle spéculative a éclaté. En 2007 avec la saturation du marché de l’immobilier, un million de familles américaines surendettées ont été expulsées de leur foyer.

Dans les pays européens, la croissance du PIB – relativement faible, dans la plupart des cas – a été acquise au détriment de la majorité de la population. A travers le continent, la classe capitaliste mène une offensive implacable contre les services publics, les conditions de travail, les droits des salariés, des chômeurs, des retraités et des jeunes, créant au passage une masse sans cesse grandissante de pauvres. Pour sauvegarder leurs profits, les capitalistes doivent obligatoirement réduire la part des richesses qui est restituée, sous une forme ou sous une autre, aux travailleurs qui les ont créées. La place qu’occupe l’Union européenne dans l’économie mondiale se rétrécit, ce qui ne peut qu’attiser les tensions entre ses pays membres. Ils s’affrontent sur le marché européen et sur le marché mondial. Les capitalistes de chaque pays s’efforcent de défendre leurs profits au détriment des autres.

La crise économique américaine entraînera dans sa chute l’ensemble des économies européennes, avec des conséquences extrêmement graves pour l’ensemble des travailleurs du continent. La crise économique mondiale, l’enlisement des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan, mais aussi la résurgence de mouvements révolutionnaires – notamment en Amérique latine – ont des conséquences sur le moral et la combativité des travailleurs. Elles en ont également sur le plan des idées. Au Venezuela, des millions d’hommes et de femmes « ordinaires », les « esclaves du capital », se sont levés en masse, à plusieurs reprises, pour prendre en main leur propre destinée. Les tentatives contre-révolutionnaires successives ont été repoussées. La révolution vénézuélienne a eu un énorme impact, bien au-delà des frontières de ce grand pays. Elle a grandement contribué à renforcer la lutte des travailleurs et des paysans sur le continent latino-américain. Les mouvements insurrectionnels en Bolivie et au Mexique se sont inspirés de son exemple.

Parmi les effets les plus importants de la révolution vénézuélienne, il y a son impact sur la conscience des travailleurs et des jeunes, son impact idéologique. L’expropriation des capitalistes, les nationalisations sous contrôle ouvrier, la redistribution des terres, en un mot tout ce que le « nouvel ordre mondial » et la « fin de l’histoire » avaient consigné à la poubelle de l’histoire, sont revenus au cœur de l’action et de la pensée des victimes du capitalisme. La révolution vénézuélienne n’est pas encore allée jusqu’à son terme. Mais elle a déjà rendu un immense service à tous ceux qui luttent contre le capitalisme. Elle a remis les idées révolutionnaires, les idées du marxisme, au cœur des discussions dans le mouvement ouvrier latino-américain, et même à l’échelle internationale. Les événements au Venezuela, en Bolivie et ailleurs signifient qu’après toutes ces années pendant lesquelles les capitalistes ont décrété la mort définitive de notre cause, la révolution socialiste est de nouveau à l’ordre du jour!

Le déclin du capitalisme français.

Le capitalisme français perd du terrain. En 1980, la France avait le quatrième PIB dans le monde, et le huitième PIB par habitant. Aujourd’hui, elle occupe la sixième place mondiale en PIB et la dix-neuvième en PIB par habitant. L’affaiblissement constant de sa position mondiale trouve son expression dans l’effondrement de la balance du commerce extérieur. Entre 1997 et 2007, elle est passée d’un solde excédentaire de 23,8 milliards à un solde déficitaire de 39,2 milliards !

L’augmentation du taux d’exploitation des travailleurs et les attaques constantes contre leur niveau de vie ont eu, certes, un effet sur la compétitivité du capitalisme français. Mais dans la mesure où les mêmes attaques sont menées dans les autres pays, les avantages que cela procure à leurs classes capitalistes respectives s’annulent réciproquement. Sur la base du capitalisme, le déclin de la France est irréversible.

La tentative d’expliquer ce déclin par la baisse du dollar – et ainsi d’exonérer, au passage, les capitalistes français – ne tient pas la route. Le capitalisme français est également en repli dans la zone euro, où les taux de change n’entrent pas en jeu. L’économie nationale souffre d’un sous-investissement chronique, tout particulièrement dans le secteur industriel et manufacturier.

Depuis une quinzaine d’années, le taux de croissance du PIB français a varié dans une fourchette allant de –1% à +4,1%. Depuis 2001, il n’a jamais dépassé 2,3%. Mais le fait est que sur l’ensemble de cette période, il n’y pas eu un seul domaine – emploi, conditions de travail, santé, éducation, logement, retraites – où on peut parler d’un quelconque progrès social. Au contraire, les inégalités sociales sont encore plus marquées qu’auparavant et la précarité de l’emploi s’est généralisée. La hausse des prix sur pratiquement tous les postes de dépenses des ménages se traduit mois après mois par une réduction de leur niveau de vie. Les différentes manifestations de la « grande misère » – mendicité, « soupes populaires », maladies liées à la pauvreté, etc. – s’aggravent d’année en année.

Karl Marx expliquait que le profit n’est autre que le travail impayé du salariat. La lutte des classes est une lutte pour la répartition, entre les capitalistes et les salariés, des richesses créées par ces derniers. La perte de marchés au niveau mondial, sur le marché européen et même national, ne peut que rendre cette lutte encore plus âpre et implacable. Pour maintenir et accroître leurs profits, malgré la perte de marchés, les capitalistes n’ont d’autres recours que de redoubler leur offensive contre les droits et les conditions de vie des travailleurs. Plus le gâteau se rétrécit, plus la lutte pour son partage s’attise.

Les profits colossaux des capitalistes ne proviennent pas de la conquête de nouveaux marchés, ni d’un développement des capacités productives du pays. Ils s’expliquent par le caractère de plus en plus rapace du capitalisme français. La spéculation financière rapporte des milliards à une classe de parasites, cependant que les fusions et les acquisitions « rationalisent » la production aux dépens des salariés. La technologie, la « flexibilité », le travail précaire et sous-payé, le prolongement de la semaine du travail, la réduction des effectifs, la délocalisation, la sous-traitance, le chantage, les innombrables pressions morales et psychologiques à l’encontre des travailleurs : tous les moyens sont bons pour extraire davantage de profits du travail accompli par le salarié.

L’endettement de l’Etat français est actuellement supérieur à 1200 milliards d’euros, soit 64% du PIB. Le montant des seuls intérêts que l’Etat verse aux banques est supérieur à la recette totale de l’impôt sur le revenu ! Lorsque Sarkozy déclare que « les caisses sont vides », il n’a pas tort. Sauf que, quand il s’agit de faire des largesses en direction des capitalistes ou de gaspiller des sommes colossales dans des équipements et opérations militaires (comme en Afghanistan, par exemple), l’argent ne manque pas. L’argument ne vaut que lorsqu’il s’agit de la paye des travailleurs du secteur public et des administrations, des retraites, de la sécurité sociale et des allocations chômage.

Une régression sociale permanente.

La place de plus en plus étriquée du capitalisme français sur les marchés extérieurs l’oblige à s’acharner davantage contre tout ce qui fait obstacle à la rentabilité du capital sur le plan intérieur. Le système capitaliste est devenu complètement incompatible avec les conquêtes sociales du passé. La régression sociale est visible, palpable, dans tous les secteurs de l’économie, dans les services publics et les administrations, dans les écoles et les universités, dans les domaines du logement et de la santé publique. Elle trouve son corollaire dans l’aggravation du harcèlement et de l’oppression des travailleurs immigrés et des chômeurs.

Le déclin du capitalisme français et la perspective d’une récession mondiale sont lourds de conséquences pour la masse de la population française. Plus que jamais, les acquis sociaux seront constamment menacés, minés et détruits. Ce qui est gagné aujourd’hui sera perdu demain par la mise en concurrence des salariés et par les mécanismes inexorables du marché. Les bases économiques sur lesquelles repose l’idéologie des réformistes n’existent plus. Dans le contexte actuel, où le système tire tout vers le bas, le réformiste ressemble à un homme qui gravit lentement et péniblement les marches d’un escalier mécanique descendant. A force de voir son niveau de vie constamment menacé, la psychologie du salariat – et notamment de sa couche la plus politiquement consciente – commence à changer. L’illusion d’un « dépassement » graduel des inégalités, voire du système capitaliste lui-même, au moyen d’une accumulation progressive de réformes sociales, s’efface devant la dure réalité du capitalisme. Les marchands de cette illusion – qu’ils soient de droite ou de gauche – ne sont plus crédibles. Nous sommes entrés dans une époque de régression sociale permanente.

Le gouvernement actuel est une véritable machine de guerre au service des intérêts capitalistes. Mais l’expérience nous apprend que même si le Parti Socialiste était au pouvoir, avec ou sans participation gouvernementale du PCF, les capitalistes auraient usé de leur emprise sur l’économie pour forcer l’adoption d’une politique conforme à leurs intérêts, comme ils l’ont fait par le passé. Quand ils sont au pouvoir, les dirigeants socialistes justifient le renoncement aux réformes – déjà minimes – en expliquant, en substance, que s’ils les mettaient en œuvre, il y aurait moins d’investissements, une fuite de capitaux et plus de chômage. Ainsi, la politique du gouvernement Jospin était un mélange de réformes plus ou moins conséquentes et de privatisations massives. La valeur des biens publics transférés au secteur capitaliste dépassait les 31 milliards d’euros !

Ces privatisations ne figuraient pas dans le programme électoral du PS, et encore moins dans celui du PCF. Il y a, dans l’expérience douloureuse des années 1997-2002, une leçon fondamentale pour tous les travailleurs soucieux de ne pas la revivre, et surtout pour les communistes. Quelles que soient les ambitions réformistes d’un futur gouvernement de gauche, avec ou sans la participation du PCF, il se trouvera confronté à une alternative implacable. Soit il mobilisera les travailleurs et la jeunesse pour briser l’emprise des capitalistes sur l’économie et l’Etat, c’est-à-dire pour exproprier les capitalistes – soit il sera contraint, par la force des choses, de mettre sa politique en conformité avec les lois du capitalisme sur toutes les questions essentielles.

Bilan critique.

 De toute évidence, le parti a besoin de faire un bilan critique de ses orientations et de son activité. Pour ses militants, le revers subi par le PCF aux élections de 2007 a été une nouvelle déception, un nouveau choc à encaisser. Marie-George Buffet a déclaré, à l’époque, que les résultats ne reflétaient pas le poids et l’influence réels du PCF dans la société. C’est exact. Mais les résultats traduisaient néanmoins un nouveau recul de cette influence, et la responsabilité de ce recul réside avant tout dans la politique défendue par la direction du parti. Certes, les résultats des élections municipales et cantonales ont redonné du courage à bon nombre de militants. Mais même l’analyse la plus indulgente de ces résultats ne nous autorise pas à imaginer que le redressement du PCF est en bonne voie.

Depuis la grève générale des transports et des services publics de 1995, des millions de jeunes et de travailleurs se sont mobilisés, à de nombreuses reprises, et parfois à une échelle inédite depuis 1968. D’innombrables grèves et mobilisations massives ont marqué les années Raffarin et de Villepin : contre le Front National (2002), contre la guerre en Irak et la « réforme » des retraites (2003), contre la Constitution Européenne (2005) et contre le CPE (2006). Depuis l’élection de Sarkozy, d’autres luttes de grande envergure ont eu lieu, notamment pour la défense de retraites et de l’Education nationale, sans oublier les luttes des sans-papiers, etc. Le cours de la lutte contre le CPE, en 2006, ressemblait beaucoup à celui qui a précédé la grève générale de 1968, à une différence près : la mobilisation de la jeunesse, en 2006, était encore plus massive, plus générale et mieux organisée que celle des étudiants de 1968. Si Chirac et de Villepin n’avaient pas fini par faire marche arrière, ils auraient perdu tout contrôle de la situation. Ce n’est pas un hasard si Bayrou parlait, à l’époque, d’une « ambiance d’effondrement » au sommet de l’Etat.

Tout au long de cette période, qui dessine une courbe ascendante de luttes et de mobilisations, le Parti Communiste aurait dû être dans son élément naturel. Il aurait pu et dû renforcer sa position, non seulement sur le plan électoral, mais aussi en termes d’implantation sociale, d’influence dans les organisations syndicales, d’effectifs militants et de finances. Et pourtant, sur cette même période, la courbe de son développement va dans le sens inverse.

Il y a donc un problème. Un grave problème. Tous les communistes en sont conscients. Dès lors, il est nécessaire de déterminer si les causes de cette régression sont externes – c’est-à-dire, comme le prétendent les médias capitalistes, inscrites dans les conditions objectives de la société contemporaine –, ou si au contraire, comme nous le pensons, elles sont internes, c’est-à-dire essentiellement liées au programme et aux orientations politiques du parti lui-même.

Dans le passé, ce qui faisait la force du PCF, ce qui lui permettait de résister face à la répression et à l’offensive idéologique permanente menée contre lui par les capitalistes, c’est que la couche la plus militante et la plus consciente du salariat et de la jeunesse voyait en lui un parti révolutionnaire. Aux yeux des militants et sympathisants du PCF, il incarnait l’idée du renversement du capitalisme et de la réalisation du socialisme.

Entre 1981 et 2002, la gauche a été au pouvoir pendant 15 ans, et avec la participation du PCF pendant 8 ans. Il y a eu quelques réformes progressistes. Mais sur toutes les questions fondamentales, les partis de gauche au pouvoir ont aligné leur politique sur les intérêts capitalistes, de sorte qu’aucun des problèmes sociaux les plus brûlants n’a été résolu – bien au contraire. Cette expérience a miné la crédibilité des dirigeants socialistes et communistes aux yeux de la masse des travailleurs. En ce qui concerne le PCF, le soutien au « plan de rigueur », en 1982-1984 (démantèlement de l’industrie sidérurgique, blocage des salaires), puis, sous Jospin, le ralliement et la participation active à la politique de privatisations, ont mené à un effondrement de la crédibilité du parti comme « parti révolutionnaire ». La couche la plus militante et combative des travailleurs – celle qui donnait au parti ses relais dans la société, ses racines dans les entreprises et les quartiers populaires – a largement « décroché ». Le parti a perdu des centaines de milliers d’adhérents. L’incapacité totale des dirigeants de prévoir et d’expliquer l’effondrement des régimes dictatoriaux prétendument « communistes » a également porté un coup très sévère à l’autorité politique du PCF, et contribué à la désorientation de ses militants.

Le comportement des dirigeants du PCF au gouvernement et la dilution progressive de son programme ont convaincu la majorité de la couche la plus militante et combative du salariat que malgré le ton plus radical de son discours, le PCF ne représente pas, dans la pratique, une alternative sérieuse au réformisme du Parti Socialiste. Aux yeux des centaines de milliers de travailleurs qui formaient le socle de la base sociale et électorale du parti, un PCF qui cautionne des privatisations et d’autres mesures anti-sociales ne sert pas à grand-chose.

Quand l’électorat de gauche fait face à deux partis réformistes, c’est nécessairement le plus grand qui l’emporte, quelles que soient les différences dans leurs programmes. La masse des travailleurs ne lit pas le détail des programmes. Elle se forge son idée essentiellement sur la base de son expérience. Les différences entre les programmes du PCF et du PS pèsent beaucoup moins lourd, aux yeux de l’électorat de gauche, que la politique menée conjointement par le PS et le PCF quand ils étaient au pouvoir. Dès lors, pour la masse des jeunes et des travailleurs, le seul véritable enjeu, c’est de savoir lequel des deux partis aura les meilleures chances de battre la droite dans les urnes. Dans ce domaine, c’est forcément le PS qui l’emporte. La dérive réformiste dans la politique du PCF a favorisé le PS, d’un côté, et de l’autre a ouvert un espace à la LCR.

La situation actuelle offre d’énormes possibilités au PCF, à condition de tourner le dos aux idées décousues du réformisme « anti-libéral », qui ne peuvent que semer davantage de confusion. Il faut réarmer politiquement le parti sur la base des idées du marxisme et du programme du socialisme révolutionnaire.

Modifications dans le programme du parti.

 Au milieu des années 90, Robert Hue a redéfini le projet du PCF comme celui d’une « économie de marché » – une économie capitaliste, en clair – « à dominante sociale ». En substance, ceci n’était qu’une reformulation des idées de l’aile droite du Parti Socialiste. Jospin se disait « pour l’économie de marché, mais contre une société de marché » – comme si les rapports sociaux pouvaient se détacher du mode de production et d’échange. Cela revient à dire qu’on veut garder le capitalisme, mais sans en subir les conséquences sociales. En 1997, Robert Hue a concrétisé ce ralliement à l’économie de marché (le capitalisme) en déclarant que la privatisation n’était plus un sujet « tabou » pour la direction du parti. Il ne s’agissait pas seulement de paroles en l’air, comme en a témoigné l’expérience de la participation du PCF au gouvernement Jospin.


Le PCF a modifié sa politique à l’égard des subventions et autres « cadeaux » accordés aux capitalistes. Par exemple, dans L’Humanité du 21 mai 2008, elle propose la prise en charge totale ou partielle des intérêts sur les sommes empruntées par les capitalistes « pour des investissements matériels, de recherche, en logiciels, avec des taux d’autant plus abaissés, jusqu’à zéro, que sont créés de bons emplois et de bonnes formations. » Ces crédits « à taux zéro » pour les capitalistes font partie d’un ensemble de propositions de type « bonus-malus », destinées à inciter les capitalistes à s’enrichir par l’exploitation directe des travailleurs plutôt que par d’autres procédés, comme par exemple des opérations financières.

Très peu de militants communistes sont d’accord avec ce genre de subventions. Après tout, quand les travailleurs prennent des crédits – parfois juste pour essayer de joindre les deux bouts – ils paient bien des intérêts ! Dès lors, pourquoi les capitalistes, qui s’enrichissent par l’exploitation du travail salarié, n’en paieraient pas? Et puisqu’il n’est pas question que les banques ne touchent pas les sommes en question, les partisans de ces subventions proposent tout bonnement que celles-ci soient prises en charge par les contribuables ! Prétendre que ce type de mesure répond à une « logique anti-capitaliste » est parfaitement insensé. Au contraire, de telles propositions s’inscrivent directement dans la « logique » capitaliste, qui dit que si on veut faire du bien aux pauvres, il faut d’abord enrichir les riches.

Le PCF doit-il vraiment prôner la prise en charge des intérêts, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros, sur les crédits contractés par des capitalistes ? Beaucoup de travailleurs se diront que si l’Etat a de l’argent à dépenser sur la création d’emplois, qu’il le fasse tout d’abord dans le domaine public – dans les hôpitaux, les crèches et les écoles, par exemple – plutôt que de récompenser l’avarice des exploiteurs, sous prétexte que, dans tel ou tel cas, leur recherche de profit crée des emplois.

Le programme du parti a été progressivement vidé de tout ce qui ressemblait de près ou de loin aux idées du socialisme révolutionnaire, pour devenir de plus en plus proche, sur les questions essentielles, de celui du Parti Socialiste. La lutte pour en finir avec le capitalisme a été remplacée par le langage confus et insipide du réformisme «anti-libéral ». L’objectif du socialisme a été remplacé par l’illusion d’une économie capitaliste « équitable », la lutte contre l’impérialisme par le « dialogue Nord-Sud », la nationalisation des banques et des entreprises capitalistes par une usine à gaz de propositions fiscales et administratives « régulatrices ». Chaque pas dans cette direction a été naturellement applaudi et encouragé par les rédactions de la presse « bien pensante », ainsi que par les incorrigibles petits-bourgeois et autres « bovistes » qui grouillaient dans les « collectifs anti-libéraux ». « Enfin, le PCF se débarrasse de ses dogmes ! », disaient-ils. « Mais encore un effort ! ». En fait, la seule chose qui satisferait tout ce beau monde, ce serait que le PCF disparaisse complètement !

Le programme du parti préconise la mise en place de « nouveaux droits » pour les salariés. Au fil des années, les travailleurs ont entendu pas mal de discours, sur ce thème, de la part des dirigeants des partis de gauche. On leur pardonnera donc d’être sceptiques à cet égard. Quand le PS et le PCF étaient au pouvoir, et qu’il s’agissait de passer aux actes, les dirigeants des deux partis n’ont rien fait pour instaurer ces nouveaux droits. Ils nous expliquaient qu’il fallait tout de même être « réalistes ».

Que propose la direction du PCF pour empêcher les fermetures et les délocalisations ? Absolument rien. Dans le communisme « innovant » et « réinventé » actuellement en vogue dans les milieux dirigeants du parti, il n’est plus question de franchir la ligne jaune de la propriété capitaliste. L’expropriation des capitalistes est considérée comme relevant du communisme « archaïque ». On se retrouve donc avec un réformisme « anti-libéral » qui prétend vouloir imposer aux employeurs toutes sortes de taxes, de restrictions, d’obligations et de pénalités, qui parle d’accorder des « véritables pouvoirs » aux salariés – mais qui n’ose pas poser la question de la propriété de l’entreprise, de sorte qu’il finit par renoncer à tous ces projets, au nom du «réalisme».

Dénoncer les patrons, proposer des mesures qui nuisent à leurs intérêts, qui réduisent leurs profits, qui leur imposent des restrictions de toutes sortes, mais qui laissent leur pouvoir intact – le pouvoir de la propriété –, c’est un programme qui n’est pas réaliste. Pratiquement tous les travailleurs le savent d’expérience. Quand ils lisent les tracts du PCF qui évoquent les « nouveaux droits », la taxation des profits et autres dispositions « anti-libérales », ils finissent par hausser les épaules, en se disant : « C’est gentil d’avoir pensé à nous. Mais si on appliquait le quart de ces mesures, ici, le patron mettrait la clé sous la porte dès le lendemain ! ».

Ajoutons à cela que bon nombre de travailleurs – chez Air France et Airbus, par exemple – ont fait l’expérience des « nouveaux droits » à la sauce « anti-libérale » à l’époque de la privatisation de ces industries par un ministre PCF, Jean-Claude Gayssot. Pour ce dernier, la privatisation, rebaptisée « ouverture du capital », n’était rien moins qu’une « conquête sociale » ! La création d’un dispositif de « salariés-actionnaires » était, à l’en croire, un bel exemple de la « réappropriation sociale de l’entreprise » évoquée dans le programme du parti. Gayssot n’agissait pas seul. Il avait l’appui de pratiquement toutes les composantes de la direction du parti. Et comme en témoignent les textes publiés par L’Humanité à l’époque, ni Robert Hue, ni les « économistes » autoproclamés du parti ne ménageaient leur peine pour justifier les privatisations en cours, en les enrobant d’un discours sur des « contre-pouvoirs citoyens » et des « droits nouveaux » qui n’ont jamais vu le jour.

L’axe central de la politique économique du parti est la mise en place d’un système de taxation particulièrement lourd à l’encontre des capitalistes. La direction du parti prône une série de mesures fiscales qui permettraient, selon elle, de faire une « autre politique » : taxation des actifs financiers, cotisations sur les revenus boursiers, suppression des exonérations patronales, annulation du « paquet fiscal », augmentation de l’impôt sur le revenu des plus aisés et doublement de l’ISF. Le solde de ces opérations serait de l’ordre de 80 milliards d’euros, nous dit-on, soit l’équivalent de 80% des bénéfices des entreprises du CAC40. Autrement dit, ce qui est proposé ici, c’est ni plus ni moins qu’une baisse massive de la rentabilité du capital en France. Or, sous le capitalisme, c’est précisément la rentabilité du capital qui constitue la justification et la force motrice de toute activité économique. Un gouvernement qui tenterait de prélever une somme aussi importante sur les revenus des capitalistes se trouverait immédiatement confronté à une chute brutale du taux d’investissement, une fuite massive de capitaux, une vague de délocalisations et une brusque montée du chômage. Et que ferait le PCF contre ces actions visant à défendre la rentabilité du capital ? Le programme du parti ne dit rien sur ce point. Ce n’est pourtant pas un détail !

Le fond du problème, c’est que la direction du PCF a abandonné l’objectif de l’expropriation des capitalistes. Depuis la période Robert Hue, elle accepte « l’économie de marché ». Son programme actuel ne contient pratiquement aucune nationalisation. Les dirigeants se limitent à la recherche de « nouvelles » astuces (qui sont en fait très anciennes et déjà discréditées) pour « réguler » le capitalisme. D’où cette usine à gaz totalement incohérente de « bonus », de « malus », de prélèvements et de taxes – sur les profits, sur les transferts de capitaux, sur les opérations jugées « spéculatives », etc. – sous prétexte de favoriser l’emploi, la formation, la santé, l’environnement, le logement, et ainsi de suite.

La terminologie souvent complètement creuse employée dans les discours, sur les affiches et les tracts du parti, comme dans les pages de L’Humanité, ne fait que rajouter à la confusion. Dire que le parti veut « un meilleur vivre ensemble » ou une « autre politique » – sans préciser laquelle – ne sert à rien, si ce n’est à renforcer l’impression, chez les travailleurs et les jeunes, que le parti ne sait pas où il va et ne sait pas ce qu’il veut.

Un changement d’orientation est nécessaire. Il y va de l’avenir du parti. Le PCF doit mener un travail constant de propagande et d’explication des idées du socialisme. Les discussions dans les sections et à tous les échelons du parti portent trop souvent sur des questions organisationnelles – alliances, collectifs, forums, ateliers, rassemblements, etc. On ne peut pas régler un problème politique au moyen d’astuces et d’expédients organisationnels. Le destin du PCF dépend avant tout de son programme. Il faut expliquer aux travailleurs et à la jeunesse la nécessité impérieuse d’en finir avec le capitalisme, faute de quoi ils ne pourront pas maintenir les acquis, quelle que soit l’ampleur des luttes qui seront menées. Le socialisme ne deviendra une possibilité réelle et immédiate que lorsque la masse des travailleurs s’engagera de façon décisive dans la lutte contre le système capitaliste. Sans l’indispensable travail préalable de propagande et d’éducation politique, le PCF ne joue pas son rôle, se prive de sa raison d’être, s’empêche de reconquérir le terrain perdu et se condamne à en perdre davantage.

Les « mutations sociologiques »

 
L’un des arguments « théoriques » avancés pour justifier l’abandon des idées marxistes – et même la liquidation du PCF – concerne les « mutations sociologiques » qui seraient à l’œuvre dans la société française. En substance, ses partisans affirment que la classe ouvrière occupe une place de moins en moins importante dans la société, et que cette évolution engendre un changement correspondant des « mentalités ». L’abandon des objectifs communistes du parti ne serait que la prise en compte de cette mutation sociologique. Cependant, cette « théorie » ne correspond à aucune réalité.

Très peu de salariés se qualifieraient de « prolétaires », de nos jours. Mais ce n’est qu’une question de terminologie. Par le terme prolétariat, Marx et Engels désignaient la classe des « salariés modernes qui, privés de leurs propres moyens de production, sont obligés, pour subsister, de vendre leur force de travail. » Cette classe – le salariat – représente aujourd’hui près de 90% de la population active. Jamais, dans toute l’histoire du pays, son poids social n’a été aussi élevé.

A quoi pensent-ils, ceux qui discourent sur le thème de l’effacement de la classe ouvrière, lorsqu’ils marchent dans la rue ? Ne se sont-ils jamais demandés d’où viennent la construction et l’entretien des bâtiments qui les entourent, l’entretien des trottoirs et de la chaussée, l’éclairage, les voitures, les vélos, etc. ? N’ont-ils jamais pensé aux millions de mains et de cerveaux qui font « tourner » la machine économique et sociale dans toute sa vaste complexité ?

Loin d’avoir affaibli le salariat, les « mutations sociologiques » à l’œuvre depuis l’époque de Marx l’ont au contraire placé au cœur même de l’organisme social, et ce à un degré que Marx lui-même aurait eu du mal à imaginer. Dans le domaine de la production, de la distribution, des transports, de la construction, des « services », mais aussi dans toutes les branches des administrations et des services publics, le salariat assure toutes les fonctions essentielles de la société. A la veille de la révolution française, l’Abbé Sieyès écrivait que le « tiers état », considéré comme « rien » par les tenants de l’Ancien Régime, était en fait « tout » dans la société. De nos jours, nous pouvons dire avec infiniment plus de justification que le salariat – la classe ouvrière, en d’autres termes – est « tout » dans la société, et que sans lui, sans son consentement, rien ne se fait, bien qu’il soit méprisé et ignoré par la classe qui l’exploite.

A l’époque de la rédaction du Manifeste du Parti Communiste, les rapports de production capitalistes s’installaient progressivement en Europe, en Amérique du Nord et sur tous les continents. Mais ils n’étaient pleinement développés que dans un seul pays : la Grande-Bretagne. Les idées et les perspectives annoncées dans le Manifeste du Parti Communiste étaient une anticipation brillante de l’évolution future du capitalisme. Les perspectives présentées par Marx et Engels – concentration du capital, diminution du poids de la petite propriété, division de la société en deux classes fondamentales, internationalisation des rapports de production capitaliste – ont été confirmées de façon éclatante par le cours ultérieur de l’histoire. Loin d’avoir été invalidées, les idées du marxisme sont encore plus pertinentes aujourd’hui qu’à l’époque de Marx.

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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 18:54
Les « collectifs anti-libéraux »

 

Marqués par le mauvais score du parti en 2002, de nombreux communistes ont été séduits par la stratégie des « collectifs anti-libéraux ». La direction du parti présentait cette orientation comme un moyen d’élargir la base électorale du parti et de reconquérir ainsi du terrain perdu. Cependant, de manière générale, les collectifs n’ont pas mis le parti en contact avec une couche plus large de la population, mais seulement avec une flopée bigarrée d’ex-communistes, d’ex-socialistes, de gauchistes divers et autres « indépendants » plus ou moins petits-bourgeois, qui n’ont apporté au mouvement que démoralisation et confusion.

Lors de la consultation des collectifs, une très nette majorité s’est dégagée en faveur de la candidature de Marie-George Buffet (62%). Ceci n’avait rien d’étonnant, puisque le PCF constituait la colonne vertébrale des collectifs, à l’échelle nationale. Le score de notre candidate aurait pu être beaucoup plus important, d’ailleurs, car seule une petite minorité des militants communistes ont participé au vote. Mais de leur côté, Bové, Autin, Salesse et la LCR ne voyaient dans les « collectifs » qu’un moyen de mettre le PCF à la remorque de leurs propres ambitions politiques. Jamais ils n’auraient accepté de mener campagne pour un candidat issu du PCF. Marie-George Buffet ne faisait pas « consensus », disaient-ils. Le PCF « passait en force ». Cette idée a été largement relayée par les médias, dans le but de discréditer le parti. Mais il faut reconnaître que la direction du parti a commis une faute grave en acceptant la règle du soi-disant « double consensus ». Cette méthode anti-démocratique donnait à une petite minorité la possibilité de bloquer la candidature majoritaire.

Pour le parti, le bilan de cette opération fut négatif. Le fait d’avoir longtemps laissé planer un doute sur une candidature PCF a désavantagé le parti lors des élections. Trop de temps a été perdu à tourner en rond avec ces soi-disant « anti-libéraux » – dont beaucoup étaient surtout « anti-PCF ». On ne peut s’empêcher de penser que si, dès le départ, le temps et l’énergie du parti avaient été consacrés à mener campagne autour de sa propre candidature, il aurait réalisé un meilleur score au moment des élections.

Désormais, le parti doit toujours se présenter aux élections sous son propre nom, élaborer et défendre son propre programme et mener campagne autour de ses propres représentants. Ceci n’exclut pas des alliances, des désistements ou éventuellement des listes communes avec d’autres partis de gauche. Mais le parti doit conserver la maîtrise des combats qu’il mène et avancer sous ses propres couleurs.
 

Alliances électorales et
participation gouvernementale

 

 

De manière générale, il est préférable de mener campagne autour des candidats du parti – et, bien sûr, sur la base du programme du parti. Ceci dit, lorsqu’une liste commune apparaît comme le seul moyen d’assurer la défaite de la droite, il faut envisager cette possibilité. C’est une question d’ordre tactique, et non de principe. Cependant, la présentation de listes commune avec le PS ne doit en aucun cas empêcher le PCF de défendre sa propre politique et de se démarquer du PS. En cas d’alliance, se dissocier du réformisme du PS est non seulement autorisé, mais c’est même le devoir du PCF. Or ceci est impossible tant que les idées et le programme du PCF sont eux-mêmes réformistes. Ce ne sont pas les alliances et les accords ponctuels avec le PS qui ont fait « perdre son âme » au PCF, mais le caractère réformiste de son propre programme et la tendance à réaliser n’importe quel compromis pour obtenir des sièges.

Si le PCF devait accepter de participer à un gouvernement sur la base du programme actuel du PS, il se mettrait dans une situation extrêmement compromettante. Il serait associé à la politique mise en œuvre, et retomberait dans le même piège qui l’a mené à la débâcle de 2002. Si, entre 1997 et 2002, le PCF avait eu les mains libres, il aurait pu soutenir les mesures du gouvernement Jospin qui allaient dans le bon sens, tout en luttant énergiquement contre toutes celles qui allaient dans le mauvais. Dès lors, son électorat ne l’aurait pas sanctionné au profit de l’extrême gauche ou de l’abstention, comme il l’a fait en 2002.

On oppose à cette idée l’argument qu’il faut présenter le PCF comme un « parti de gouvernement », et non comme une simple force de « contestation ». Mais il ne s’agit pas d’exclure d’avance toute participation gouvernementale. Le PCF peut expliquer qu’il est parfaitement disposé à participer au gouvernement avec le PS, à condition que ce gouvernement prenne des mesures décisives pour briser le pouvoir des capitalistes et améliorer sérieusement les conditions de vie de la majorité. Par contre, l’entrée du PCF dans un gouvernement « de gauche » qui privatise à tour de bras, comme celui de 1997-2002, est une option qui doit être totalement exclue.

Alliances avec le Modem

 

Malheureusement, les sphères dirigeantes du PCF ont été contaminées par le même opportunisme que les dirigeants du PS. Cela a été amplement démontré par l’implication de nombreux candidats du parti sur des listes communes PS-PCF-Modem aux élections municipales, et par le refus de la direction nationale du parti de condamner cette dérive. Clairement, pour certains dirigeants, tout ce qui importe, c’est d’obtenir des sièges – et peu importe comment !

Au lendemain des législatives, le PCF a condamné, à juste titre, la dérive « centriste » du PS. Mais que doivent penser les travailleurs quand, quelques mois plus tard, ils s’aperçoivent que les candidats du PCF sont tombés dans la même dérive ? Nous voulons tous que le parti remporte des élections et obtienne des sièges, aux élections municipales comme à toutes les élections. Mais ce ne doit pas être à n’importe quel prix. En aucun cas le PCF ne devrait accepter de figurer sur les mêmes listes que le Modem. C’est une forme de collaboration de classe – elle doit être rejetée sans appel.

Une politique internationale incohérente

 

La politique étrangère de la direction actuelle du parti souffre des mêmes incohérences que sa politique nationale. La France est impliquée dans une guerre impérialiste en Afghanistan, aux côtés des forces armées américaines. Mais il a fallu attendre le mois d’août 2008 – sept ans après le début de la guerre – pour que la direction du parti demande le retrait total des troupes sur place. Pourquoi ? Sans doute parce qu’elle avait apporté son soutien à la participation de la France à la coalition impérialiste, à l’époque du gouvernement Jospin, en 2001.

De nombreux militants sont également choqués par l’attitude distante des dirigeants du parti à l’égard de Cuba. L’abolition du capitalisme à Cuba fut l’un des plus grands événements du XXe siècle. Elle a ouvert la voie à une transformation radicale des conditions d’existence des travailleurs et des paysans cubains. L’illettrisme a été rapidement éradiqué. La révolution a établi les conditions d’immenses progrès dans les domaines de la santé, de l’éducation et des conditions de vie des masses. Pour la première fois, la masse de la population a pu s’ouvrir à l’art et la culture. Tel est le « crime » que les impérialistes ne pourront jamais pardonner à Cuba. Ils ont utilisé toutes sortes de méthodes crapuleuses pour détruire cette révolution.

Dans ce combat, le PCF ne peut bien évidemment pas rester neutre. Nous sommes aux côtés de Cuba contre l’impérialisme américain. Nous soutenons un pays qui a éliminé l’illettrisme et où le système de santé est de loin le plus avancé de toute l’Amérique latine. Ceci a été accompli grâce à la planification des ressources et à l’abolition de l’anarchie du marché capitaliste. Cuba est une référence pour tous les peuples de l’Amérique latine. Voilà ce que les impérialistes ne peuvent tolérer. Ils veulent écraser Cuba, car ce pays incarne l’idée qu’il existe une alternative à l’économie capitaliste, que le marché n’est pas le seul système économique possible. C’est pour cela qu’ils veulent détruire toutes les conquêtes de la révolution cubaine. Et il existe un risque sérieux qu’ils y parviennent.

Si la révolution cubaine était liquidée, comme ce fut le cas en Russie, cela aurait d’abord un effet démoralisateur sur les travailleurs, la jeunesse et les paysans de toute l’Amérique du Sud – et même à l’échelle mondiale. A l’inverse, la régénérescence de la révolution cubaine et la victoire de la révolution vénézuélienne transformeraient complètement la situation internationale.

Malgré toutes les difficultés qui existent à l’heure actuelle, Cuba a pu envoyer 15 000 docteurs et infirmiers participer au programme de santé publique mis en place par Chavez au Venezuela. Combien de médecins la France aurait-elle pu envoyer, si son gouvernement en avait eu l’intention ? Ainsi, quoi qu’en dise la propagande impérialiste contre Cuba et son gouvernement, nous avons sur cette île isolée la preuve concrète et irréfutable des énormes avantages économiques et sociaux de la nationalisation des moyens de production.

Les problèmes auxquels Cuba est confrontée ne viennent pas de la propriété d’Etat des moyens de production. Ces problèmes viennent de l’isolement de la révolution. La solution réside dans l’extension de la révolution au reste de l’Amérique latine, d’où l’importance cruciale des mouvements révolutionnaires au Venezuela, en Bolivie et ailleurs en Amérique latine.

 

Trois orientations fondamentales

 

 

Depuis de nombreuses années, la direction « dirige » le parti de recul en recul, sur tous les plans : implantation électorale, effectifs, enracinement syndical, ressources financières, moyens d’action et de propagande, etc. Ce déclin s’est accompagné d’une chute de l’autorité politique de la direction et d’un processus de dislocation du parti.

 

Une direction qui a  cautionné des privatisations massives et qui ne remet plus en cause la propriété capitaliste ne peut manquer de susciter des oppositions. Le virage vers le réformisme « anti-libéral » et le point d’interrogation qui plane encore sur l’existence même du parti suscitent une vive inquiétude chez de nombreux militants. L’idée qu’il faut rompre avec le réformisme anti-libéral et revenir aux idées fondamentales du communisme gagne du terrain.

 

De manière générale, trois grandes orientations politiques se sont cristallisées dans le parti, au cours de la dernière période. La première est celle des « liquidateurs ». Comme l’a clairement montré l’Assemblée extraordinaire de décembre dernier, cette tendance est très minoritaire au niveau des sections et cellules du parti. Elle bénéficie d’une sur-représentation flagrante dans ses instances dirigeantes. Pour les représentants de ce courant, le communisme est irrévocablement discrédité. Il faut inventer « autre chose » . En substance, ils disent la chose suivante : puisque le parti a tourné le dos au communisme, puisqu’il ne vise plus la conquête du pouvoir par les travailleurs et le renversement du capitalisme, puisqu’il a rallié l’économie de marché, il devrait assumer pleinement cette « mutation » et ne devrait plus s’appeler « communiste ». Si cette tendance devait atteindre ses objectifs, ce serait la fin du PCF. Ce n’est pas un hasard si la presse capitaliste lui accorde une couverture médiatique de premier choix.

 

La deuxième orientation, dans le parti, est celle qui pour le moment recueille l’adhésion de la majorité, dans les instances dirigeantes. Pour les partisans de cette orientation, le programme du parti – dont ils sont les architectes – doit conserver son caractère réformiste. Sur ce point, il n’existe aucune divergence significative entre eux et les « liquidateurs ». Cependant, ils s’opposent à la dissolution du parti et à l’abandon de son nom – pour le moment.

 

Il existe enfin une troisième orientation, qui s’oppose à la dilution réformiste du programme du PCF et dans laquelle s’inscrivent les signataires de ce texte. Nous considérons que si le PCF s’installait définitivement dans une politique d’adaptation au système capitaliste, il ne pourrait prétendre à un autre rôle que celui de cinquième roue de la social-démocratie, et perdrait encore du terrain. Nous nous opposons catégoriquement à la dissolution du parti comme à l’abandon de son nom. En ceci, nous sommes en phase avec l’écrasante majorité des adhérents du parti. Mais nous insistons également sur la nécessité de mettre le programme du parti en conformité avec son nom. Nous voulons doter le parti d’un programme clairement communiste et révolutionnaire.

Le marxisme

 

La lutte des classes doit être menée sur plusieurs plans. Il y a la lutte syndicale et « économique » pour de meilleurs salaires et conditions de travail. Il y a la lutte politique, la lutte électorale, ou encore la lutte pour la défense et l’extension des droits démocratiques. Parmi les aspects les plus importants de cette lutte, il y a le combat pour la régularisation des sans-papiers et le droit de vote des étrangers, combat dans lequel le PCF est fortement impliqué. Il y a la lutte pour construire et renforcer les syndicats, le parti, etc. Toutes ces formes de lutte sont indispensables et très importantes. Mais il y a aussi une autre facette de la lutte des classes qui est d’une importance absolument décisive. Il s’agit de la lutte idéologique, la lutte pour les idées, pour la théorie. Nous négligerions cette lutte à notre péril. Et la vérité, c’est qu’elle a été gravement négligée, voire presque complètement abandonnée, dans le parti, et ce depuis de nombreuses années.

Que pense la direction du PCF de la révolution russe ? Quelle est son appréciation de l’évolution de la Chine ? Est-elle d’accord avec la théorie marxiste de l’Etat, le matérialisme dialectique, la théorie économique de Marx ? Quelles sont, de son point de vue, les perspectives pour Cuba ou la révolution vénézuélienne ? Comment explique-t-elle la dégénérescence bureaucratique de l’URSS et son effondrement ultérieur ? La direction nationale du parti n’apporte aucune réponse à ces questions – ni à des dizaines d’autres du même ordre. Et on peut difficilement éviter l’impression qu’elle ne se les pose même pas.

 

Prenons, à titre d’exemple, la question de la dégénérescence bureaucratique de l’URSS et de son effondrement. Cette expérience historique colossale, qui a marqué l’histoire de son empreinte pendant plusieurs générations, a besoin d’être sérieusement analysée et expliquée.

 

Les dirigeants du parti ont beau « tourner la page » et oublier le stalinisme, cette question ne cesse pas pour autant d’être un facteur déterminant dans la conscience politique des travailleurs et des jeunes. Aujourd’hui encore, les crimes du stalinisme constituent l’un des arguments les plus puissants contre le communisme. Les capitalistes et leurs idéologues exploitent à fond ces crimes pour discréditer le communisme et le PCF.

 

La révolution russe elle-même, cette magnifique lutte contre l’oppression et la guerre, est extrêmement riche en enseignements. Mais l’étude des causes profondes de l’instauration progressive d’un régime totalitaire nous apprend également beaucoup. Compte tenu de l’isolement de la révolution dans un pays extrêmement arriéré, ravagé par la guerre civile et par l’intervention militaire de plus d’une vingtaine de puissances étrangères, les révolutionnaires de 1917 n’ont pas pu empêcher le triomphe de la bureaucratie. Lénine n’imaginait pas un seul instant pouvoir résoudre les problèmes auxquels la révolution était confrontée sans son extension rapide à travers le continent européen. Des centaines de milliers de communistes, dévoués corps et âme à la cause de la classe ouvrière, ont tenté de résister à la bureaucratisation du régime et l’ont payé de leur vie. Mais tant que le parti n’aura pas expliqué cette dégénérescence d’un point de vue marxiste, on ne convaincra jamais la jeunesse que le communisme ne porte pas en lui le germe du totalitarisme.

Longtemps, l’étude de la théorie, l’élaboration de perspectives et les questions de programme ont occupé une place centrale dans la vie du parti. Cette tradition a été largement perdue. Or, le redressement du PCF passe nécessairement par un retour aux idées fondamentales du marxisme, dans toute leur richesse. Le marxisme n’est pas la doctrine stérile et figée que décrivent ceux qui veulent le discréditer. Tous les communistes devraient s’intéresser aux questions de théorie, devraient s’efforcer de comprendre le marxisme, à commencer par les « classiques » de Marx et Engels.

Sans une attitude sérieuse envers des questions de théorie, il ne sera pas possible d’assurer le réarmement politique des communistes et de développer le parti authentiquement révolutionnaire dont nous avons besoin. Il ne s’agit pas d’un exercice académique. Il n’y a pas d’action révolutionnaire sans théorie révolutionnaire. La théorie est un guide pour l’action.

Réforme ou révolution

 

Marie-George Buffet avait raison de dire, au lendemain de la défaite de 2002, que le PCF avait reculé parce qu’il était allé « de compromis en compromis, de renoncement en renoncement ». Nul ne peut sérieusement douter que la participation du PCF au dernier gouvernement de gauche et la soumission de sa direction à la politique pro-capitaliste de Jospin, y compris les privatisations et les interventions militaires aux côtés de l’impérialisme américain (Serbie, Afghanistan), ont porté gravement préjudice à sa crédibilité auprès de ses sympathisants et électeurs, tout en semant la désorientation et la démoralisation dans ses propres rangs. Mais cette politique de compromis et de renoncement n’a pas été abandonnée depuis, bien au contraire.

Contrairement à un préjugé largement répandu, le marxisme n’oppose pas la lutte pour des réformes à la révolution. Sans la lutte quotidienne pour défendre nos acquis et en conquérir de nouveaux, le socialisme serait impossible. Pour Marx, Engels et Lénine, la participation à la lutte pour des réformes, pour arracher des concessions à l’adversaire capitaliste, était non seulement autorisée, mais considérée comme un devoir absolu. Cependant, ils considéraient les acquis et les sauvegardes arrachés de cette façon comme autant de « sous-produits », pour reprendre leur expression, de la lutte révolutionnaire pour la conquête du pouvoir. La caricature stupide selon laquelle les révolutionnaires, à la différence des réformistes « pragmatiques », ne s’intéresseraient pas aux questions immédiates et se contenteraient d’attendre, les bras croisés, l’avènement du « grand soir », n’a rien à voir avec le marxisme.

Ce n’est pas le lieu, ici, de présenter un programme complet et détaillé de revendications correspondant aux nombreux fronts sur lesquels nous devons nous battre au quotidien. Mais quelques-unes de ces revendications seraient, par exemple :

a) La défense du pouvoir d’achat, notamment par l’indexation des salaires et des retraites sur l’évolution des prix. Cette évolution doit être évaluée par les syndicats et les organisations de consommateurs. Relèvement du SMIC (1500 euros nets) et des minima sociaux. Aucun salaire inférieur au SMIC ne doit être autorisé. Les minima sociaux doivent être garantis à toutes les personnes sans ressources, sans exception.

b) La défense de l’emploi. Les 35 heures doivent être maintenues et étendues, les heures supplémentaires strictement limitées. Opposition à la réduction des effectifs dans les administrations et les services publics, dans l’Education nationale, les hôpitaux, etc. Lancement d’un vaste programme de travaux publics pour répondre aux besoins en matière d’infrastructures sociales et de logements. Opposition à tous les projets de fermeture ou de suppressions d’emploi dans le secteur privé, y compris par l’occupation des entreprises et la lutte pour leur nationalisation sous le contrôle et la gestion des travailleurs, sans indemnisation des capitalistes.

c) Les retraités doivent pouvoir vivre dignement. Retraite décente et garantie pour tous au plus tard à 60 ans, indépendamment du nombre d’annuités. Aucune retraite ne doit être inférieure au SMIC.

d) La santé publique ne doit pas être une source de profit, ni un terrain où se développe la concurrence. L’industrie pharmaceutique, ainsi que les fournisseurs d’équipements médicaux, les cliniques, les hôpitaux, etc., doivent être nationalisés et intégrés au service public de santé. Les soins doivent être pris en charge à 100%.

e) Pour une éducation publique, gratuite et de qualité. Opposition à la réduction des effectifs, aux restrictions budgétaires et à toutes les mesures qui vont dans le sens d’une privatisation des universités.

f) Un logement pour tous. Extension massive du parc de logements sociaux, par la construction, mais aussi par l’expropriation de logements locatifs dans le secteur privé, notamment par la nationalisation des grandes entreprises du bâtiment et les sociétés financières qui organisent la spéculation immobilière. Gel de tous les loyers. Opposition aux expulsions. Aucune famille ne doit se trouver dans la rue, faute d’argent.

g) Opposition à toutes les formes de discrimination raciale. Régularisation des sans-papiers. Fermeture des centres de rétention. Mettre fin au harcèlement policier et administratif des « étrangers ». A tous les scrutins nationaux et locaux, droit de vote de tous les étrangers séjournant et domiciliés sur le territoire national depuis 1 an.

Si le PCF n’avait pas un programme de revendications « immédiates » de ce type, et s’il n’expliquait pas son point de vue sur toutes les questions de société qui touchent de près ou de loin aux conditions de vie des gens, il se condamnerait évidemment à l’impuissance. Les communistes sont en première ligne de tous les combats pour loger des dizaines de milliers de « sans domicile fixe » qui dorment sous des tentes, dans des abris de fortune ou sur le pavé. Les communistes luttent pour la défense des acquis et l’amélioration des conditions de vie des salariés, de la jeunesse, des chômeurs et des retraités. Ils luttent au quotidien contre les discriminations raciales. Ils savent que les travailleurs « immigrés » servent de boucs émissaires pour tous les maux engendrés par le système capitaliste. Personne ne suggère de rester les bras croisés, en se limitant à l’affirmation de la nécessité du socialisme. Par contre, il faut toujours affirmer et expliquer cette nécessité, en la mettant en rapport avec les luttes immédiates et « concrètes ». Le programme général du parti a une fonction éducative, pédagogique. Il doit viser à inculquer aux travailleurs l’idée qu’ils peuvent et qu’ils doivent devenir les maîtres de la société, de l’économie et de l’Etat.

Il faut distinguer entre le réformisme et la lutte pour défendre et améliorer les conditions de vie des travailleurs. Ce sont deux choses différentes. Les communistes doivent bien évidemment participer à toutes les luttes qui s’engagent contre les inégalités et contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression. Mais, à la différence des réformistes, ils ne doivent pas se limiter à de simples réformes et perdre de vue leur objectif principal : le renversement du capitalisme.

Concrètement, on ne pourra briser l’emprise des capitalistes sur l’économie que par la nationalisation (ou « socialisation ») de l’industrie, des services et de la grande distribution, ainsi que de toutes les banques, des compagnies d’assurances et des organismes de crédit. Les travailleurs devront contrôler démocratiquement les entreprises nationalisées. Cet objectif doit occuper une place centrale dans la propagande des communistes. Il doit être patiemment expliqué à l’ensemble des travailleurs, non pas sèchement et abstraitement, mais en rapport direct avec leurs préoccupations et luttes immédiates. De manière générale, le PCF devrait connecter l’ensemble de ses revendications et mots d’ordre à cet objectif stratégique global. Même les luttes défensives doivent être liées à l’objectif du socialisme. Face à la démolition systématique de toutes les conquêtes sociales du passé, la lutte pour la défense des acquis et pour de nouvelles concessions est inextricablement liée à la nécessité de renverser l’ordre capitaliste.

L’expropriation des capitalistes signifierait que les gigantesques ressources économiques du pays pourraient être orientées vers la satisfaction des besoins sociaux, au lieu de servir à l’enrichissement d’une petite minorité. Les nationalisations du passé, comme celles réalisées sous Mitterrand, ne concernaient qu’une fraction de l’économie (20%), laissant sa majeure partie entre les mains des capitalistes. Par ailleurs, les travailleurs n’avaient pas le contrôle des entreprises nationalisées, dont le fonctionnement et les objectifs ne se distinguaient en rien de ceux des entreprises du secteur privé. La corruption des dirigeants du Crédit Lyonnais et d’Elf-Aquitaine en est l’exemple le plus criant. Aujourd’hui encore, la Caisse des Dépôts a beau être une institution de l’Etat, elle est propriétaire d’un nombre important d’entreprises capitalistes, ce qui ne fait que souligner l’enchevêtrement complet des institutions de l’Etat et des intérêts de la classe dirigeante.

Le socialisme ne se réduit pas à la propriété d’Etat. C’est une forme de société dans laquelle toutes les grandes entreprises, l’ensemble du système bancaire et toute l’administration publique – c’est-à-dire la direction de l’Etat – sont soumis au contrôle démocratique des travailleurs, à tous les niveaux. C’est la seule façon d’instaurer une planification rationnelle et démocratique de l’économie nationale, au bénéfice de l’ensemble de la société.

Bien évidemment, un tel programme révolutionnaire ne sera pas immédiatement compris et accepté par tous les travailleurs et toute la jeunesse. Le salariat n’est pas politiquement homogène. Dans toutes les périodes historiques « normales », c’est-à-dire non-révolutionnaires, la grande majorité des jeunes et des travailleurs demeurent politiquement inertes et passifs. Mais l’« avant-garde », qui est composée des éléments les plus conscients et les plus actifs, tire plus rapidement des conclusions révolutionnaires de son expérience. Si un programme communiste est correctement expliqué, en s’appuyant sur l’expérience collective et pratique des travailleurs eux-mêmes, il obtiendra l’adhésion d’une fraction importante de la couche la plus consciente, la plus avancée et la plus militante des travailleurs et de la jeunesse. Et à travers elle, il prendra profondément racine dans l’ensemble de la classe ouvrière.

On voit ici l’importance cruciale des perspectives, sans lesquelles on risque de tomber dans une capitulation opportuniste aux « réalités » du présent – notamment à des fins électorales. On entend souvent que des idées vraiment communistes, qui affichent clairement des objectifs révolutionnaires, ne sont pas « pratiques ». Elles sont « abstraites », dit-on. Il y a une certaine vérité dans cette affirmation, puisque, par définition, un programme révolutionnaire ne peut être mis en œuvre que dans une situation révolutionnaire. Mais tout en luttant dans le présent, un parti communiste se doit de préparer l’avenir. Tôt ou tard, sous l’impact des événements et dans le contexte de confrontations majeures entre les classes, les couches du salariat jusqu’alors relativement inertes se trouveront, elles aussi, brusquement projetées dans la lutte.

Telle est l’essence d’une situation révolutionnaire. Une révolution se caractérise par l’entrée en action de la masse de la population. On le voit actuellement au Venezuela et en Bolivie. Dans les années à venir, l’extrême instabilité sociale qui caractérise l’ensemble de l’Amérique latine gagnera l’Europe. En France, nous l’avons dit, les capitalistes et leurs représentants au gouvernement imposent la régression sociale permanente. Dans leur tentative de rétablir un équilibre économique, ils aboutiront à la destruction de l’équilibre social et politique sur lequel repose la stabilité de l’ordre établi.

A un certain stade, une explosion de la lutte des classes à une échelle massive est inévitable. Dans ce contexte, un programme révolutionnaire – jusqu’alors jugé trop radical et trop extrême par nombre de travailleurs – gagnera le soutien enthousiaste de larges couches de la population. Dans une révolution, la conscience des travailleurs progresse à une vitesse vertigineuse. Il faut s’y préparer. Pour ce faire, les communistes doivent dès aujourd’hui gagner les éléments les plus conscients de la jeunesse et du salariat au programme de la révolution socialiste. Sans cela, la crise révolutionnaire en cours de maturation risque de prendre le parti au dépourvu.

Le programme du PCF doit être une arme pour aider les travailleurs et les jeunes à se préparer consciemment au développement d’une situation révolutionnaire qui leur offrira l’occasion d’en finir une fois pour toutes avec le système capitaliste.

L’avenir du parti

 

Malgré les difficultés qu’il a connues au cours de la dernière période, le parti occupe une place très importante – et potentiellement décisive – dans le mouvement ouvrier français. Il a une longue tradition de lutte et de résistance à l’oppression. Il dispose d’énormes réserves sociales, ce qui explique toute la propagande hostile et mensongère dont il est l’objet, de la part des médias et de tous les représentants de la société « officielle ». Dans la conscience collective de plusieurs millions de travailleurs, le PCF demeure une force et un allié dans la lutte contre les innombrables injustices et oppressions que leur inflige le capitalisme. Le virage droitier de la direction du Parti Socialiste renforce encore les perspectives de développement du PCF – du moins potentiellement.

Notre parti peut devenir, doit devenir une force sociale et politique extrêmement puissante. De grandes perspectives s’ouvrent à nous. Mais pour qu’elles se réalisent, il est absolument indispensable de rompre avec la politique insipide du réformisme « antilibéral » et de renouer avec les traditions militantes et révolutionnaires de notre passé – c’est-à-dire avec les idées du marxisme. Le Parti Communiste doit redevenir un parti révolutionnaire, dans son programme, dans son action et dans son tempérament. Sur cette base, il regagnera progressivement sa position de parti des éléments les plus combatifs de la jeunesse et des travailleurs. Il retrouvera ses relais et son enracinement massif dans le mouvement syndical et les quartiers populaires.

Face au désastre social provoqué par le capitalisme, des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs cherchent des idées sérieuses, un programme qui offre une véritable alternative au système actuel. Le capitalisme n’offre plus d’autres perspectives que la régression, le déclin, la crise permanente, la destruction des conquêtes sociales. Aucune société ne peut continuer indéfiniment sur cette pente. Le socialisme n’est donc pas une utopie, mais une nécessité. La tâche primordiale des communistes est de donner une expression concrète à cette nécessité dans le programme, la théorie et la pratique du parti.

 

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10 octobre 2008 5 10 /10 /octobre /2008 00:24

L’entrepreneur, le travailleur, le marché et la Bourse

Par Jean-Luc Gréau, économiste indépendant (*).

Le discours de Toulon a résonné dans le débat politique français comme l’aveu explicite que l’expérience néolibérale avait conduit les économies et les peuples sur un chemin dangereux, au risque d’une dépression historique. Il doit être salué à ce titre, en tant que dévoilement de la vérité.

Son énoncé précis laisse cependant l’analyste économique et politique sur sa faim. Car pourfendre le capitalisme financier spéculatif et les agissements cyniques qu’il favorise ne nous dit rien de ce qui s’est passé vraiment au cours de ces trente dernières années, de ce qui se passe exactement en ce moment, de ce qui pourrait se passer si les opérations de sauvetage du système du crédit devaient échouer. Le discours de Toulon laisse d’abord dans l’ombre la nature même de l’expérience qui a consisté à subordonner les marchés économiques et leurs acteurs, les entrepreneurs, aux marchés financiers et à leurs opérateurs, les traders. Il oublie de signaler aussi que les marchés financiers ont pris le pouvoir en alignant leurs comportements sur celui d’un marché de référence qui s’appelle la bourse. La crise financière est hors de portée intellectuelle si l’on omet de prendre en compte cette double transformation qui a changé la face et le contenu du système capitaliste.

En effet, au moment où le mur de Berlin tombe, le capitalisme qui triomphe a cessé d’être le capitalisme d’après-guerre, qui avait su se guérir de ses plaies historiques pour en inventant un modèle socio-libéral efficace, prospère et relativement juste. C’est un capitalisme réorganisé, à l’initiative de la finance anglo-américaine précisément, pour annihiler le modèle d’après-guerre. Il consiste à développer partout dans le monde occidental et les pays émergents des économies soumises à la gouvernance de marchés spécifiques qui ont nom la Bourse, le marché du crédit, le marché des devises et le marché des matières premières. Le marché boursier, dominé par les fonds de placement collectif, s’assigne la tâche de juger et sanctionner les entreprises comme un maître d’école juge ses élèves. Parallèlement, les marchés du crédit prennent leur essor sur la base de ce qu’on appelle la « titrisation », c’est-à-dire la faculté pour les prêteurs de se défausser du risque qu’ils ont pris, en cédant leurs créances à d’autres financiers, qui vont jouer avec elles comme s’il s’agissait d’actions en Bourse. Simultanément, les monnaies des différentes nations engagées dans le commerce international, n’étant plus assujetties à des parités fixes déterminées par les États, sont soumises à la cotation quotidienne de traders spécialisés. Enfin, selon un processus irrésistible, l’intégralité des matières premières agricoles et industrielles, dont les prix étaient auparavant le plus souvent fixés sur des marchés économiques, par la confrontation des producteurs et des utilisateurs, fait l’objet à leur tour d’une évaluation sur des marchés financiers spéculatifs, évaluation qui s’imposera ensuite aux entreprises et à leurs clients : Exxon et Total ne fixent plus leurs prix de vente !

Tous ces marchés fonctionnent comme des marchés boursiers. Ils sont voués à subir des périodes d’euphorie, puis de méfiance, enfin de défiance qui se manifestent par un krach des valeurs concernées. C’est ainsi que nous avons connu, ces vingt dernières années, différents épisodes tumultueux : crise boursière en 1987, crise du système monétaire européen en 1992 et 1993, crise des monnaies et des Bourses asiatiques et russe en 1997 et 1998, crise des valeurs Internet en 2001 et 2002. La crise financière actuelle a pris son élan à partir d’une crise immobilière américaine démultipliée par le surendettement des ménages locaux, dont les marchés du crédit titrisé n’avaient aucunement conscience. Elle consiste, depuis juin 2007, en une succession de périodes de krach rampant ou aigu des grands marchés du crédit qui étaient, au moment de l’adoption du plan Paulson, à l’agonie.

Notre avenir est devenu indiscernable. Nous sommes devenus les acteurs involontaires d’un drame financier, économique et social qui se déroule hors de notre volonté. Cependant, il est désormais possible de tirer la morale de l’expérience néolibérale, et avec elle d’imaginer les contours essentiels de la nouvelle économie à construire.

L’entrepreneur a été la dupe du triomphe de la finance. On l’a d’autant plus couvert de louanges que l’on considérait son entreprise comme un pur objet de valorisation financière. Les financiers qui ont rançonné les entreprises refusent aujourd’hui le crédit dont elles auraient besoin pour préserver leur activité.

Le travailleur, qualifié ou non qualifié, a été le perdant radical. Les localisations opportunistes d’emploi sur les sites à bas coût du travail et de la matière grise, au nom d’une concurrence mondiale dictée par les financiers, l’ont placé en position d’infériorité absolue et créé les conditions d’une déflation salariale qui interdit désormais de renouer avec une croissance forte et durable.

Pour qu’une nouvelle économie, plus équilibrée et plus juste, prenne corps, il faudra bien se délivrer des marchés boursiers de différentes sortes que la finance d’inspiration anglo-américaine a imposés pour gouverner le monde.

(*) Auteur aux éditions Gallimard (collection « Le Débat ») du Capitalisme malade de sa finance (1998) ; de l’Avenir du capitalisme (2 005) ; la Trahison des économistes (2008).

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